Entretien avec Erika Urien, peintre-collagiste

Erika Urien, peintre-collagiste, expose son travail à la galerie Quai 18 de Rennes jusqu’au 14 février 2015. Unidivers l’a rencontré.

Unidivers – Erika Urien, vous présentez à la galerie Quai 18 un travail sur toiles, mélangeant pigment, acrylique et collages, réalisé entre Rennes et Paris, notamment en résidence à l’atelier l’ÉMErveille. Quelles sont vos sources d’inspiration ?

Erik Urien
Erik Urien (photo : Nicolas Maignan)

Erika Urien : Mon inspiration va des collages dadaïstes des années 30 aux enluminures du moyen-âge en passant par le travail d’Alechinsky ou les peintures de Matisse. La récupération de papiers usagés porteurs de sens cachés ou non, le travail de répétition obsessionnelle de formes minuscules, l’utilisation de couleurs brutes sortant du tube en sont les manifestations les plus lisibles. Plus directement, je me sers de papiers rapportés de voyages dont les textures m’intéressent ou que je trouve beaux. Ils me permettent de ne pas créer ex nihilo.

erika urien– Votre style pourrait se définir par du graphisme pictural qui, au final, donne à voir des sortes d’icônes de la nature. Cette écriture tendre et minimaliste ne tend-elle pas quelque part vers l’abstraction ?

Erika Urien : On peut en effet dire que ma manière de représenter la nature est plus proche du signe que réellement figurative. Ce n’est pas la vraisemblance qui m’intéresse, mais davantage une vision poétique. Mon évocation de la nature est onirique et la ressemblance avec la nature n’est pas mon propos.

erika urien– La technique que vous employez, le cut-up,  est-elle un moyen de rendre perceptible une autre dimension, « un cadre encadré » ?

Erika Urien : Le « cut-up » est une technique littéraire qui consiste à se servir d’éléments d’un texte découpé afin d’en produire un autre. Si ce n’est pas directement ce que je fais, j’utilise en réalité des éléments fragmentés et je les « ré-agence ». Préalablement à mes toiles, je travaille des dessins sur papier que je découpe et utilise dans des compositions de plus grande ampleur. J’utilise aussi notamment des fragments de journaux qui « nourrissent »  mes fonds sans que ces morceaux ne soient forcément visibles en tant que tels. L’œil perçoit cette richesse malgré tout sans perika urienour autant l’identifier… Ce qui est trop évident est ennuyeux. Les dessins avec ces graphismes minuscules que je travaille avant de m’en servir comme matériaux sont remplis d’une sorte d’écriture automatique, de formes non figuratives que je décline de façon obsessionnelle. Les cadres dans le cadre au final peuvent être une façon de rappeler qu’une toile est un « cadre », donc un point de vue, donc une « fenêtre » ouverte sur une pensée, une rêverie, une absence…

– Vous peignez une narration à variations multiples sous le trait de l’homogénéité. Cette histoire, d’où transparaissent en arrière-fond des arbres de vie, est-elle spécifique à cette exposition ou est-ce qu’elle est transversale à votre œuvre ?

erika urienErika Urien : Mes toiles comportent en effet plusieurs plans qui sont créés par ces cadres et non par une utilisation de la perspective. Ces cadres et vignettes écrivent une histoire que le regardeur est libre de se raconter à lui-même. Le vertical et l’horizontal y sont toujours marqués et les formes s’équilibrent et s’imbriquent. Dans chaque toile se joue et se résout l’harmonisation des énergies féminines et masculines. L’arbre est un symbole universel et représente l’équilibre des forces par excellence. « Et si on avait besoin d’une cinquième saison ? » Celle de ce nouvel équilibre où les forces du yin et du yang s’équilibreraient enfin pour créer un véritable partage humain équitable. Les arbres apparaissent depuis quelques années dans mon travail, mais c’est la première exposition où j’en présente autant. C’était le moment pour moi de matérialiser cette forêt imaginaire. L’arbre est donc bien en filigrane dans mon travail depuis quelques années, même si dans cette série il s’impose davantage que dans les travaux antérieurs.

Définiriez-vous votre art comme de l’art moderne ? Et quelle place occupe cet art actuellement face à l’art contemporain et aux technologies ?

erika urienErika Urien : Définir l’art est devenu très difficile. Je trouve le travail d’artistes conceptuels aussi intéressant que ce que je peux aimer la peinture en tant que telle. Peindre aujourd’hui est-il complètement dépassé face à l’existence des moyens technologiques actuels ? Je ne m’en préoccupe pas à vrai dire, mais je ne crois pas que cela soit le cas. Représenter mon univers intérieur et m’exprimer à travers la matière picturale me semble plutôt naturel, pour autant je ne milite pas pour cette forme de création plutôt que pour une autre. Aujourd’hui, beaucoup de notre vie passe par la machine « ordinateur », du travail plastique à la rencontre amoureuse, mais il est et ne reste qu’un outil.  Je travaille la matière et l’écriture automatique comme un prolongement de ma propre matérialité. Je suis faite à 65% d’eau et je respire comme un arbre !  Je tiens vraiment à ce lien sensuel avec la matière quand je crée. Une toile peinte est cependant un objet matériel qui se rajoute au monde. Contrairement à la performance ou aux installations interactives, le temps de la contemplation de l’œuvre picturale n’est jamais en synergie avec le temps de création de l’artiste. Tout se vit dans la contemplation et en décalage avec celui qui l’a créée. Toutefois, j’aspire à faire évoluer mon travail afin d’y inclure une interactivité. Comment ? Je suis en train d’y songer…

– Le travail traditionnel du peintre est-il désacralisé par le monde actuel ?

erika urienErika Urien : Au contraire, l’ouverture offerte à l’expression artistique permet d’autant plus aux autres moyens d’expression d’exister.  Au temps de l’invention de la photographie, on a cru que la peinture allait disparaître or cela lui a permis de s’approprier d’autres territoires d’expérimentation. Il en est de même aujourd’hui grâce à l’existence des technologies. À cet égard, le collage est une technique d’hybridation, ancrée de ce fait dans la modernité. L’art contemporain est friand de métissages, je ne sépare pas la pratique picturale du reste des expressions plastiques actuelles, qu’elles utilisent ou non les nouvelles technologies.

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