Noah Mgbélé Timothée dit Ekilibro Noah est un danseur camerounais présent sur la scène rennaise depuis 2017. Sa danse combinant l’équilibre des arts du cirque, la puissance du breakdance, et la fluidité de la capoeira ont fait de lui un danseur reconnu. Une singularité que l’artiste entretient dans ses créations chorégraphiques et qu’il développe au sein de la compagnie Obosso. Portrait d’un chorégraphe à suivre.
Entre le Triangle, le festival Waterproof, ou encore dans le cadre des Transmusicales, nombreuses ont été les occasions de découvrir Ekilibro Noah, danseur et chorégraphe très présent sur la scène chorégraphique rennaise depuis 2017. Qui se cache derrière cet artiste singulier à la danse qui mêle arts du cirque et de la danse ?
Tout commence avec les arts du cirque qu’Ekilibro Noah découvre très jeune, grâce à la télévision. Il se forme en autodidacte à cette discipline au Cameroun, bien avant de découvrir et se tourner vers la danse. Le hip-hop émerge alors peu à peu et se démocratise, notamment grâce à la production de nombreux films américains. L’engouement est particulièrement présent chez les jeunes, et Ekilibro Noah découvre à son tour la danse grâce à des vidéos de breakdance. Junior Bosila Banya aka Bboy Junior, l’une des plus grandes figures de breakdance des années 2000, est celui qui le marquera le plus. Se formant une nouvelle fois en autodidacte, il intègre la compagnie Sn9per Cr3w qui se constitue au même moment au Cameroun.
Installé à Rennes depuis 2017, le danseur combine dans sa pratique breakdance, arts du cirque et éléments issus de la capoeira. Dans l’art du cirque c’est la notion d’équilibre qui séduit l’artiste ainsi que la rigueur et la discipline qui y sont associées. Avec le breakdance il retrouve des similitudes telles que les figures acrobatiques mais il aime cette discipline pour la liberté qu’elle prodigue : « Le cirque, ça reste du numéro, on peut retrouver quelque chose d’assez figé, le hip-hop a cette liberté d’ajouter un peu d’ingrédients. » Tour à tour il associe la capoeira puis l’énergie des danses africaines à sa danse. Autant d’éléments qui la nourrissent pour construire une singularité qui lui est propre.
« Chaque fois que je vais travailler sur quelque chose, je vais essayer de me détacher de ce que j’ai déjà comme bagage. J’ai cette soif d’aller chercher par mes propres moyens. »
Ekilibro Noah
Toujours en recherche de nouveaux savoirs et de nouvelles formes chorégraphiques, Ekilibro Noah a entamé depuis 2016 au Cameroun des recherches autour d’une danse patrimoniale originaire d’une ethnie autochtone de Yaoundé. Cette danse patrimoniale appelé Mbali Etoudi se perd progressivement à cause de l’exode rurale des populations. Avec la compagnie Sn9per Cr3w ils ont débuté un projet visant à rencontrer les anciens et les autochtones dans le but de préserver ce savoir.
En 2018, il fonde la Compagnie Obosso. Obosso est un slogan d’une ethnie camerounaise et signifie « de l’avant, allez ! ». Soutenue par l’association Un pas après l’autre, la compagnie Obosso lui permet de porter et développer ses projets. Le danseur oriente son travail dans plusieurs directions. Il œuvre notamment à travers des événements tels qu’Ongola Break Concept. Mis en place pour la première fois l’été 2021, le projet met en place des rencontres de danse axées sur l’esthétique hip-hop et pensées pour incarner l’identité culturelle camerounaise.
Derrière cet événement se mettent également en place des projets de formation pour les jeunes. Ekilibro Noah s’appuie sur la compagnie Sn9per Cr3w pour continuer à organiser des projets et événements au Cameroun où les danseurs sont malheureusement peu soutenus par un État manquant de moyens et d’outils. Si Ekilibro Noah est parvenu à faire sa place c’est au prix de nombreux sacrifices dont celui de l’exil. En mettant en place des projets sur le sol camerounais, il espère ainsi donner aux jeunes danseurs une chance de se faire reconnaître en tant que tels.
Dans Parcours, une pièce chorégraphique pour un danseur présenté au Triangle en avril dernier, l’artiste raconte d’ailleurs l’histoire de son exil. Récit dansé de l’artiste ayant quitté son pays et les siens pour échapper à la précarité. Par la force de ses mouvements, avec une grâce et une puissance indéniable, le danseur conte son exil. La capacité de narration de l’artiste marque ses créations chorégraphiques et donne vie au mouvement :
« Pour en arriver là c’est un travail de beaucoup d’essais. Ce n’est pas juste lié à la danse, c’est aussi comment tu te positionnes sur scène, au-delà du mouvement quel est l’état de ton corps. Tout ça compte pour l’œil de celui qui va regarder. »
Les prochaines créations d’Ekilibro Noah devraient voir le jour fin 2023, début 2024. Les deux projets seront en lien avec ses recherches sur la danse patrimoniale. Le premier intitulé Continuum parlera de cette danse Mbali Etoudi. Le second intitulé Renaître sera une performance solo où l’artiste renouera avec ses traditions et sa spiritualité. Il faudra donc un peu de patience au grand public pour le retrouver sur la scène rennaise, mais Ekilibro Noah est définitivement un danseur à ne pas lâcher des yeux.
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