Côtes-d’Armor. 250 000 € pour cette maison de lin à Uzel

460
toile lin Uzel

Une ancienne maison typique des marchands de toile du 18e siècle, à Uzel, près de Loudéac, s’est vue attribuer 250 000 € par le Loto du patrimoine, le 17 décembre 2025.

Elle a l’allure discrète des maisons qui ont vu passer des fortunes puis le silence. À Uzel, petite bourgade du Centre-Bretagne, au cœur des Côtes-d’Armor, une demeure de négociant toilier se dresse sur la place aux Pots comme un témoin resté debout quand tout s’est décalé autour.

En cette fin d’année, la maison retrouve soudain une promesse : 250 000 € attribués par le Loto du patrimoine, annoncés le 17 décembre 2025. Un coup de projecteur, et surtout une respiration pour un édifice fragile.

toile lin Uzel

La nouvelle a de quoi réjouir son propriétaire, Alexandre Crézé, qui porte ce chantier comme on porte une dette heureuse : celle de transmettre. L’ancienne maison de marchand de toiles — bâtie du XVIIe au XIXe siècle, fortement marquée au XVIIIe — occupe une position centrale dans le bourg, 6 place aux Pots. Par sa façade classique, son jardin clos et ses volumes, elle raconte l’époque où Uzel battait au rythme du lin, lorsque les ballots de toile faisaient voyager les noms bretons bien au-delà des landes et des talus.

À l’intérieur, le passé n’est pas un décor rapporté : boiseries, proportions, mobilier aux courbes raffinées… Un ensemble suffisamment rare pour avoir été inscrit au titre des Monuments historiques en 2006 (intérieur et extérieur) — ce que l’on résume parfois, dans le langage courant, par « maison classée ». Problème : le patrimoine, lorsqu’il n’est plus habité, se met à parler une langue plus brutale. Et celle-ci dit l’urgence.

toile lin Uzel

Après des décennies d’inoccupation, l’édifice souffre de désordres structurels majeurs : infiltrations, affaissements ponctuels, instabilité de la charpente et des planchers. Il ne s’agit pas ici d’une simple rénovation cosmétique, mais d’une restauration de fond, destinée à remettre la maison hors d’eau et hors d’air — le premier geste de survie, avant toute ambition.

Le projet est conduit par les propriétaires avec l’appui de Dominique Bonneau, architecte du patrimoine. Surtout, il a été retenu comme lauréat de la Mission Patrimoine 2025, opération confiée à Stéphane Bern et déployée par la Fondation du patrimoine, avec le soutien du ministère de la Culture et de FDJ UNITED. Les 250 000 € annoncés le 17 décembre ne sont pas un chèque magique ; ils sont une marche décisive, un levier pour rendre possible le reste.

toile lin Uzel

Au XVIIIe siècle, Uzel devient un petit centre névralgique du commerce des toiles de lin. La maison regarde encore l’endroit où se tenait la halle aux toiles (aujourd’hui disparue), une situation stratégique à l’époque, quand le marché décidait du destin des familles et des bourgs. Ce passé toilier dessine une géographie : celle de la « Route du lin », reliant Quintin à Loudéac, et plus largement un Centre-Bretagne qui cherche aujourd’hui des raisons de rester debout.

À ce titre, la restauration n’est pas seulement un geste patrimonial, elle dialogue avec une offre touristique et culturelle plus vaste, entre le musée des Toiles de Saint-Thélo et La Fabrique – Atelier du Lin de Quintin. En filigrane, une question : comment faire du patrimoine autre chose qu’une carte postale, et lui redonner une utilité vivante ?

toile lin Uzel

C’est ici que le projet prend une teinte plus contemporaine. Les propriétaires veulent faire de la maison un levier de revitalisation pour un bourg qui a vu ses commerces se raréfier au début des années 2000. L’idée : créer un lieu hybride, à la fois accueillant et productif, mêlant café, boutique de créateurs (mobilier et objets fabriqués par des artisans bretons), espaces de co-working et de location, et même une chambre d’hôtes, à terme, dans la gloriette. Avec, au bout du chantier, la perspective de plusieurs emplois pour faire tourner et animer l’ensemble.

On pourrait voir là un simple “beau projet”. Mais il y a plus, une manière de rappeler qu’une maison ancienne n’est pas un musée figé. C’est une machine à récits, à sociabilité, à économie locale — à condition de la sauver à temps. Le 17 décembre 2025, les 250 000 € du Loto du patrimoine ont ouvert une porte. Reste maintenant à pousser la maison dehors du silence, pour qu’à Uzel, la place aux Pots redevienne une place où l’on passe, où l’on s’arrête, où l’on revient.