Diam’s la musulmane, Mélanie la p…, Que d’hypocrisie et de malveillance !

Diam's / Mélanie autobiographie Diam’s, nom de scène de la chanteuse Melanie Georgiades, fait la une depuis deux semaines à la suite de la parution de son autobiographie et de l’entretien qu’elle a accordé à Sept à Huit. En fait, les concepteurs de cette émission avaient bien prévu que la présence voilée de l’ancienne chanteuse allait créer la polémique. De fait, Sept à Huit est typiquement une émission d’infomanipulation populaire conçue de telle sorte que le public mémorise des images et non des réflexions. De notre côté, tentons une esquisse d’analyse.

 

Il ne s’agit pas ici de réfléchir le contenu de cette Autobiographie que nous n’avons pas pour le moment lue. Il n’est question que d’image, de forme, de média : celle d’une jeune femme apparaissant voilée et habillée sobrement de gris. Voilée, portant le hijab, ce voile qui laisse le visage apparent. Entre anciens fans qui ne comprennent pas ce revirement (voir « Transformer un être humain en gros tas informe est inadmissible »), les musulmans extrémistes qui la bafouent (voir « Confessions nocturnes d’une pute convertie à l’islam Diam’s : salope adultère à gigolo marié ») et les féministes pures et dures (« Aujourd’hui Diam’s représente la soumission »), la descente en flamme de cette jeune femme semble devenue un amusement général.

Quel est le problème ? Simplement, Mélanie Georgiades informe, notamment ses fans, que Diam’s se retire de la vie publique, mais… sous le couvert d’un voile dans la lumière médiatique qui ne le tolère pas. Elle est devenue pratiquante et l’affirme. Cela, ça ne passe pas de la part d’une ancienne représentante de tous les combats estampillés justes et honorables…

Pourtant elle explique les raisons qui l’ont poussée à écrire cette Autobiographie. Notamment, depuis la parution de photos volées de la chanteuse avec un voile, elle a entendu tout et n’importe quoi à son sujet dans les médias et les réseaux sociaux. Comme elle n’avait plus rien produit musicalement, ni fait d’adieux en règle, les langues se sont échauffées autour d’une possible mise en quarantaine plus ou moins forcée par quelque gourou salafiste. Cette Autobiographie est ainsi une mise au point et un au revoir. Une femme a mué, elle a changé de peau et de vie pour se consacrer à Celui – dit-elle – qui la remplit d’amour. Dur à avaler pour certains.

Bien sûr, alors que Mélanie Georgiades ne s’érige guère en exemple pour les autres femmes, beaucoup de mauvaises langues lui reprochent de ‘trop’ se montrer, voire de créer des ‘vocations’. Quel paradoxe : ceux-là mêmes qui dénoncent les femmes voilées retenues chez elles demandent à une jeune fille qui a embrassé librement une pratique de… rester chez elle, de ne pas se montrer ni de s’exprimer en public.

Mais au fait, des artistes ayant du mal avec la célébrité, le public en a connu, en connaîtra encore. Des histoires qui se terminent mal – Kurt Cobain, Dave Leppard de Crashdiët, Amy Winehouse, etc. – il y en aura toujours. Mélanie Georgiades a su traverser et dépasser des « internements psychiatriques, moments d’angoisses, de solitude et tentatives de suicide ». Comment ? Grâce à ses propres forces et à la foi, car elle « a senti l’amour de Dieu et s’est sentie comblée ». Ne devrait-on pas s’en réjouir pour elle ? Ne devrait-on pas s’en réjouir même si on n’est pas croyant, même si on pense qu’elle se trompe sur le sens de la vie ? Combien d’âmes bien pensantes auraient préféré qu’elle crève d’une overdose ou qu’elle se taille les veines ? Une musulmane heureuse, cela dérange apparemment !

Il est vrai qu’elle a l’air heureuse. À l’opposé des femmes musulmanes opprimées par leur mari, obligées de porter une burqa et réduites à une fonction domestique et sexuelle (rappelons qu’il n’y a pas que les femmes musulmanes à être ainsi opprimée dans le monde). « Je désire me lever tous les matins en essayant d’être meilleure que la veille. » Dans une période où l’Islam salafiste, extrémiste, terroriste est au centre des médias, le bonheur de Mélanie Georgiades détonne.

Personne d’honnête ne niera l’existence d’interprétations et de dérives dogmatiques, autoritaires, débilitantes et déshumanisantes de l’Islam et de ses différentes branches et expressions. Certes, un courant important de cette religion se repait d’une conception et d’une traitement honteux des femmes et des plus faibles, comme l’instrumentalisation des pauvres par des groupuscules extrémistes dans les révolutions arabes le rappelle depuis des mois. Et que dire de ces jeunes garçons musulmans élevés comme des roitelets dès leur prime enfance par un entourage féminin, qui  passent leur adolescence en proie à des obsessions sexuelles refoulées avant de vivre l’âge adulte dans une fainéantise analphabète ? Il y a certes là une problématique divergence culturelle avec le modèle éducationnel notamment européen. Mais quel rapport avec Mélanie Georgiades ?

Certes, il est révoltant de savoir qu’une femme est contrainte de rester cloitrée, de s’habiller d’une façon imposée, de se soumettre à des rites. Mais Mélanie Georgiades n’a visiblement pas été endoctrinée par une secte. Il s’agit – autant que voir se peut – d’un choix libre (avec toute la complexité inhérente à cette locution). De quel droit devrions-nous la juger et la condamner ? Quand bien même elle vivrait cette pratique religieuse de manière éphémère avant d’emprunter un autre chemin, voire se dire qu’elle s’est trompée de voie, cette période de sa vie relève de sa liberté intérieure et de sa liberté de penser. Mais nombre de moralistes et censeurs idéologues qui ont instrumentalisé cette notion de ‘liberté de penser’ depuis des années pour en faire une arme politique ont dû mal désormais à accepter son application à tous dès lors que cela ne bénéficie pas à leurs propres ‘convictions’.

Les médias comme les politiques devraient bien plus travailler à encourager les musulmans ‘modérés’ à s’affirmer au détriment des ‘fondamentalistes’. À encourager ces premiers à combattre ces derniers dans leurs quartiers. À encourager les millions de musulmans pacifiques à ne plus hésiter à participer avec les représentants de l’ordre à la traque et à l’éradication des activités criminelles et terroristes de leurs soi-disant coreligionnaires. Il n’y pas de Oumma, il n’y a pas de communauté de croyants, il n’y pas de partage possible de foi avec celui qui pense adorer Dieu en tuant son prochain. C’est là la seule ligne de démarcation à faire rentrer dans la tête des musulmans, comme certains chrétiens, juifs, bouddhistes et même athées. Quant à Mélanie Georgiades, fichons-lui la paix, elle n’a rien d’une terroriste.

Nicolas Roberti et Didier Ackermann

 

Autobiographie, Don Quichotte, 27 sept. 2012, 352 p., 19€

 

Mélanie Georgiades, plus connue sous le nom de Diam’s, est née à Chypre, en 1980. Après le divorce de ses parents, la fillette débarque en France avec sa mère, et s’installe en banlieue parisienne. Bercée par les chansons de Brassens, Ferré et Cabrel, elle découvre le rap à l’adolescence en écoutant Dr Dre et NTM. Très vite, le hip-hop devient sa passion, son exutoire. De quartiers en banlieues, de petits groupes en petits concerts, Diam’s aiguise son flow et finira par sortir un album, Premier mandat, en 1999. Par la suite, elle n’aura de cesse de marquer le rap français en raflant tous les succès, dans un registre habituellement très masculin. Dans ma bulle, publié en 2006, est vendu à plus de 1 million d’exemplaires. En 2008, au sommet de sa gloire, et alors que toute la profession la consacre lors des Victoires de la musique, Diam’s s’effondre. Elle disparaît pendant de longs mois, victime des revers du succès et de la célébrité. Sa forte personnalité ne constituait en fait qu’une armure derrière laquelle sourdait ce que Mélanie n’avait jamais révélé : dépression, tristesse et solitude. En 2009, peu avant la sortie de son dernier album SOS, qui sera récompensé d’un double disque de platine, une photo volée de la jeune femme, sortant d’une mosquée et vêtue d’un long voile, est publiée à la une d’un magazine…

 

Extrait :

10 juillet 2012, plume à la main, me voilà sur le point d’achever mon autobiographie.
En l’écrivant et, donc, en me replongeant dans ma vie, je me rends compte qu’elle a été une aventure hors du commun, tant ce qui m’a liée à mon public était fort.
Quoi que l’on ait dit de moi, et même lorsqu’on m’a traînée dans la boue, des milliers de personnes n’ont jamais cessé de m’aimer et de me témoigner leur soutien. Mon public était ce que j’avais de plus cher. Sur scène, à travers mes textes, je passais des messages, je me livrais.
J’ai toujours considéré cette foule comme une addition de coeurs, des êtres à part entière avec qui j’aimais partager, et non comme un simple miroir dans lequel j’aurais pu m’admirer.
Nous étions si proches, si proches…
Puis, un jour, je me suis tue, et je suis partie sans dire au revoir.
Ce n’était pas du dédain, croyez-moi, ce n’était pas non plus de l’arrogance ni de l’ingratitude, mais j’avais tellement de choses à dire qu’il m’aurait fallu bien plus de cinq minutes sur scène ou d’une simple vidéo postée sur Internet.
C’était tellement long à expliquer, mais pourtant si beau à partager, si merveilleux à raconter.
Pendant des années, les gens m’ont vue courir, décrocher des trophées et devenir célèbre, mais ils n’ont vu de moi qu’une enveloppe derrière laquelle se cachait un coeur meurtri.
J’ai longtemps couru sans me questionner sur le but que je visais, mais cette course haletante, trépidante m’a finalement usée et déçue.
Ce livre, je l’ai voulu sincère et honnête envers celles et ceux qui aimaient ces qualités dans mes textes. Il est aussi l’ultime moyen de rétablir des vérités, mes vérités, car, depuis trois ans, j’écoute…
On a dit de moi que je me suis transformée et je pense au plus profond de mon coeur que c’est faux, en tout cas ce n’est pas là ma réalité.
Toute ma vie a été une école, j’y ai appris qui je suis et qui je ne suis pas, ce que sont les autres, ce qu’ils ne sont pas. Qu’ils peuvent être des amis mais pas des refuges, qu’ils peuvent donner la main mais pas décider à ta place.
À cette école, j’ai aussi compris qu’il n’est pas bon d’être une idole et que, plaquée sur des murs, enfermée dans des images, j’ai manqué d’étouffer.
On a dit de moi que j’ai renié celle que j’étais. L’âme humaine est plus complexe et plus profonde que cela. Je dirais plutôt que je me suis cherchée, que je me suis découverte, que j’ai appris à m’aimer et qu’aujourd’hui, je suis en paix.
On a dit de moi que, perdue, je me suis réfugiée dans la religion. Dans cette parole, j’ai ressenti comme du mépris face à celui qui sombre, puis trouve sa voie. Parfois, toucher le fond donne beaucoup d’ardeur à vivre, à aimer, à donner, à méditer et surtout à choisir de ne plus être un consommateur de la vie mais un cultivateur du bonheur.

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Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il a créé en 2011 le magazine Unidivers dont il dirige la rédaction.

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