(Aux inconnus qui comme moi…) ou quand Alain CADEO s’inscrit dans notre quotidien par des petits textes qui font mouche à chaque mot, à chaque phrase.
Exercice pour le moins complexe et risqué de chroniquer un livre d’Alain Cadéo, comme ce fut le cas pour ses deux derniers romans, Zoé et Chaque seconde est un murmure, parus chez Mercure en 2015 et 2016. Car on n’aborde pas Cadéo aussi facilement. C’est qu’il écrit si merveilleusement le bougre qu’on n’ose s’y frotter sous peine de paraître bien pâlot, voire totalement hors les clous sinon ridicule. Mais comme Alain Cadéo sait aussi manier l’humour, il ne tardera pas à tourner en dérision les petits marquis, les petits fats que sont parfois les journalistes. Nonobstant, le bonhomme est charmant, mais sans pitié pour les pantins.
Et c’est encore le cas avec Des mots de contrebande. Cette fois, le maestro – et ce n’est en rien une flatterie -, car il manie aussi bien la plume que le clavier de son piano, planqué dans ses montagnes du Var, nous offre un florilège de ses réflexions, de courts textes qui sont le reflet de son regard bleuté sur l’existence, le temps qui passe, la nature, ses rencontres, ses réflexions, ses lectures et sa passion : l’écriture. Tout en poésie, tout en vérité, tout en mots, il « plumette » et griffe le vélin à propos de rien, mais à propos de tout et surtout cette étrange comédie humaine qui anime la vie des uns comme des autres.
Ce que l’on perçoit rapidement, et c’est ce qui force l’attachement tant à ses pastilles qu’au poète auteur c’est cet art qu’il cultive depuis toujours à mettre du sens là où nous n’en mettons pas ou plus, à mettre de la couleur dans un monde de plus en plus diaphane, à mettre de la mélodie dans des quotidiens de plus en plus cacophoniques, à mettre des saveurs dans des existences de plus en plus insipides.
Cadéo n’est pas un homme du passé, un adepte du « c’était mieux avant », mais avec grâce, il nous propose par petites touches un retour à l’essentiel : le luxe de la simplicité. Cadéo est un philosophe antidote à l’ennui, à la vitesse du temps qui passe et nous dévore, Cadéo est une invitation au voyage, un voyage vers une paix intérieure alors que le monde gronde de toutes parts, alors que les uns ne rêvent que de pouvoir sur les autres. Cadéo c’est la passion des mots qui n’ont qu’une seule destinée : nous toucher pour nous apaiser à nous autres tourmentés.
Embarquer pour Des mots de contrebande, c’est accepter de se retirer de tout ou presque pour se poser, rêver, réfléchir, lire et relire, et relire, et seulement prendre du plaisir. Un plaisir qu’il offre sans artifices, défait de tous ses oripeaux, un plaisir pur pour notre plus grand bonheur. Et c’est heureux !
(extrait)
Mérite de la discrétion
Il y a ceux qui se battent comme des chiffonniers pour un lopin d’autorité. Et ils ont du mérite.
Il y a ceux qui couinent, vocifèrent et klaxonnent à tous les coins de rue, perpétuels insatisfaits. Et ils ont du mérite.
Il y a ceux qui grommellent des lois dans leurs bureaux climatisés. Et ils ont du mérite.
Il y a enfin les silencieux. De leurs grands yeux étonnés, ils regardent ce monde qui n’est pas tout à fait le leur, puis se retournent et disparaissent dans l’ombre de leurs derniers sous-bois, pleins de questions, prenant bien soin que personne ne les suive, effaçant la moindre trace de leur fuite. Et eux n’ont qu’un mérite, celui d’être discrets.
« Alain CADEO mouche le mot, le verbe, pour ne retenir que le souffle de son être, se saisir de sa beauté.
Sang bleu, sang d’encre, dès matines, la main grave sur le papier la grandeur humaine, sa complexité…
C’est tellement merveilleux de voir les pleins et les déliés façonner l’ombre de l’homme qui marche, qui tourne le dos au monde… »
Préface : Willy LEFEVRE
Des mots de contrebande. Alain Cadéo. Éditions La Trace .140 pages. Parution : décembre 2018. 16,00 €.
Couverture : © La Trace – Photo auteur Alain CADEO © La Provence