David Lefèvre > Solitudes australes, Chronique de la cabane retrouvée

De nos jours plus que jamais, beaucoup rêvent de quitter un monde à l’angoisse diffuse et à l’hypnotique mais éprouvante agitation afin de vivre isolés en harmonie avec la nature. Rêve, fuite, projection, fantasme, épuisement civlisationnel, incapacité de renouveler un vivre en commun ouvert à une respiration créatrice ? La réponse varie selon chacun. Pour David Lefèvre, sa recherche du paradis perdu s’est incarnée dans une magnifique île au Chili.

Lorsque David Lefèvre se retire seul dans une cabane au cœur de l’île de Chiloé, au Chili, son projet est simple : vivre une existence frugale et authentique, en harmonie avec les éléments. Au fil des saisons, il s’ancre entre lac et forêt, travaille la terre et retrouve le goût des tâches manuelles, de la pêche à la cueillette en passant par la charpenterie. Entre deux corvées de bois, le voyageur devenu sédentaire s’interroge sur son rapport au monde. Et si le bonheur consistait à se contenter de l’essentiel, en marge de la société consumériste ? La beauté et l’intensité de la vie sauvage deviennent une source inépuisable d’émerveillement. Le temps qui s’égrène, plus dense, consacre chaque geste, et de la solitude jaillit une ivresse qui demeure. Le récit de cette expérience, dans la pure tradition du nature-writing, est à la fois un hymne au Grand Dehors et une envoûtante méditation intérieure.

 C’est un ami qui lui avait décrit avec amour sa cabane, un lieu de sa retraite perdue dans une île chilienne. Un lieu de retraite qui ne demande qu’à être habité par un occupant qui la retaperait pour la rendre habitable en lui adjoignant un jardin potager. C’est ce travail de construction technique d’un habitat naturel qui va ponctuer les méditatives heures de David Lefèvre.

Par le recours à la simplicité de sa construction, par sa manière de se fonde dans l’environnement, la cabane est à la fois de toutes les époques et en avance sur son temps. Elle démontre que chacun peut construire un monde à sa dimension et le borner de façon raisonnable. Que l’on brise toutes les machines et la vie de cabane n’en souffrira en rien. (p. 88)

Dans une ligne proche des nature writing, notamment popularisés par les éditions Gallmeister mais sans le traitement romanesque, dans une « pauvreté volontaire », une humilité  et un rapport à l’âme humaine à la coloration sans doute plus chrétienne que Sylvain Tesson et loin de la radicalité de l’expérience menée dans Into the wild de Jon Krakauer, Solitudes australes est structuré en quatre versants : le récit de la la vie quotidienne, la description de la nature environnante, les réflexions philosophiques, la recherche spirituelle d’une « abnégation heureuse ».

Comment alors revenir à cette sorte d’humanité, là partout, qui tire à bout portant sur la nature sous prétexte de gain immédiat, d’agrandissement de son espèce et de son espèce vital. Comment, sans agir, ne pas cautionner cette réalité brutale et désarmante. Les champs d’action sont vastes. Mais à quels chantiers apporter une contribution parmi le tir groupé qui alimente sagement la ruine ? Comment envoyer aux orties les idées de gain et de réussite sans emboîter davantage le pas de l’aveuglement ? S’extraire, c’est aussi porter ailleurs la bataille. (p. 91)

[stextbox id= »info » color= »074af7″]

 David Lefèvre est l’invité de la librairie Chapitre à Rennes le vendredi 2 novembre

[/stextbox]

 David Lefèvre, Solitudes australes, Chronique de la cabane retrouvée, Transboréal éditions, octobre 2012, 240 p., 19€
(Un carnet de photographies des lieux émaille agréablement le récit)

L’auteur

Né en 1973, David Lefèvre interrompt ses études après une licence d’histoire-géographie afin d’entreprendre un parcours atypique. Il se lance tout d’abord dans une traversée coast to coast des États-Unis. Le voyage se poursuit en 1994, au Mexique, dans la région du Chiapas. De retour en France, il parcourt plusieurs régions au rythme saisonnier des cueillettes et des récoltes. Son regard se tourne ensuite vers l’Orient dont il explore tour à tour la Turquie, l’Iran, la Syrie, l’Ouzbékistan, le Kirghizistan, mais aussi la Chine, le Pakistan, l’Inde, la Thaïlande pour finalement atteindre la Malaisie.
Il exerce alors divers métiers : photographe en Inde, cuisinier en Angleterre et en Allemagne, barman puis berger en Irlande, où il suit les traces de Nicolas Bouvier, escapade qui donnera naissance à un essai intitulé Dans le sillage d’un saumon genevois remontant à ses sources publié dans la revue Europe. Cet auteur est au centre du travail de David Lefèvre qui a réalisé l’exposition « Nicolas Bouvier, flâneur planétaire », toujours active à ce jour, et régulièrement présentée dans divers espaces culturels et festivals à travers la France.
Depuis 2010, David Lefèvre réside au Chili avec son compagne, où il exerce une activité de photographe. En 2012, il publie ses trois premiers livres aux Editions Transboréal : un essai (La Vie en cabane, Petit discours sur la frugalité et le retour à l’essentiel) et deux récits (Aux quatre vents de la Patagonie, En route pour la Terre de Feu et Solitudes australes, Chroniques de la cabane retrouvée.)

Article précédentPaperboy > Un polar au look « ciné indé US »
Article suivantErwan, séminariste à Rennes, commente la série « Ainsi soit-ils »
Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il a créé en 2011 le magazine Unidivers dont il dirige la rédaction.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici