Eu égard aux problèmes écologiques de plus en plus pressants, les designers doivent de conceptualiser des solutions appropriées à l’humain et à notre planète sur le long terme. Les étudiantes en DNMade* Pauline Bodin, Amandine Lavalard et Charlotte Le Pimpec se sont penchées sur la question.
Chaque année, la rédaction d’Unidivers s’associe au lycée Bréquigny de Rennes afin que les élèves approchent les coulisses du métier de journaliste. Dans ce cadre, les étudiants en première année du DNMade – Diplôme national des métiers d’art et du design* – proposent cinq articles autour de leur spécialité, le design. Cette démarche interdisciplinaire Lettres & Design a été initiée par l’enseignante de Lettres, Tifenn Gargam, avec la collaboration de Laurent Alonzo, tous deux enseignants en DNMADe.
En quoi les designers s’emparent de la question environnementale dans leurs productions ? Face aux problèmes écologiques tels le changement climatique et l’épuisement des ressources naturelles, les designers se doivent de conceptualiser des solutions appropriées à l’humain et à notre planète sur le long terme. On peut, finalement, se demander en quoi les designers s’emparent de la question environnementale dans leurs productions ? Dans cet article, nous allons nous appuyer dans un premier temps sur la création du lien durable avec un design des territoires avant de nous questionner sur l’importance de la pensée collaborative pour pallier d’éventuels surcoûts économiques. Enfin, il nous semblait important de mentionner, aussi, quelles étaient les pistes de progrès dans un autre domaine, qui nous accompagne au quotidien : le design graphique.
Le design écologique cherche à repenser les liens et l’équilibre que l’homme doit tisser avec son environnement et place l’écologie au centre de ses préoccupations. Il vise la réintégration de la nature dans nos conceptions à travers une approche qui favorise la diversité, l’adaptabilité, la flexibilité et la créativité à toutes les échelles des territoires en constante transformation et auxquelles nous participons tous d’une manière ou d’une autre. De plus, une « reconceptualisation » de notre relation à la nature conduira nécessairement à une « reconceptualisation » de notre relation les uns aux autres, à l’ensemble de l’humanité et à la communauté de la vie dans son ensemble. Nous devons aller au-delà de l’éthique de survie et de l’anthropocentrisme d’autres approches de la conception durable, en questionnant comment, quoi et pourquoi nous concevons.
Un nouveau design des territoires doit partir de notre considération envers la ville, c’est-à-dire considérer les conditions locales comme des lignes directrices dans les transformations de l’espace et de l’environnement social, quitte à renverser la logique qui, dans la plupart des cas, a guidé la formation de la ville moderne : c’est-à-dire construire partout sans se soucier de la durabilité des régions et considérer la terre comme une ressource infinie. Le point de départ consiste à considérer la ville comme un bien commun caractérisé par un certain nombre de ressources locales physiques et sociales. Les ressources renouvelables et les communications interactives peuvent aider à améliorer la conception, mais tout cela doit être fait dans le but de construire des communautés locales et pas seulement de renforcer le pouvoir individuel.
La ville, sa forme, sa structure économique et fonctionnelle sont en train de changer : pour la plupart, les urbanistes acceptent ces changements sans essayer d’y remédier. Dans les pays où la ville est moins ressentie en tant que bien commun, ces changements pour améliorer le bien-être et la durabilité sociale ne sont pas pris ou laissés au seul « marché libre », alors que Copenhague, la capitale verte de l’Europe est un exemple qui prouve les bienfaits de ces changements. Tout cela conduit à réaménager le territoire et les cités à l’aide d’indicateurs de qualité de vie autre que le PIB, comme le BES (Bien-être Équitable et Durable) conduit par l’ISTAT qui mesure le bien-être selon 12 domaines, tels que la santé, les relations sociales, environnement…
Comme souvent, nous avons en nous un a priori nous amenant à penser qu’être plus écologique entraîne des coûts supplémentaires. D’une certaine manière pour les designers cela peut s’avérer être une réalité. Cependant plusieurs designers décident de revoir leurs propres pratiques pour leur permettre d’aller encore plus loin dans leur vision que doit prendre le design aujourd’hui, et ce que ce soit dans le design graphique, d’espaces ou autres.
L’une des premières solutions que l’on peut mettre en avant va concerner l’organisation de travail. C’est finalement la continuité de l’idée de réinvestir le côté social dans les projets, puisqu’en effet plusieurs designers vont chercher à penser collectivement plutôt qu’individuellement. Autre que l’avantage social, on va avoir en plus un avantage économique, car il est vrai que travailler en collaboration avec d’autres professionnels tels que des artisans ou d’autres designers permet de partager les savoir-faire, les idées, mais aussi les coûts engendrés.
En revanche, afin de rester dans une démarche écologique, on ne prend en considération que les collaborateurs locaux, c’est-à-dire que l’on favorise les artisans, les artistes et autres professionnels dit « du coin ». Dans cette démarche, les designers vont aussi mettre en avant l’un de leur rôle majeur : imaginer autrement les demandes qui leur sont formulées. Martin Malte, designer graphique et plasticien ainsi que directeur artistique du studio Écouter pour voir et du laboratoire de création Agrafmobile, nous explique comment le design peut interroger une commande allant parfois même jusqu’à la requalifier, lors de la conférence organisée par Point Commun.
Il prend pour exemple le projet auquel il a participé pour la Cité des Francs-Moisins. Un projet qui s’avérait au départ un peu flou puisque depuis des années des plans de requalification ont échoué. Ils ont ensemble essayé de construire une pensée commune qui a amené à la co-construction de l’école, une cantine ouverte aux élèves ainsi qu’aux personnes extérieures, de sorte qu’elle soit en lien avec l’Amap locale afin de nourrir les gens dans le besoin. Il s’agit finalement d’une construction d’un système de sécurité alimentaire à partir d’un certain seuil de revenus, tous ces réaménagements du territoire apportent de la convivialité dans le quartier. Seulement si certains designers comme Martin Malte souhaitent utiliser le design comme moyen d’union entre les municipalités et les habitants ou encore rendre plus attractif le territoire, ils doivent aussi apprendre à renoncer à certains projets. Martin Malte ne cache pas avoir pas mal de fois dû refuser une commande car ça ne correspondait pas à ses pratiques et ses convictions.
Avec l’arrivée en 2017 de la notion d’éco-conception, les revendications écologiques s’affirment d’autant plus dans les choix esthétiques des designers. Cette réflexion tourne autour de trois axes : les logos, la typographie, les couleurs et l’user interface et a pour objectif de réduire considérablement le coût écologique de la communication visuelle.
Le logo par exemple peut être créé de manière à nécessiter moins d’encre lors de son impression, le designer graphique doit alors opter pour un logo plus épuré.
Le choix des typographies utilisées pour un projet est tout aussi important. Pour un design éco-responsable, on privilégiera l’utilisation de lettres plus fines et plus étroites. Par ailleurs, des familles de typographie sont apparues pouvant permettre une économie d’encre d’environ 30 %. C’est le cas pour la police de caractère Opensource « Eco-fonts », qui a été conçue avec une insertion de « trous » dans les lettres pour réduire la quantité d’encre lors de son impression. Ce souci d’économie d’encre peut être un excellent moyen de découvrir ou de redécouvrir la technique de la risographie. En effet, cette technique à l’avantage de permettre des impressions en grandes quantités rapidement, d’offrir un bon rendu économique en termes financier et environnemental car on peut utiliser des encres végétales. La risographie n’est pas l’unique solution, de plus en plus d’encres végétales sont proposées pour d’autres imprimantes et dans la même lignée plusieurs initiatives autour des encres biosourcées et biodégradables sont en développement.
Il est aussi possible d’imprimer sans encre avec l’embossage, un procédé qui permet de créer des formes en relief sur tout type de support comme le papier, le tissu, carton… Lors d’une expérimentation Yann Aucompte, professeur au DNMADE du lycée Jean Pierre Vernant de Sèvres a créé un support de communication imprimé sans encre avec du blanc de Meudon. Créant ainsi un système d’impression qui s’efface quand les gens mettent le prospectus dans leur sac, l’information (le blanc de Meudon) s’efface et fait apparaître le titre embossé.
En terme visuel pour qu’un site internet soit plus écologique, il faut éviter l’utilisation des arrière-plans blancs pour basculer vers des arrière-plans, idéalement, noirs ou en tout cas plus sombres. En effet, si le blanc permet des sites plus chics et épurés, ils sont également plus énergivores, puisqu’ils demandent à ce que toutes les LED qui constituent notre écran soient allumées. Avec ces changements qui tendent vers le minimaliste, on peut se demander s’il y a encore place à la créativité.
Sylvain Boyer, instigateur de l’éco-conception et aujourd’hui Président de l’agence Ecobranding affirme qu’il est possible de « faire mieux avec moins » sans que cela n’ait un impact sur la créativité. C’est là le nouvel enjeu pour les designers de trouver des solutions pour concilier impact visuel et impact écologique. Prenons par exemple le logo pour les J-O de Paris 2024 conçu par l’agence Royalties-Ecobranding.
Le visuel représente une médaille dorée, à l’intérieur de laquelle une flamme se dessine, laissant apparaître le visage d’une femme. Par son astucieux usage de la silhouette blanche, le logo est moins coûteux en encre. De plus, le choix d’une couleur avec un taux d’encre limitée contribue à cette idée-là. Cette conception s’accompagne aussi d’une réflexion sur le déploiement du logo : sur des supports papier il est sur fond blanc tandis que sur des supports numériques sur un écran noir. Une typographie pensée pour être épurée et élégante inspirée des Arts Décos pour limiter la consommation d’encre. Lors de sa conférence au lycée Bréquigny à Rennes, le designer Patrick Thomas nous a fait part de son processus de création pour l’identité graphique de la boutique de vins bio « Public » à Séoul. Une identité en lien avec les idéologies du lieu : respectueux pour l’environnement, aspect démocratique qui donne accès au vin naturel à un grand nombre de personnes. L’esthétique du fait maison qui s’éloigne des clichés avec la volonté de proposer une identité contemporaine qui dure dans le temps. Le plus important quand on conçoit un projet écologique est de mesurer sa consommation, a-t-on vraiment besoin de produire des sacs en papier spécialement pour le magasin ? Ainsi pour éviter une surproduction inutile de sacs déjà existants, le magasin propose aux clients de ramener leur sac en papier pour le customiser avec un coup de tampon.
Nous pouvons donc en conclure qu’il existe de nombreuses pistes d’exploration afin de prendre en considération la problématique environnementale dans les projets des designers, quel que soit le domaine de spécialité. Seulement, dans certains cas les designers, seuls, ne peuvent agir efficacement pour tenter de répondre à cette problématique, c’est donc, aussi un moyen de replacer l’entraide humaine au centre des projets.
* Le DNMADE, formation publique gratuite valant grade de licence, préparée sur 3 ans, forme des étudiants au métier de designer graphique.
Le parcours : design éditorial
Le design éditorial consiste à organiser des textes et images pour des médias qui peuvent être imprimés (livre, magazine, panneau…) ou numériques (site web, application mobile, affichage digital, etc.). Le parcours éditorial vise la formation de designers généralistes capables de concevoir aussi bien des identités visuelles que des architectures de l’information pour une pluralité de supports.
Le parcours : design d’identité.
L’étudiant est formé à concevoir l’identité visuelle d’un commanditaire : institution culturelle, entreprise privée, marque,événement, produit ou personne. Cette identité va reposer sur des éléments graphiques choisis (typographie,signes, couleurs…) ainsi que sur l’animation de ces éléments. L’étudiant peut être amené à réaliser une variété de supports, pour le Web ou la diffusion télévisuelle : logotypes animés, bandes annonces, spots publicitaires ,habillage télévisuels, affiches animées, etc.