L’opéra en trois actes de Boieldieu, La dame blanche, qui avait été joué en décembre dernier en comité restreint, est proposé à tous les Rennais en ce Noël 2021 en écho à la projection musicale “Reines” sur la façade de l’Hôtel de Ville. Une dame blanche pour Noël, un parfait mets de Réveillon. Présentation passée et future.
Mais d’abord qui est ce Monsieur Boieldieu ? De son prénom, François-Adrien, il est né en 1775 à Rouen, il fut en son époque un compositeur largement reconnu. Directeur de l’Opéra impérial de Saint-Pétersbourg, il succède à Étienne Nicolas Méhul au conservatoire de Paris. Auteur de 645 pièces musicales répertoriées, il excelle dans l’opéra. Ses sources d’inspirations multiples vont du Calife de Bagdad au Petit chaperon rouge sans oublier le héros antique Télémaque.
Avec La Dame blanche, son œuvre phare, il met en musique un texte inspiré de plusieurs livres de l’Anglais Walter Scott. Le livret est écrit par un auteur non moins célèbre en la personne du dramaturge Eugène Scribe. Comme assez fréquemment pour les opéras comiques de cette époque, l’argument confesse une certaine naïveté. De braves fermiers voient avec inquiétude que le manoir ancestral et les terres de leurs seigneurs, les comtes d’Avenel, vont être mis en vente. À cette détresse s’ajoute la colère puisqu’un possible acquéreur n’est autre que l’ancien intendant Gaveston, personnage aussi peu sympathique que recommandable.
Arrive alors un jeune officier du nom de Georges Brown dont, après de nombreux rebondissements, nous découvrirons la véritable identité. La protection de la dame blanche, spectre qui hante ces lieux, suffira-t-elle à écarter un destin funeste ? Située entre le magique et le romantique, La dame blanche est illustrée d’une musique merveilleuse. À aucun moment on ne s’ennuie, l’esprit sans arrêt stimulé trépigne de savoir la direction que prendront les événements.
Comment s’étonner alors que ce chef-d’œuvre français ait tenu la scène au Metropolitan opéra de New York de 1885 à 1926 totalisant l’incroyable chiffre de 1669 représentations. Mais revenons à Rennes. Ce qui, avant toute chose nous a enchanté, c’est la jeunesse et la qualité des différents interprètes. Il n’y a rien à jeter et cette belle homogénéité laisse de cette production, l’impression d’un travail très abouti, c’est vraiment du solide. Accompagné par l’excellent ensemble « Les siècles » sous la direction de Nicolas Simon nous saluerons en premier le couple formé par les fermiers Dikson et Jenny (respectivement Fabien Hyon et Sandrine Buendia), tous deux remarquables, campent des personnages plein de vigueur en parfaite cohérence avec l’esprit de l’œuvre.
Ce compliment mérité vaut également pour Sahy Ratia dans le rôle de Georges. Quelle belle voix ! Et aussi quelle générosité ! Il donne à son personnage une épaisseur et une crédibilité tout à fait réjouissantes. Beaucoup de grâce et de fragilité pour le rôle d’Anna interprété avec justesse par Caroline Jestaedt : si sa voix est, sur quelques très brefs passages, un peu en manque de puissance, elle nous fait oublier ce bien modeste inconvénient par des aigus d’une extatique délicatesse. Un vrai moment de communion.
Notre petit coup de cœur de cette soirée est pour Yannis François dont la voix aux belles notes graves et la méphitique interprétation du méchant de l’histoire sont délicieusement réjouissants de méchanceté. Il est parfait ! Son costume reluisant de paillettes, sa présence scénique pleine de conviction, tout concourt à placer son inquiétant personnage au plein centre de la scène. Majdouline Zerari en Marguerite pleine d’expérience et Ronan Airault en juge de paix Mac Irton plein de drôlerie, méritent également tous nos chaleureux compliments.
Les costumes réalisés par l’atelier de l’opéra de Rennes sont dignes d’éloges, bien pensés et ne manquant pas d’originalité, ils contribuent à donner aux personnages une aura particulière et cela est vrai tout spécialement pour Gaveston et la dame blanche, deux créations véritablement réussies. Tout cela sera bien mis en valeur par des ambiances lumineuses sobres aux teintes automnales et crépusculaires, travail discret, mais plein d’exactitude de l’éclairagiste Luc Michel.
Dernier point, le décor, à notre goût un peu minimaliste avec ses quelques feuilles et un fond de couleur, présente l’avantage d’être transposable de façon très aisée sur d’autres scènes. C’est heureux puisque cela permettra de faire tourner ce spectacle de très bonne qualité dans tout l’Hexagone et qui sait plus encore. Entre chaînes télé et réseaux sociaux il vous sera aisé de mettre à votre menu lyrique cet excellent travail, notre conseil est de ne pas vous en priver. Vous risquez seulement de passer un bon moment.
La Dame blanche, Opéra-comique en 3 actes créé le 10 décembre 1825 à l’Opéra Comique à Paris. Livret d’Eugène Scribe d’après 2 romans de Walter Scott.
Pratique : Opéra de Rennes, place de la Mairie. Mardi 28, mercredi 29, vendredi 31 décembre 2021 à 20 h, samedi 1er janvier 2022 à 16 h De 5 à 60 €.T
Crédit Photo : © Rémi Blasquez.
Distribution
Nicolas Simon : Direction musicale
Louise Vignaud : Mise en scène
Sarah Kristian : Assistante mise en scène
Pauline Noblecourt : Dialogues parlés
Irène Vignaud : Scénographie
Cindy Lombardi : Costumes
Luc Michel : Lumières
Nicolas Chesneau : Chef de chant
Robin Melchior : Transcription
Christelle Paillard : Maquillages et coiffures
Orchestre Les Siècles
Chœur Le Cortège d’Orphée
Anthony Lo Papa : Direction
Sahy Ratia : Georges
Fabien Hyon : Dikson
Sandrine Buendia : Jenny
Yannis François : Gaveston
Caroline Jestaedt : Anna
Majdouline Zerari : Marguerite
Ronan Airault : Mac-Irton, juge de paix
Costumes réalisés par l’atelier de l’Opéra de Rennes. Décor réalisé par l’atelier des 2 Scènes – Scène nationale de Besançon La Dame blanche est une coproduction Les 2 scènes – scène nationale de Besançon, Le Théâtre impérial de Compiègne, Le Bateau feu – scène nationale de Dunkerque, Le Théâtre de Cornouaille – scène nationale de Quimper, L’Atelier lyrique de Tourcoing, L’Opéra de Rennes. En partenariat avec la Compagnie La Résolue.