Salle comble à l’Arvor le 20 janvier 2019 pour l’avant-première du film La dernière folie de Claire Darling, en présence de sa réalisatrice Julie Bertuccelli (L’arbre, Depuis qu’Otar est parti, La Cour de Babel…). Déambulation dans l’histoire de Claire (Catherine Deneuve) et de sa fille Marie (Chiara Mastroianni) au travers d’un vide-grenier où souvenirs, rêves et réalités s’entremêlent. Une œuvre envoûtante sur laquelle la cinéaste est revenue pour nous en vidéo.
Sortie en salle le 6 février 2019.
À Verderonne, petit village de l’Oise, c’est le premier jour de l’été et Claire Darling se réveille persuadée de vivre son dernier jour… Elle décide alors de vider sa maison et brade tout sans distinction, des lampes Tiffany à la pendule de collection. Les objets tant aimés se font l’écho de sa vie tragique et flamboyante. Cette dernière folie fait revenir Marie, sa fille, qu’elle n’a pas vue depuis 20 ans.
« – Vous vendez quoi au juste ? – Tout, je vends tout. »
L’histoire démarre dans le petit village de Verderonne, dans l’Oise, alors que Claire Darling (Catherine Deneuve) se réveille un matin persuadée d’avoir à mourir le soir même. Cette idée fixe la pousse à organiser un grand vide-grenier, qui la dépouillerait de tous les objets qu’elle possède et qui emplissent sa grande maison bourgeoise. Du mobilier, des tableaux, poupées et automates, tout un fatras énigmatique, symbole d’une longue vie écoulée. Mise au courant de cette vente, sa fille Marie (Chiara Mastroianni, fille de Catherine Deneuve) revient après 20 ans d’absence pour arrêter Claire dans son apparente déraison. Le passé familial douloureux, les relations tumultueuses entre Claire et Marie et l’exposition de ces objets qui ont habité leur vie font de ce retour l’occasion d’une re-visite du passé.
Librement adapté du roman Le dernier vide-grenier de Faith Bass Darling, de Lynda Rutledge, le film y puise notamment son rapport romantique aux objets. En tout genre, ils cristallisent l’histoire de la maison et sont capables de la ranimer. Claire Darling, sa fille Marie, ainsi que les personnages secondaires vivent en effet des réminiscences du passé au contact de ces bibelots sans vie… mais non sans âme. Les temps se superposent dans ce même espace qu’est la vieille maison de Claire. Mais pourquoi Claire vendrait-elle son passé ? Le dédoublement des intrigues (celle du passé, celle du présent) nous permet petit à petit la compréhension du personnage complexe de Claire Darling et de sa « dernière folie ». Le vide-grenier devient l’étalage, non plus d’objets, mais d’une vie.
La mémoire est une chose instable, sujette au refoulement, à la déformation. La cinéaste Julie Bertuccelli se sert de sa malléabilité pour jouer avec nos perceptions. Les secrets familiaux, les drames du passé ont fracturé la relation entre Claire et sa fille, mais elles ont aussi fracturé leurs souvenirs communs. Ce retour de la fille, 20 ans après, convoque un passé tortueux, dramatique. Les deux personnages vont devoir le ré-explorer pour y trouver la paix, avant la fin de la journée.
Très vite, le spectateur se questionne sur le niveau de réalité dans lequel il se situe. Le film brouille les pistes dans ses va-et-vient entre les réalités : celle du présent des personnages, celle de la maladie de Claire qui lui inspire des visions, et celle des souvenirs, qui resurgissent. Dans ces ponts établis entre le présent et le passé, le réel et l’imaginaire, Julie Bertuccelli étudie et représente la porosité des frontières de la perception ; et donc l’ambiguïté de la notion même de réalité. Le tout est favorisé par la capacité du cinéma à courber l’espace-temps.
À cela s’ajoute la question du “dernier jour de la vie”, celle de Claire, qui charge chaque expérience d’une intensité plus forte, avec son lot de visions et d’envies farfelues en cette occasion si particulière. L’œuvre devient un méli-mélo de temps et d’émotions, symbolisé par la fête foraine et le cirque qui prennent place à Verderonne en même temps que le vide-grenier. Un cocktail de plus en plus explosif au fur et à mesure que la fin (du film, de la journée et peut-être de Claire Darling) approche…
Julie Bertuccelli prolonge sa mise en scène de thématiques telles que les liens familiaux, l’enfance, le passé mis au présent, l’imaginaire, la mort ; des thématiques qu’elle a déjà travaillé dans ses deux premières fictions Depuis qu’Otar est parti (2003) et L’Arbre (2010). Des destins de femmes, mises face à des situations complexes de deuil ou de maladie. Une fatalité qu’elle explique ainsi :
Quand on parle de la vie, on parle de la mort. Je mets en avant la mort car les personnes qui la vivent de près développent un imaginaire très fort pour faire le deuil et continuer à vivre avec appétit.
Face à cette constance d’un travail sur l’imaginaire, c’est le mode de représentation qui a évolué chez cette cinéaste. Si son premier film affichait un réalisme de forme, les deux suivants ont basculé dans des représentations d’ordre onirique, à forte valeur symbolique. Dans La Dernière folie de Claire Darling, l’impression de réalité laisse volontiers place à des réminiscences et à des visions hallucinées, au fort potentiel esthétique. La cinéaste semble s’ouvrir oeuvre après oeuvre au pouvoir fascinateur de l’image, sans perdre son goût pour le narratif… ce qui lui réussit bien !
La dernière folie de Claire Darling de Julie Bertuccelli, avec Catherine Deneuve, Chiara Mastroianni, Alice Taglioni, Laure Calamy, …
Sortie le 06 février 2019.