CORONAVIRUS JOURNAL DE GUERRE JEUDI 2 AVRIL 2020

Gégé, je le connais depuis longtemps. Il a deux passions, la pêche à la crevette grise et la marche à pied. Il vient de prendre sa retraite après 40 ans de bons et loyaux services aux impôts.

Agent d’accueil des contribuables, très bien noté par sa hiérarchie : « Grandes qualités humaines et compétence professionnelle remarquable » ( entendez « Champion toutes catégories du redressement fiscal »). Il m’a souvent raconté qu’il connaissait par coeur toutes les ficelles imaginées par ses « clients » pour échapper à l’impôt. Il prenait ainsi un malin plaisir à laisser le fraudeur s’empêtrer dans ses arguments et lui laisser croire qu’il avait réussi à leurrer l’agent du fisc. Le KO final – chiffres à l’appui bien sûr – n’en était que plus jouissif avec, cerise sur le gâteau, la petite leçon de morale finale.

J’ai eu Gégé hier au téléphone. Toujours égal à lui-même, il m’a annoncé qu’il avait tout naturellement changé de camp. Il avait mis au point une combine pour avoir les agents de police et pouvoir ainsi échapper au confinement pendant plusieurs heures au grand air.

« Il suffit tout bêtement de préparer un jeu de laissez passer avec des heures de départ différentes et à suivre. Comme ça tu peux faire une rando de 3 heures sans problème. Si tu veux aller plus loin que le kilomètre autorisé, tu prépares un autre jeu pour « achat de première nécessité » et tu dis que t’es obligé d’aller dans les magasins bio loin de chez toi. »

J’imagine le sourire de Gégé au bout du fil. Toujours fier de lui, à l’affût de la petite embrouille pour duper l’autorité.

C’est Françoise, sa femme, qui nous a appelés tout à l’heure. Gégé s’est fait avoir par la patrouille ! Il a été interpellé à plus de 5km de chez lui après deux bonnes heures de marche autour du parc de Thorigné.

« Vous pouvez sortir toutes les attestations de déplacement dérogatoires que vous voulez. On vous suit avec notre drône depuis plus d’une heure. » Et le policier lui a montré sur l’écran la scène vue du haut et lui a indiqué du doigt le petit engin silencieux au-dessus d’eux dans le ciel.

« Vous n’étiez pas par hasard à l’accueil des impôts l’an dernier ?

– Si, a répondu Gégé

– J’me disais bien… Et bien ça vous fera 135€.

Je n’excuse pas Gégé, bien sûr, mais il faut dire qu’au service du redressement fiscal, ils n’ont pas encore de drône.

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Michel Heffe
Michel Heffe : dessinateur, humour, satire, caustique, ironie…

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