TEUF MÉDIÉVALE, ENTREZ DANS LA DANSE AVEC JEAN TEULÉ

Avec Entrez dans la danse Jean Teulé revient sur l’anecdote de la patiente zéro alias Frau Troffea. Strasbourg juillet 1518… Que se passe-t-il ? La ville (qui à cette époque du Moyen-âge appartenait au Saint-Empire romain germanique) est en proie à une sorte de folie… Des femmes se mettent à danser partout dans les rues pendant des jours, des semaines et ce, jusqu’à se mutiler jusqu’à la mort par épuisement, crises cardiaques, ou accident vasculaire cérébral.

 

Entrez dans la danse

Les uns, les unes se livrent à des débauches qui dépassent toutes formes d’entendement, les autres dévorent leurs gosses ou les balancent à la rivière. Le maire ne comprend pas, cherche une explication rationnelle auprès de médecins, mais personne ne trouve et pendant ce temps, les gens comme pris dans un tourbillon continuent de danser, de bouffer ce qu’ils trouvent, des nouveau-nés, des animaux (chiens, chats, rats, etc.) et crèvent les uns après les autres. Le phénomène touchera près de 2 000 Strasbourgeois sur une population totale à l’époque de 16 000 personnes.

Gravure de Hondius, 1642, réalisée d’après le dessin de Bruegel d’une danseuse épileptique à Moelenbeek, près de Bruxelles en 1564

Si aucune explication raisonnable ne sembla calmer les questions du maire (Ammeister), on pensa à une épidémie par l’ergot qui aurait pu toucher le seigle et donc la farine, les médecins rejetèrent en masse les explications divines et surnaturelles prônées par l’Église, qui elle, souhaiterait profiter de cette aubaine pour vendre encore davantage d’indulgences aux plus pauvres afin d’assurer le financement en cours de la basilique Saint-Pierre. Ainsi, donc les chanoines comme l’évêque de la ville déclarèrent que ces pauvres malandrins étaient atteints de la danse de Saint-Guy, un leurre, et apeurèrent les foules avec les Ottomans qui se seraient tenus aux portes de la ville pour l’assiéger. C’eût été sans compter sur un phénomène qui tomba littéralement sur la tête des Strasbourgeois, une météorite qui s’abattit sur la cité de la Petite France. C’eût été sans compter non plus sur une chaleur qui accentua la folie des gens touchés par la pandémie. N’ayant plus rien à perdre les malades dansèrent et dansèrent encore. Et qui voulait ou qui pouvait entrait alors dans cette transe, dans cette danse létale… Une sorte de « technoparade » moyen-âgeuse macabre.

DANSE MACABRE

Le savoureux Jean Teulé a décidé de revisiter dans ce nouveau roman ce phénomène réel à sa sauce. Alors, très en verve encore cette fois-ci, il nous décrit avec une justesse comme une douce folie l’hystérie collective de ces gens touchés par cette épidémie de danse. Ces personnages, dont Enneline et Melchior Troffea sont remarquablement touchants dans le mal qui les soude comme les détruits. Le maire, Andreas Drachenfels, est haut en couleur dans sa quête infernale pour comprendre ce qu’il se passe, dans son énergie à tenter de sauver sa ville, dans son refus permanent de céder à la force du clergé, plus pourri que jamais, représenté par Guillaume de Honstein, qui s’évertue à affamer le peuple, à capter toutes les richesses, toutes les réserves de nourriture pour son seul compte. Fidèle à lui-même, Jean Teulé n’hésite pas à bouffer du cureton pour nos plus grands sourires et ne lésine pas entre tournures de phrases fort littéraires et un vocabulaire de charretier qui épice son récit. Si vous entrez dans la danse comme ces Strasbourgeois tombés dans la démence, vous dévorerez sans nul doute cette histoire. Quant à revenir à la raison, il demeure le choix de chacun !

Une étrange épidémie a eu lieu dernièrement
Et s’est répandue dans Strasbourg
De telle sorte que, dans leur folie,
Beaucoup se mirent à danser
Et ne cessèrent jour et nuit, pendant deux mois
Sans interruption,
Jusqu’à tomber inconscients.
Beaucoup sont morts.

Chronique alsacienne, 1519

Entrez dans la danse, Jean Teulé, Éditions Julliard – 160 pages, parution : février 2018. Prix : 18,50 €.

Dès le départ, ils avaient attribué à l’épidémie une origine divine et ils savaient que seule la miséricorde céleste pourrait contrebalancer le fléau que leur infligeaient Dieu et ses saints. John Waller. 

John Waller, Les danseurs fous de Strasbourg. Une épidémie de transe collective en 1518, La Nuée Bleue, 2016, 223 p. (trad. de A Time to Dance, a Time to Die, Londres, 2008)

 

Article précédentCARRÉ VIP PONTIVY, FRANÇOISE RAMEL, UNE ÉNERGIE INCROYABLE !
Article suivantRENNES, NOUVEL AN CHINOIS ET SEMAINE CHINOISE 2018 (PROGRAMME)
Christophe Maris
Christophe Maris est journaliste et écrivain, agrégé de Lettres modernes. Il collabore à plusieurs émissions de TV et radio et conçoit des magazines pour l'enseignement où il a oeuvré une quinzaine d'années en qualité de professeur de lettres, d'histoire et de communication.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici