Mardi matin, jour pluvieux et mine maussade, je ne sais pas quoi faire avec mes gamins. Un café rue Vasselot ? Une promenade au parc de Bréquigny ? J’opte finalement pour les cérémonies du 8 mai 1945, place de l’Hôtel de Ville, à Rennes. Arrivé là-bas, je monte sur les marches du théâtre pour voir, on ne peut mieux, le défilé de la grande muette. A côté de moi, un avocat rennais, un couple de personnes âgées et des femmes d’officiers attendent l’arrivée des « Cyrards », encore appelés officiers de Saint-Cyr.
Dans les rangs, je me fais tout petit…et ne dis pas un mot. « Je ne suis pas un habitué des lieux, » me dis-je. « Il faut que je me fasse discret. »Pas de chance, mon fils cadet peste contre moi. « C’est long, papa. » Pour la discrétion, c’est raté… Heureusement, personne ne le prend mal. « Il faut attendre les officiels, » lui explique une petite dame ratatinée, sous un bonnet en laine.
Au loin, le maire Daniel Delaveau serre des mains, dont celle du préfet, Michel Cadot, encore en Bretagne quelques mois. Finalement, l’harmonie met tout le monde au pas et les soldats arrivent à la queue leu leu, sous une petite pluie fine. Rien ne dépasse dans les rangs, sauf les shakos à plumes des cyrards » qui virevoltent au vent.
Dans un froid de canard, les militaires se réchauffent tant bien que mal, en chantant La Marseillaise. Les voix viriles, « couillues » diront certains, prennent aux tripes les aficionados de la tenue militaire, un peu moins sans doute ceux qui ont voté François Hollande… Mais convenons-en, quelques jours après la victoire socialiste, les Rennais, bien au-delà des opinions politiques, entonnent, sans trop se faire prier, notre hymne national.
Toujours, à côté de moi, la femme de l’officier cherche désespérément son mari. « Tu le vois, » demande-t-elle. « Non, » lui répond son amie. Parmi tous ces uniformes et ces hommes coupés court, il lui sera quand même difficile de reconnaître son cher et tendre… Mais pas d’irrespect, les anciens combattants lèvent leur drapeau. En 2012, ils sont toujours là pour commémorer le souvenir des atrocités passées. En revanche, toute petite question, mon capitaine : Ces célébrations existeront-elles encore dans cinquante ans ? Sur Europe 1, mardi matin, un vieux résistant se posait lui-même question. Il évoquait même la possibilité d’imaginer d’autres manières de se souvenir lorsque tous ses amis auront rejoint leurs camarades morts sur le front.
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Il faudra lui remettre une médaille ! Mercredi matin, vous aurez un compte-rendu des cérémonies du 8 mai 1945. Qui en sera l’auteur ? Édouard Maret. Pour rien au monde, il ne louperait une célébration. Grand spécialiste des questions militaires (et religieuses), il est toujours de service en ces jours de festivités militaires. Impassible, muet comme une carpe, il est fidèle au poste. On ne sait combien de militaires, hommes et femmes, il a eus dans le viseur…de son appareil des photos. Des milliers sans doute… Du coup, ils seront bien embêtés à Ouest-France quand il s’agira de le remplacer. Il faudra leur trouver un fana « mili… »Pas certains que dans les rangs des journalistes, François Régis Hutin en dégote un, aussi fidèle…
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