La grande artiste bretonne Dodik Jegou s’est éteinte mardi 2 avril 2024, à l’âge de 89 ans.
Elle est allée rejoindre son cher Gwen, qui avait tant de talent pour sculpter le fer et la terre, rejoindre sa merveilleuse peintre de fille, Gaïde, qui aimait tant peindre les chats et dont la dernière œuvre fut l’admirable illustration d’un ouvrage en hommage à son ami Claude Nougaro, auquel participa aussi son frère, graveur, Tugdual, lui aussi décédé avant sa mère. Et Dodik était restée seule et immensément triste dans leur grande maison de La Gouesnière où ces nomades avaient planté leur tente. C’est Claude Couffon qui, dans les années 70, m’avait présenté Dodik Jégou, et je fus depuis un fidèle de son petit théâtre du 4 rue Chateaubriand (anciennement rue des Juifs) à Saint-Malo, où se célébrèrent tant de rencontres, bientôt relayées à la Maison Internationale des Poètes et des Écrivains, rue du Pélicot, où il fallait quasiment grimper sur les gréements pour atteindre au 3ème étage cette vaste hune où soufflait un incomparable esprit poétique. Là, Edouard Maunick, le poète mauricien, ravissait son auditoire par quelques histoires et ses poèmes venus de l’océan Indien, et qui rejoignaient ces contes de Luzel qui avaient séduit la petite Dodik à Quimper, auprès de sa mère et sa grand-mère, la famille Le Berre, de pure souche Bigouden. De là que la grande céramiste que devint ensuite Dodik se soit plu à peupler ses murs de ces petits carreaux légendaires où le roi Arthur n’en finissait pas de prendre place à la Table Ronde. Et ces grands noms de la littérature défilèrent sous sa houlette de grande prêtresse :
Camilo José Cela, prix Nobel espagnol et parrain de la Maison des poètes, Mario Vargas Llosa, prix Nobel du Pérou dont elle salua aussi l’entrée à l’Académie Française – nous avions publié, elle, Claude Couffon et moi, ce beau livre, avec les photos de Gwen, Entretien avec Mario Vargas Llosa, aux éditions Terre de Brume, en 2003 –, l’immense conteur de Bahia Jorge Amado le Brésilien, la plus grande voix du Sénégal Léopold Sédar Senghor, et, bien sûr, l’immense Per-Jakez Hélias dont elle était si proche, et tant de belles plumes et de grandes voix qui firent les beaux jours du festival des Étonnants Voyageurs, créé par Michel Le Bris, un de ses tout premiers affidés. Dodik était une petite femme au regard infiniment doux et besogneuse comme elle avait appris à l’être dans sa famille de brodeurs et tisserands, riche de projets, pleine de feu et de flamme qu’elle savait transmettre partout, dans ses multiples tâches, toujours au service de la culture, bretonne et internationale, et de la Beauté.
Maintes écoles de Bretagne sont ornées des panneaux de céramique de Dodik Jégou, à Cancale ou à Brest, à Cesson et à Bruz, à Fougères, à Guichen, à Liffré, un peu partout où ses beaux pinceaux se penchaient sur l’enfance prometteuse.
Ce 2 avril 2024, à l’âge de 89 ans, Dodik nous a quittés. Mais je la vois, à la poupe du navire sans retour, agitant sa petite main, adieu à tous, mes amis, au revoir, kenavo avechall, ne m’oubliez pas… Non, Dodik, jamais nous ne t’oublierons.