Le dossier 64 est le 4e roman de l’auteur, après Misericorde, Profanation, et Delivrance. Et c’est avec un immense plaisir que j’ai retrouvé la fine équipe d’enquêteurs du Département V, égaux à eux-mêmes, et qui nous embarquent cette fois-ci dans une histoire qui fait frémir, plus encore que les précédentes. Le fameux inspecteur Mørck a toujours son sale caractère et il continue de fumer ses clopes qui empuantissent le sous-sol de l’immeuble de police où se trouvent son bureau et les placards à balais qui servent de bureau à ses assistants. Sa relation avec la belle psy Mona se poursuit tant bien que mal, et il n’en revient toujours pas de sa chance qu’une femme de cette trempe ait jeté son dévolu sur lui, dont la vie est toujours un peu foireuse entre son ex-femme qui veut cette fois-ci divorcer pour épouser son hindou barbu, et en passant vendre la maison qui lui appartient, son beau-fils qui continue à glander et son locataire plus qu’atypique, sans parler de Hardy, son ancien coéquipier devenu tétraplégique et couché au milieu de son salon…
Rose est toujours Rose, même si elle penche un peu vers Irsah de temps en temps et le lecteur en apprendre d’ailleurs un peu plus sur ses crises de dédoublement de personnalité. On ne se lasse pas du caractère fougueux de la jeune femme, de ses colères ou remarques acerbes et de la manière dont elle gère de main de maître ce trio improbable qui lui obéit au doigt et à l’œil ! Quant à Assad, mon chouchou, il continue ses mystères sur son passé et on aimerait bien en savoir plus ! Impossible en effet de deviner qui se cache derrière cet homme, même si on sent bien qu’il a trempé dans des magouilles ou des affaires pas nettes… Est-il un exilé politique, a-t-il fait partie de services secrets en Syrie ou ailleurs ? Quels sont ses contacts qui semblent avoir le bras long et sont capables de flanquer une peur bleue à un malfrat notoire ? Pourquoi semble-t-il ne pas avoir de domicile fixe, ses adresses étant des immeubles vides ? Et où est sa famille, la femme et les filles dont il avait un peu parlé au cours de la première enquête et de ses débuts dans le département ? Le mystère s’épaissit et je ne vous cache pas que voilà déjà un point qui me fait piaffer pour lire au plus vite les tomes suivants !
Je ne vous dévoilerai pas les tenants et aboutissants de cette histoire, car rien n’est plus désagréable au lecteur que les chroniques trop bavardes qui expliquent une partie de l’intrigue, voire donnent le nom des coupables (oui, ça arrive ! tout comme les 4e de couverture qui racontent le dénouement…). Sachez seulement, amis lecteurs, que cette enquête va vous faire rencontrer de bien sales types, partisans de l’eugénisme, et le mettant en application en pratiquant un contrôle des naissances assez drastique : exit les pauvres, les moches, les débiles, les prostituées et les étrangers et place à la belle race suédoise, supérieure, cela s’entend… Vous frémissez ? Vous avez raison, cela fait remonter quelques souvenirs en mémoire… Nul doute que l’auteur ait imaginé cette histoire en pensant à divers partis politiques d’extrême droite qui fleurissent en Suède ou ailleurs en Europe…
De plus, Adler Olsen redonne vie à l’île de Sprögo, qui accueillit réellement de 1922 à 1961 un centre de regroupement pour des jeunes filles qui tombaient enceintes sans être mariées, ou qui transgressaient les mœurs de l’époque et son intrigue est donc d’autant plus puissante et terrifiante qu’elle se base sur des faits réels…
Une fois de plus, l’auteur mêle avec brio le récit d’histoires datant ici des années 50 avec le quotidien actuel des trois enquêteurs, ainsi que plusieurs intrigues sous-jacentes. Ainsi la fameuse attaque qui avait entrainé la mort d’un collègue, le handicap de Hardy et des tas de problèmes à Carl, sans parler de ses remords et angoisses ensuite, ressort-elle au grand jour avec la découverte de nouveaux cadavres (enfin, la nouvelle découverte de vieux cadavres serait plus exacte !). De même, on suit la vie de Nette de son enfance à un âge avancé, une petite fille issue d’une famille pauvre, et qui semble attirer sur elle tous les malheurs et toutes les malchances… Notre trio fouille dans le passé, épluche les archives, posent des questions qui dérangent et bientôt, devra faire face à de nombreuses attaques de gens hauts placés qui ne veulent pas qu’on détruise leur projet et l’œuvre de toute une vie, et surtout pas qu’on en apprenne plus sur le dossier 64 et les très nombreux autres dossiers du même type.
Ajoutez à cette intrigue complexe et prenante une bonne dose d’humour, et vous aurez un roman passionnant, qui se lit d’une traite ! Mon seul bémol est… qu’il me faut maintenant patienter pour avoir la suite et qu’on en sait toujours aussi peu sur Assad…
Pour découvrir les personnages des romans de Jussi Adler Olsen : l’équipe du département V et une très intéressante interview de l’auteur. Un conseil : ce roman peut se lire indépendamment des trois qui le précèdent, mais il vaut mieux les lire à la suite, afin de bien suivre les personnages, l’évolution de leur caractère ou leurs réactions qui découlent de ce qu’ils ont vécu auparavant.
Dossier 64 de Jussi Adler Olsen, Albin Michel, 3 janvier 2014, 23€