Du 12 décembre 2025 au 8 mars 2026, le Kiosque, espace d’exposition dédié à la photographie sur le port de Vannes, consacre son hiver à l’un des grands inventeurs d’images du XXe siècle, Peter Knapp.
Photographe, peintre, directeur artistique, plasticien et cinéaste, ce Suisse de naissance, longtemps partagé entre Paris, New York et son pays natal, a façonné en profondeur notre regard sur la mode, la ville, le ciel et le temps. À travers une soixantaine d’œuvres, l’exposition Aux quatre coins du temps propose une immersion dans cet univers en perpétuelle expérimentation, où chaque image semble questionner ce que peut, et ce que doit, une photographie aujourd’hui.
- Exposition : Peter Knapp – Aux quatre coins du temps
- Dates : du 12 décembre 2025 au 8 mars 2026
- Lieu : Le Kiosque, esplanade Simone-Veil, rive droite du port, 56000 Vannes
- Horaires : tous les jours, 10h-13h et 14h-18h
- Entrée : gratuite
- Conférence de Peter Knapp : jeudi 5 mars 2026, 18h, Palais des arts & des congrès de Vannes
Un créateur inclassable nourri par l’esprit du Bauhaus
Peter Knapp naît en 1931 à Bäretswil, en Suisse. Il se forme très tôt à l’École des arts appliqués de Zurich, dans une section arts graphiques héritière de l’esprit du Bauhaus : rigueur de la ligne, importance du graphisme, articulation constante entre forme, fonction et mouvement. Il poursuit sa formation à l’École des beaux-arts de Paris, fréquente les ateliers de Monticelli et Otto Bachmann, et se partage entre peinture, dessin et graphisme.
Dès le début des années 1950, il signe les logos de la NRF et de Gallimard, puis prend en charge l’identité visuelle du Nouveau Femina avant de devenir directeur artistique aux Galeries Lafayette. C’est déjà une constante de sa trajectoire : penser l’image comme un système, où photographie, typographie, mise en page et scénographie se répondent.

Révolutionner la photographie de mode
La reconnaissance internationale arrive avec son travail pour le magazine Elle, dont il devient le directeur artistique à la fin des années 1950. À l’heure où la mode quitte les salons pour gagner la rue, où les silhouettes se libèrent et où l’ère des « Trente Glorieuses » invente un nouveau rapport au corps, Peter Knapp met en place un langage visuel radicalement neuf.
Ses images bousculent le vocabulaire codifié de la photographie de mode : les mannequins sautent, tournent, tombent, apparaissent en plongée ou en contre-plongée, se déploient dans des cadrages obliques, parfois morcelés. La célèbre photographie de 1965 pour André Courrèges, reproduite dans le dossier de presse, montre des corps comme pris dans une chute cosmique, silhouettes graphiques à rayures sur fond noir : le vêtement devient motif, la figure humaine une forme parmi d’autres, emportée par la dynamique du cadre.
Knapp collabore avec des créateurs majeurs comme André Courrèges, Emanuel Ungaro, Thierry Mugler ou Claude Montana. Avec eux, il invente des scénarios presque surréalistes : défilés nocturnes dans les champs, silhouettes coiffées de cônes métalliques, halos lumineux qui découpent l’espace. La mode, chez lui, n’est plus seulement un sujet ; elle est le prétexte à une véritable mise en scène du temps et du mouvement.
Du magazine à la télévision : Dim Dam Dom et le cinéma de l’image
Curieux de tous les supports, Peter Knapp ne se contente pas de la page imprimée. Entre 1966 et 1969, il réalise 42 films pour l’émission télévisée Dim Dam Dom, produite par Daisy de Galard. Le générique, les séquences, les jeux sur le décor et le montage prolongent sa réflexion sur la mise en scène du corps féminin, mais aussi sur le dispositif télévisuel lui-même.
Plus tard, il multiplie les expériences filmées : documentaires, fictions, dessins animés, jusqu’à des projets ambitieux comme la série Ces appareils qui nous ont vus, consacrée à l’histoire de la photographie, ou encore un film Imax sur Van Gogh. Chaque fois, il s’agit moins d’illustrer un sujet que de tester les limites de l’image en mouvement et de ses supports.

Le ciel, l’infini et la « quatrième dimension »
Si Peter Knapp demeure une figure majeure de la photographie de mode, l’exposition vannetaise rappelle combien son œuvre dépasse ce seul champ. Dès les années 1970, il développe un travail plus personnel autour des notions d’infini, d’espace et de perception. La série Du ciel et de l’espace le fait rejoindre le mouvement Sky Art, autour du MIT de Boston, qui réunit des artistes interrogeant notre relation au ciel, à la lumière, aux phénomènes atmosphériques.
La grande image Quatrième dimension (1980) en est un exemple puissant : un ciel bleu vibrant y est découpé en rectangles flottants, comme autant de fragments glissant sur une surface invisible. Le paysage aérien, pourtant familier, devient une composition abstraite où se brouillent haut et bas, proche et lointain. Ce travail sur le collage, le découpage, la superposition se retrouve dans de nombreuses œuvres exposées, où Knapp gratte ses négatifs, manipule ses tirages, joue des inversions chromatiques ou des effets de solarisation.
Le ciel, chez lui, n’est pas un simple décor : c’est un laboratoire où se fabriquent de nouveaux rapports au temps – dilaté, fragmenté, recomposé.

Portraits, collages, installations : un art sans frontières
L’exposition Aux quatre coins du temps s’organise en quatre grandes sections qui suivent les lignes de force d’un parcours de plus de soixante-dix ans. On y découvre :
des images emblématiques de mode, où la chorégraphie des corps et la rigueur graphique dialoguent avec l’esthétique pop des années 1960-1970 ;
des recherches expérimentales sur le négatif, le grattage, le collage, qui transforment les photographies en surfaces presque picturales ;
des paysages de ciel et d’espace, où l’artiste interroge la place du regardeur face à l’infini ;
des portraits récents, comme ceux de la série Carnet de Baal ou des figures féminines aux allures spectrales, travaillés par la couleur et les inversions de valeurs.
À travers ces ensembles, se dessine une conviction profonde que Peter Knapp formule clairement : « Pour moi, il n’y a pas de différence essentielle entre le dessin, le collage, la photo, la peinture, la sculpture ou l’installation. […] Je me battrais plutôt pour effacer les frontières entre les différents moyens d’expression. » L’exposition donne à voir cette porosité des pratiques : les tirages photographiques y côtoient des travaux plus proches de la peinture ou de l’installation, dans un dialogue permanent.

Un artiste international, reconnu et toujours en recherche
Au fil des décennies, le travail de Peter Knapp a été montré dans de nombreuses institutions : Rencontres d’Arles, Musée de l’Élysée à Lausanne, Centre Pompidou, Maison européenne de la photographie, Cité de la mode et du design, Musée de la photographie de Charleroi… Ses images circulent dans les magazines du monde entier, de Vogue à Stern, du Sunday Times à Fortune.
Il se voit décerner plusieurs distinctions importantes : premier prix international Nikon N&B dès 1969, prix du Meilleur livre d’art pour son ouvrage sur Giacometti, Grand Prix suisse de design, catégorie photographie, ou encore premier prix UNESCO pour son film Imax sur Van Gogh. Ces récompenses attestent de l’ampleur d’une œuvre qui n’a jamais cessé de se renouveler, tout en restant fidèle à quelques obsessions : la ligne, la couleur, le mouvement, le ciel.
Aujourd’hui encore, entre Paris, New York et la Suisse, Peter Knapp continue de peindre et de photographier, de transmettre (il a longtemps enseigné à l’École supérieure des arts graphiques de Paris, a été maître de conférences à Sciences Po) et de raconter ce que l’image fait à nos vies.

Le Kiosque, une fenêtre sur la création contemporaine
Situé esplanade Simone-Veil, en rive droite du port de Vannes, le Kiosque s’impose depuis plusieurs années comme un laboratoire d’images ouvert à tous. L’exposition Aux quatre coins du temps s’inscrit dans cette dynamique d’accessibilité : l’entrée est gratuite, et de nombreuses actions de médiation accompagnent le parcours.
Visites commentées et ateliers-visites sont proposés aux scolaires, de la maternelle à l’enseignement supérieur, mais aussi à des publics plus éloignés de l’offre culturelle. Un livret-jeu permet aux familles de découvrir l’exposition avec les enfants, sous la forme d’un cheminement ludique. Des actions « hors les murs » prolongent également la rencontre avec la photographie dans la ville.
Un rendez-vous particulier marquera cette saison : une conférence avec Peter Knapp lui-même, programmée le jeudi 5 mars 2026 à 18h au Palais des arts et des congrès de Vannes. Une occasion rare d’entendre l’artiste revenir sur son parcours, ses expérimentations, sa vision de l’image à l’ère numérique.
Informations pratiques
- Exposition : Peter Knapp – Aux quatre coins du temps
- Dates : du 12 décembre 2025 au 8 mars 2026
- Lieu : Le Kiosque, esplanade Simone-Veil, rive droite du port, 56000 Vannes
- Horaires : tous les jours, 10h-13h et 14h-18h
- Entrée : gratuite
- Conférence de Peter Knapp : jeudi 5 mars 2026, 18h, Palais des arts & des congrès de Vannes
