Dieter Roth nait à Hanovre en 1930 et meurt à Bâle en 1998. Né de père suisse et de mère allemande, il a traversé le siècle en artiste complet. Formé au graphisme et à la lithographie, il fut non seulement un peintre et un dessinateur de grand talent mais également un poète, un musicien et un photographe reconnu. Son œuvre, par sa puissance d’idéation et sa créativité formelle exceptionnelle, apporte un témoignage original sur l’art du XXe siècle dans une fusion alchimique entre réel et fiction. Si Ed Ruscha fut le précurseur du livre d’artiste aux Etats-Unis, Dieter Roth l’inventa en Europe.
« Le quotidien me préoccupe depuis toujours parce qu’il est si féroce, si horrible »
Né dans l’Allemagne nazie, émigré en Suisse en 1943, Dieter Roth est doué d’une conscience aiguë de la petitesse et de la fragilité des êtres. Éprouvé par l’enfermement temporel et spatial inhérent à la condition humaine, il modifie le donné pour lui imprimer sa marque. Par son travail, il réalise une nécessaire médiation entre ses angoisses et une représentation extérieure qui transcende le monde dans une prise de conscience du réel et de son étrangeté.
« Poétrie »
Dans les années 50, il crée la revue Spirale avec Eugen Gomringer – inventeur de la poésie concrète. Chef d’œuvre du design graphique, elle accueille des travaux inspirés de l’art systématique et cinétique dont l’aspiration est de parvenir à une synthèse des arts et à leur action effective dans la vie réelle.
C’est durant cette même période que Dieter Roth commence à imaginer et à éditer des livres liant effets d’optique et jeux graphiques. Il est actuellement considéré comme le précurseur en Europe du livre d’artiste avec une production d’une centaine d’ouvrages.
« Les œuvres se font bouffer »
Dans les années 60, proche du mouvement Fluxus – inspiré de l’esprit extravagant de Dada et des ready-mades de Marcel Duchamp – Dieter Roth crée des « œuvres qui vivent ». Composées de matières organiques, elles végètent, se délitent et meurent. Iles (Insel, 1968) à l’odeur pestilentielle ou autoportraits en chocolat (P.O.TH.A.A.VFB – Portrait of the artist as Vogelfutterbüste, 1968) – figures circulaires et fermées – se répondent dans une réflexion sur la lente œuvre du temps. Ces réflexions se retrouvent dans les fameux tableaux-pièges de Daniel Spoerri et des artistes représentés par l’« Eat Art Gallery » à partir de 1970.
« Le féroce train-train de la vie quotidienne »
Tibado Dog Compound 24 Hours of Barking (24 heures d’aboiements d’une multitude de chiens à Tibado), bande sonore réalisée en 1977 dans une fourrière de Barcelone remet une nouvelle fois en cause le statut de l’œuvre d’art. Son éclatement hors de tout système fini produit dans une dynamique indéfinissable un dépassement des catégories artistiques où le mot, la lettre, le dessin, la matière et ici le son se partagent une partition énigmatique. Le quotidien est enregistré, comme dans Lorelei, The Long Distance Piano Sonata (1979) qui comprend 37 cassettes accompagnées de dessins, mais aussi filmé ou photographié comme une accumulation autobiographique.
Grand voyageur et enseignant – Reykjavik, Londres, Bâle, Hambourg, Providence – Dieter Roth se réinvente : en Diter Rot ou Dieterrot.
Actualités
Exposition Processing the World au Frac Bretagne à Rennes du 14 décembre au 9 mars 2014 (A noter : le service de documentation du Frac Bretagne conserve des livres d’artistes de Dieter Roth, visibles sur demande toute l’année).
Exposition des multiples collaborations de Dieter Roth avec des artistes dans les domaines de l’imprimé et de la musique au Cabinet du Livre d’Artiste (CLA) de Rennes du 23 janvier au 20 mars 2014.
Exposition Islands, Dieter Roth et Björn Roth. Hangar Bicocca à Milan jusqu’au 9 février 2014.
Crédits visuels : Alain Le Nouail, Marc Plantec, Heini Schneebeli, Frac Bretagne Collection, Aldo Frei, Dieter Roth Estate, Dieter Roth Fundation,