Dick Annegarn entraîne dans le sillage du Twist avec son dernier album. Ce chanteur néerlandais d’expression française a ravi le public avec des titres comme Bruxelles, Ubu ou Sacré Géranium. C’est avec discrétion et enthousiasme qu’il poursuit son œuvre musicale et poétique. Twist, son nouvel album, entraîne les mots dans une danse entortillée, tordante, mais aussi torturée. Rencontre avec l’artiste.
De Dick Annegarn, vous connaissez sans doute Bruxelles ou encore Bébé Éléphant. Son hymne à la capitale de la Belgique a d’ailleurs connu une seconde jeunesse suite aux attentats qui ont frappé la ville en mars 2016. Dick Annegarn revient avec Twist, un album qui refuse de succomber au désespoir et à la terreur. Au contraire, le chanteur néerlandais, citoyen d’honneur de la Belgique depuis 2005, met toute la tessiture unique de sa voix au service de mots rares, extravagants, travaillés. Si Dick Annegarn a choisi de rester discret, son implication dans la chanson francophone demeure énorme, et son travail reconnu. En 2006, plusieurs chanteurs, dont Bashung, Arno, Louis Chedid ou Souchon, lui ont rendu hommage avec un album intitulé Le Grand Dîner, Tribute à Dick Annegarn. Son album sortira le 18 novembre 2016 et sa tournée débutera le 24 octobre à Magny Le Hongre.
Unidivers : Parlons de votre nouvel album, Twist. Pourquoi avoir choisi ce titre ? Peut-on y voir un rapport avec le mouvement musical et la danse du même nom ?
Dick Annegarn : Le mouvement était plutôt saisonnier. Ce n’est pas comme le rock ou le jazz. Ça n’a pas duré longtemps. À vrai dire, c’est le rythme des cassettes, du yéyé. Ce n’est pas pour cette raison que je l’ai choisi. Je l’ai choisi parce que ça fait chanson, chanson pop. C’est une formule légère. J’ai aussi fait un disque qui s’appelle Plouc… vous êtes un peu breton, non ?
Unidivers : Complètement…
Dick Annegarn : Plouc, c’était pas un terme publicitaire, mais l’idée de trouver une formule brève. Twist, ça veut dire embrouille aussi. Il y a un sens intellectuel et un sens qui parle de la danse, de l’instinct.
Unidivers : Le fait que « twist » signifie tordre ou tortiller rappelle-t-il votre manière d’écrire vos textes, de jouer avec les mots ?
Dick Annegarn : On ne tord pas le cul, mais on remue le popotin (rires). Il y a torturé, aussi. Ce sont des petits drames. Comme le mec qui veut se marier et qui n’a pas d’argent, dans la chanson « Roule ma poule ». Ubu, il avait « un tout petit zizi et un grand cul » : on rigole, mais on se rend compte après qu’il tue tout le monde. Il y a toujours la joie et la tristesse ensemble. C’est un disque franchement insouciant : mais il y a des soucis quand même.
Unidivers : L’album, à l’écoute, est plutôt festif. Souhaitez-vous transmettre des ondes positives à votre public ?
Dick Annegarn : Un peu. « Tranquille », pour moi, est une chanson thérapeutique. Il faut pas se laisser impressionner, se laisser embarquer. Depuis que je suis né, c’est la crise. Bon, il faut se calmer. Il y a un livre qui s’appelait « Le bouddhisme zen et les mobylettes ». Donc, on peut être complètement absent de l’agitation tout en étant dedans.
Unidivers : Cette insouciance dont vous parlez n’empêche pas une certaine tonalité critique, non ? Après Bruxelles et Coutances, vous avez fait une chanson sur Luxembourg : les paroles sont plutôt critiques, n’est-ce pas ?
Dick Annegarn : Je suis solidaire avec toutes les misères du monde. Celui qui pense que c’est une chanson contre les banques n’a pas compris qu’il y avait aussi une dimension sociale. À une époque, c’étaient les Bretons qui allaient faire le ménage chez les bourgeois. Là, ce sont les Alsaciens, les Allemands, les Portugais, les Arabes qui nettoient des start-up au Luxembourg. Je suis dans le train avec ceux qui se lèvent à 5 heures et demie. C’est une chanson pour eux.
Unidivers : Dans la chanson « Twist », vous parlez du rap, du slam, du blues. Est-ce important dans votre démarche ?
Dick Annegarn : Je suis à l’origine des Amis du Verbe, une association. Quinze ans de slam, de créations verbales, de spectacles. On a une chaîne YouTube, on a enregistré une centaine de chansons. L’association fait la promotion de la parole parlée.
Unidivers : Il paraît que vous habitez dans le Sud Ouest de la France. Est-ce que le lieu influence sur votre manière de composer ou d’écrire ?
Dick Annegarn : Oui, la Gascogne, c’est le pays des troubadours, d’une langue régionale.
Unidivers : De l’occitan ?
Dick Annegarn : Oui, avec les Amis du Verbe, on aime les langues de France. Le créole, le breton, le corse, le basque.
Unidivers : Vos trouvailles au niveau du vocabulaire et des rimes sont toujours frappantes. Comme par exemple, dans « Au marché des mendiants », à « Chapka » et « Taïga », ou « Gibus » et « Crocus ». Comment écrivez-vous vos textes ? Est-ce un bonheur pour vous de manier les mots ?
Dick Annegarn : Ce sont des sons. Crocus, j’aime bien ce mot. Gibus, aussi.
Unidivers : On sent une jubilation dans la manière d’utiliser les mots, non ?
Dick Annegarn : Oui, c’est un plaisir. Je suis content d’une chanson quand j’ai ce plaisir-là. Une espèce d’effondrement par le haut. Il y a des mots qui m’échappent, qui m’ont possédé, qui vont me pousser et envoler la chanson. Dire des choses vraies sur une séquence Macintosh, ça m’emmerde, ce n’est pas une chanson. Plouc, je l’écoute pas. J’ai un peu honte. Moi, c’est Soleil du Soir [ndlr : disque de Dick Annegarn sorti en 2008]. Soleil du Soir, je l’écoute. C’est un disque pas cher, maintenant. C’est le seul disque que j’écoute.
Unidivers : On sent plus de légèreté dans cet album, Twist. Pour faire une comparaison avec deux de vos titres les plus célèbres, il serait plus proche de la chanson Ubu que Bruxelles, non ?
Dick Annegarn : C’est presque une volonté de ma part. Le but de la rythmique, c’est que ça pète la joie.
Unidivers : Votre timbre est unique dans la chanson francophone, comme André Minvielle par exemple. Quel est votre rapport à cette langue, le français ? Est-ce ce que vos origines néerlandaises vous font voir et écrire la langue différemment ?
Dick Annegarn : André a ce plaisir des mots aussi. C’est pour ça que je suis dans le sud. Il y a de la gouaille. Lapointe, Minvielle, ils sont plus pop. Les chanteurs aujourd’hui sont parfois lourds dans leur manière de chanter. Ce qu’on a en commun, c’est peut-être le jazz, le scat, le blues, le fait de répéter des chansons. C’était propre au yéyé ! Que je t’aime ! Que je t’aime ! Que je t’aime ! À la fin, au moins, on est sûr de s’en rappeler. Est-ce que ça vient du fait qu’on est d’une autre langue ? Oui, ça donne d’autres langues.
Unidivers : Pour terminer, pourriez-vous nous dire quel est le mot de la langue française que vous préférez ?
Dick Annegarn : Tout à coup, je pense à subterfuge. C’est typiquement français, avec les U, ça excite l’imagination.
TWIST, c’est le nom du nouvel album de Dick Annegarn, produit par Musique Sauvage et distribué par [PIAS] France, il sortira le 18 novembre 2016.
« Un disque du matin » dit-il.
Le matin pour l’élan, le souffle, l’envie.
Voir le site des Amis du Verbe
Twist :
01 – Roule Ma Poule
02 – Au Marché des Mendiants
03 – Dur La vie
04 – Luxembourg
05 – On est deux
06 – Terre
07 – Tranquille
08 – Chaque Soleil
09 – Ma Mécène
10 – Twist
11 – Sanglier
12 – Ma Carcasse
Le Label Musique Sauvage : Caramba Spectacles et Horizon ont créé ensemble une structure de production phonographique et d’édition musicale.
Notre label est dédié aux esprits libres, à la marge, en contre-jour.
Nous sommes ouverts à toutes les esthétiques.
Nous chercherons les talents bruts, évidents, spontanés.
Les artistes dont l’imaginaire naturel ne s’adapte pas aux systèmes standardisés.
Dick Annegarn, Lior Shoov, Flèche Love sont nos premières signatures.
[PIAS] France est un partenaire de choix (distribution & licence) pour nous accompagner sur nos nouvelles sorties.