Conceptualisation, documentation, appel à résistance : le nouvel essai de Karine Jacquemart, directrice de Foodwatch France, explore les failles systémiques de notre alimentation moderne avec la rigueur d’une enquêtrice et la conviction d’une militante.
Dans Les Dangers de notre alimentation – Dérives et conséquences du système agroalimentaire sur nos vies (Payot, mars 2025), Karine Jacquemart signe un essai d’intervention qui articule enquêtes, réflexions systémiques et plaidoyer citoyen. Directrice de Foodwatch France, ONG spécialisée dans la défense des consommateurs, elle met au jour les dérives d’un modèle alimentaire industrialisé qui génère à la fois inégalités, maladies chroniques, pollutions durables et perte de sens. Loin de se contenter d’un réquisitoire contre la « malbouffe », Karine Jacquemart interroge la racine politique du problème : un système verrouillé par des intérêts privés qui ont capté l’appareil normatif et dépossédé les citoyens de leur pouvoir de décision. En découle un régime alimentaire imposé, peu transparent, souvent toxique, et socialement inégalitaire.
« Aujourd’hui, trois ou quatre multinationales contrôlent toute la chaîne de production de ce que vous mangez : des semences aux supermarchés. Elles dictent aux agriculteurs quoi planter, aux distributeurs quoi vendre, et à l’État quoi réguler ou ne pas réguler. Résultat : une poignée de groupes privés décident pour nous, sans débat public, des produits que nous avalons chaque jour. Ce n’est pas seulement une confiscation de choix : c’est une dépossession démocratique. En matière alimentaire, les citoyens ne votent plus qu’avec leur carte bancaire – et encore, à condition d’en avoir les moyens. »
Karine Jacquemart démontre que l’alimentation n’est plus seulement une affaire de nutrition ou de plaisir, mais un champ de luttes politiques où s’affrontent les logiques du profit, de la santé publique et de la justice sociale. Elle reprend ici une intuition déjà présente chez Vandana Shiva ou Raj Patel : qui contrôle la nourriture contrôle les peuples.

Karine Jacquemart parle d’une double peine : exposition à des produits dégradés, et perte de contrôle sur leur choix. Les consommateurs, notamment les plus précaires, sont les premières victimes d’un modèle où les produits transformés sont les plus accessibles, et où les étiquettes sont devenues des outils de confusion plus que d’information. L’ouvrage documente ainsi des cas de fraude, de lobbying, de réglementations ajournées sous pression industrielle.
« On nous répète que nous sommes responsables de ce que nous mangeons, mais comment l’être quand les informations nutritionnelles sont camouflées, les additifs non testés, les scandales minimisés ? Depuis vingt ans, l’industrie agroalimentaire construit une malbouffe premiumisée : des produits beaux, colorés, attractifs, qui flattent les sens tout en détraquant les corps. Les données épidémiologiques sont sans appel : diabète de type 2, obésité infantile, cancers digestifs, tout cela progresse silencieusement, en miroir du progrès de l’ultra-transformation. Il y a derrière cette épidémie lente une responsabilité politique que personne n’assume. »
Fil rouge du livre : la critique de la responsabilisation individuelle dans un système qui organise sciemment l’opacité et l’addiction alimentaire. Karine Jacquemart pointe ici la manière dont les choix sont biaisés par la publicité, le packaging, la désinformation, mais aussi par la précarité économique. L’industrie ne vend pas seulement des produits : elle façonne les corps et les comportements.
Le dernier tiers de l’ouvrage s’ouvre sur une série de propositions : réformer la PAC, interdire certains additifs, renforcer la régulation des lobbys, soutenir les circuits courts, mais aussi initier un véritable plan national d’éducation à l’alimentation. Pour Karine Jacquemart, il ne s’agit pas seulement de dénoncer, mais de reconstruire : « Notre avenir alimentaire ne peut pas se jouer dans les conseils d’administration de Nestlé ou de Carrefour. Il doit redevenir l’affaire des citoyens. »
Les Dangers de notre alimentation s’impose comme un texte clé pour qui souhaite comprendre pourquoi ce que nous mangeons est devenu un enjeu démocratique majeur. Karine Jacquemart signe un essai utile, accessible, documenté, porteur d’une indignation saine et d’un désir de transformation. Un livre nécessaire à l’heure où se posent les questions de transition agricole, de justice environnementale et de droit à une alimentation digne.
Signatures :
- Jeudi 10 juillet à BREST, rendez-vous à la Librairie Dialogues à 18h30
- Samedi 26 et dimanche 27 juillet au Festival Décroissance à Saint Maixent L’Ecole (Deux-Sèvres)
- Dimanche 5 octobre 2025, à Paris : Festival du livre et de la presse d’écologie (le Felipé), à l’Académie du Climat
- Vendredi 14 au dimanche 16 novembre au Festival du livre Gourmand à Périgueux (24000)
Titre : Les Dangers de notre alimentation – Dérives et conséquences du système agroalimentaire sur nos vies
Autrice : Karine Jacquemart
Éditeur : Payot & Rivages (collection Essais Payot)
Date de parution : 5 mars 2025
ISBN : 978-2-228-93846-4
EAN : 9782228938464
Format : Broché (disponible aussi en version numérique, PDF/ePub)
Nombre de pages : 288 pages
Dimensions : 13,5 x 21,5 cm
Poids : Environ 380 g
Prix public :
- Version papier : 19,90 €
- Version numérique : 14,99 €
Langue : Français
Catégorie : Essai / Société / Alimentation / Environnement
Public concerné : Grand public, militants, journalistes, décideurs politiques, étudiants en sciences sociales ou agronomie
Diffusion : Payot & Rivages / Hachette Livre
Code distributeur : Interforum