Azouz Begag est né à Villeurbanne au mois de février 1957, de parents algériens émigrés en France en 1949. Son enfance a pris place dans un bidonville de Lyon et son adolescence à la cité de la Duchère qui l’objet actuellement d’un vaste programme de rénovation. Grâce à une lecture soutenue et une volonté inflexible, ses études l’ont conduit jusqu’à un doctorat ès Économie. Ce qui lui a permis de faire une carrière de chercheur (CNRS et Maison des sciences sociales et humaines de Lyon) et d’enseignant (École centrale) avant de rejoindre le gouvernement Fillon de juin 2005 à avril 2007. Cet entretien réalisé au mois de novembre 2009 portait sur l’entrée d’Azouz Begag au Conseil Economique et Social, ce conseil que certains considèrent comme la troisième Chambre de la République et d’autres comme une sinécure…
Quand êtes-vous entré au Conseil Economique et Social ?
J’y ai siégé du mois de septembre 2001 à juin 2005 où M. de Villepin, chef du Gouvernement, m’a fait l’honneur de m’appeler à ses côtés en tant que ministre délégué à la Promotion de l’égalité des chances.
À noter que cette nomination faisait suite, entre autres, à une mission que ce dernier m’avait demandé, en 2004, consacrée à l’égalité des chances qui est au cœur de mes préoccupations.
Quelles sont été vos premières impressions ?
Elles sont restées inchangées. C’est, à mon sens, une enceinte philosophique de l’écoute dédiée à la liberté de parole et à la plus pure courtoisie. Une espèce de bonzaï dans la société civile où toutes les personnes qui sont invitées à siéger s’avèrent avant tout des ‘personnalités’ qui ont marqué un moment de l’histoire nationale grâce à leur profil psychologique, leur tempérament, leur caractère, leur originalité… Cette célébration de l’échange m’est toujours apparue une source de vitalité sans égal dans les institutions républicaines. Qui plus est, le CES m’a apporté une plus grande confiance dans la société française.
Monsieur le Ministre : comment pensez-vous y avoir contribué ?
Votre question est tout à fait légitime. En fait, je crois que mon travail actuel prolonge ma contribution au Conseil. Je m’efforce de montrer que toute la France est accessible à tout le monde, si l’on s’en donne la chance. La troisième assemblée en est d’ailleurs un exemple emblématique.
Dans cet esprit, je crois qu’avoir conduit la société française à remplacer le terme d’‘intégration’ par celui d’‘égalité des chances’ n’est pas la moindre de mes contributions. C’est là ma manière de rendre service à mon pays.
Aujourd’hui, je suis le symbole de la possibilité de sortir d’un milieu défavorisé et de réussir pour toute personne qui le veut véritablement, y compris celle issue de l’immigration. C’est une situation inouïe et j’imagine mal l’absence dans les prochains gouvernements d’une personne à l’avenant de ma généalogie. Un processus irréversible a été lancé.
N’y a-t-il pourtant pas une différence entre l’ascenseur social des Trente Glorieuses et celui qui prévaut aujourd’hui ?
Bien entendu, il y en a une, mais elle est positive. Hier, il n’y en avait qu’un seul — grosso modo, le mérite par les grands concours à l’image de l’ENA —, aujourd’hui ils sont multiples. La société contemporaine offre une diversité de possibilités de s’épanouir. Sa complexité est en accord avec celle des trajets personnels.
Il est proprement inédit que l’on puisse être riche et heureux en étant plombier, carreleur, sculpteur… C’est une situation radicalement nouvelle. En quarante ans, nous sommes passés de l’auxiliaire avoir à celui d’être dans la déclinaison du verbe réussir. Le point essentiel est de pouvoir se dire en se regardant dans un miroir ou cœur de soi-même : ce que j’ai fait dans ma vie est bien.
Vous partagez un optimiste digne d’un hégélien progressiste…
Absolument. Je crois que tout s’équilibre et que de nouvelles forces concourent actuellement à préparer de prochaines semailles. Comme dit le Rig Veda, « il y a tant d’aurores qui n’ont point encore lui ». Et j’entrevois un avenir radieux à condition que certaines malaises dans la société française et autres confusions disparaissent et que le pays se mette vraiment au travail.
Nicolas Roberti