Boris Charmatz revient à Mettre en scène avec danse de nuit du 8 au 12 novembre dans deux lieux de représentations différents : le stade Jean Coquelin puis la halle du Triangle. Il affirme parfaitement et clairement son art comme endroit de résistance, éloge de la vie.
Boris Charmatz, après les attentats de Charlie avait fait état de sa vive émotion face à l’horreur, bien sûr, mais aussi face à la réponse exceptionnellement massive, unie des citoyens, des gens, de la sortie de réserve. De cette émotion est né en mai 2015 Fous de danse, phrase chorégraphique de douze heures où public, danseurs amateurs et professionnels de tous horizons et de toutes statures se mêlent dans un dispositif égalitaire et festif.
En 2016, avec danse de nuit, Boris Charmatz nous replonge plutôt dans l’ambiance des nuits de veillées qui ont suivies l’annonce des attentats, celles où l’on tentait de sortir de l’effroi et de son ressassement en se rassemblant sur des places publiques et où des « je suis, ou, nous sommes Charlie » fusaient de la foule spontanément et avec récurrence.
Comment danser après cela ? Avec de belles chorégraphies dans des théâtres prévus à cet effet ? Avant et indépendamment de cela, le chorégraphe en sortait déjà de plus en plus. Pour La levée des conflits, il existe deux versions : sur un plateau de théâtre, ou en extérieur où le public est plus en proximité avec les danseurs. manger était initialement donné sur le plateau traditionnel de théâtres (comme à la création, il y a deux ans à Mettre en scène) avec un public face aux danseurs, et à muté suite à la première édition de Fous de danse (en mai 2015) vers un format où les spectateurs se placent en cercle autour des danseurs, avec lesquels ils partagent le même sol.
Avec danse de nuit, le cap est clairement franchi. C’est d’emblée au sein de l’espace public que prend place cette danse et le ton est tout de suite donné : il ne s’agit pas de tout voir. Au début de la pièce, chaque danseur entraîne une part du public autour de lui et si le spectateur suit l’un d’entre eux, il ne verra pas les cinq autres. C’est une vision fragmentée du spectacle qui est imposée.
Le public suit les danseurs qui se regroupent à la queue leu leu puis se séparent et se retrouvent à nouveau. Les gestes, les sauts, le rapport au sol, typiques des chorégraphies de Boris Charmatz alors que des textes sont scandés en boucles tout au long de la pièce. Ces répétitions, plus que de proposer au spectateur de tout voir, lui demandent de reconstruire en permanence ce qu’il a perçu sous les feux des projecteurs sans cesse réagencés en direct par Yves Godin, tels des projecteurs de caméras vidéos qui capteraient sur le vif un événement exclusif. Le contexte émotionnel, l’incertitude des événements post attentats est ainsi recréé. Les textes issus de poèmes contemporains, d’un témoignage à chaud de Patrick Pelloux, mais aussi d’anecdotes hors contexte vécues par les danseurs (ou même des insultes qu’ils se sont prises en pleine face), etc., sont dits droit dans les yeux du public ou dans leur course folle. L’intensité physique que requiert la pièce pour les danseurs — l’équivalent de deux pièces en une — les déplacements quasi permanents des danseurs en état de lutte durant toute la représentation et du public placent toutes et tous dans une fébrilité analogue à celle ressentie lorsqu’une émotion vive nous submerge et plus particulièrement une émotion angoissante.
La réponse de Boris Charmatz, loin des théâtres ou des musées où il aima danser, est la proximité encore plus grande de cet espace public, inconfortable, mais égalitaire. Le chorégraphe a poussé l’éclatement, la fragmentation de cet espace à son maximum et le travail des danseurs qui portent la danse est l’endroit où les émotions sont dites et transcendées, un endroit où le spectateur actif se rassemble autour d’eux pour ne pas sombrer dans les limbes du silence et de la morbidité. Cette danse de nuit réaffirme le travail de Boris Charmatz comme endroit de résistance, de vie dans un dispositif de spectacle remis en jeu à chaque nouvelle création.
Danse de nuit de Boris Charmatz, danseur, chorégraphe et directeur du Musée de la danse / Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne, du 8 au 12 novembre 2016 dans le cadre du Festival Mettre en scène à Rennes
Le 8 novembre à 20h et le 9 à 19h stade J. Coquelin / CER Cheminots de Bretagne.
Le 10 novembre à 21h30, les 11 et 12 novembre à 19h30 halle du Triangle.
pour public averti, durée 1h00
réservations : TNB
Chorégraphie Boris Charmatz
Interprétation Ashley Chen, Julien Gallée-Ferré, Peggy Grelat-Dupont, Mani Mungai, Jolie Ngemi, Marlène Saldana, en alternance avec Olga Dukhovnaya, Frank Willens
lumière Yves Godin
costumes Jean-Paul Lespagnard
travail vocal Dalila Khatir
glossolalie réalisée à partir d’improvisations des danseurs, des textes Erasure, Hands Touching, Move et Starfucker de Tim Etchells, des propos de Patrick Pelloux sur France Inter le 8 janvier 2015, de lignes écrites par Boris Charmatz, de citations et réappropriations de Robert Barry, Marc Gremillon, Bruno Lopes, Didier Morville, Thierry Moutoussamy, Bruce Nauman, Christophe Tarkos, ainsi qu’une comptine française
régie générale Fabrice Le Fur
régie lumière Mélissandre Halbert
habilleuse Marion Régnier
répétitrice en tournée Magali Caillet-Gajan
direction de production Sandra Neuveut, Martina Hochmuth, Amélie-Anne Chapelain
production Musée de la danse / Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne
Direction : Boris Charmatz. Association subventionnée par le ministère de la Culture et de la Communication (Direction régionale des Affaires culturelles / Bretagne), la Ville de Rennes, le Conseil régional de Bretagne et le Conseil départemental d’Ille-et-Vilaine.
L’Institut français contribue régulièrement aux tournées internationales du Musée de la danse. avec le soutien de la Fondation d’entreprise Hermès dans le cadre de son programme New Settings
coproduction Théâtre National de Bretagne-Rennes, Théâtre de la Ville & Festival d’Automne à Paris, la Bâtie-Festival de Genève, Holland Festival-Amsterdam, Kampnagel-Hamburg, Sadler’s Wells London, Taipei Performing Arts Center, Onassis Cultural Centre – Athens
remerciements Le Triangle-cité de la danse, Rosas, WIELS Centre d’Art Contemporain (Bruxelles), Arnaud Godest, Perig Menez
Musée de la danse – Dancing Museum
38 rue Saint-Melaine CS 20831
35108 Rennes Cedex 03 — France
tél 02 99 63 88 22
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Boris Charmatz
Danseur, chorégraphe et directeur du Musée de la danse / Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne, Boris Charmatz soumet la danse à des contraintes formelles qui redéfinissent le champ de ses possibilités. La scène lui sert de brouillon où jeter concepts et concentrés organiques, afin d’observer les réactions chimiques, les intensités et les tensions naissant de leur rencontre.
D’Aatt enen tionon (1996) à danse de nuit (2016), il a signé une série de pièces qui ont fait date, en parallèle de ses activités d’interprète et d’improvisateur (récemment avec Médéric Collignon, Anne Teresa De Keersmaeker et Tino Sehgal). Artiste associé de l’édition 2011 du Festival d’Avignon, Boris Charmatz crée à la Cour d’honneur du Palais des papes enfant, pièce pour 26 enfants et 9 danseurs, et propose Une école d’art, un projet Musée de la danse – Festival d’Avignon. Invité au MoMA (New York) en 2013, il y propose Musée de la danse: Three Collective Gestures, projet décliné en trois volets et visible durant trois semaines dans les espaces du musée. Après une première invitation en 2012, Boris Charmatz a été à nouveau présent en 2015 à la Tate Modern (Londres) avec le projet If Tate Modern was Musée de la danse ? comprenant des versions inédites des projets chorégraphiques À bras-le-corps, Levée des conflits, manger, Roman Photo, expo zéro et 20 danseurs pour le XXe
siècle. La même année, il ouvre la saison danse de l’Opéra national de Paris avec 20 danseurs pour le XXe siècle et invite 20 danseurs du Ballet à interpréter des solos du siècle dernier dans les espaces publics du Palais Garnier. Le dimanche 15 mai 2016, il a présenté la deuxième édition de Fous de danse sur l’esplanade Charles-de-Gaulle à Rennes (France). Fous de danse est une invitation à vivre la danse sous toutes ses formes, à travers toutes pratiques de midi à minuit.
À partir de septembre 2017, Boris Charmatz sera également artiste associé à la Volksbühne, Berlin.
Il est l’auteur de plusieurs ouvrages : Entretenir/à propos d’une danse contemporaine (Centre national de la danse/ Les presses du réel/ 2003) cosigné avec Isabelle Launay, « Je suis une école » (2009, éditions Les Prairies Ordinaires), ouvrage qui relate l’aventure que fut Bocal, et Emails 2009-2010 (2013, éd. Les presses du réel en partenariat avec le Musée de la danse) cosigné avec Jérôme Bel.