Du 22 octobre 2021 au 27 mars 2022, le musée de Bretagne, aux Champs Libres de Rennes, consacre une exposition au travail de la photographe autodidacte, Madeleine de Sinéty (1934-2011). Durant l’été 1972, elle découvre par hasard le village de Poilley, situé au nord de l’Ille-et-Vilaine. Cette rencontre marquera sa photographie, et les habitants.
Après l’exposition Western de Stéphane Lavoué, jusqu’au 7 novembre 2021 dans la salle Anita Conti, et la série photographique « Les Horizons, cartographie des possibles » d’Aglaé Bory, jusqu’au 2 janvier 2022 dans l’escalier de la bibliothèque, l’exposition Madeleine de Sinéty, un village rejoint les propositions photographiques des Champs Libres. Coproduction entre trois institutions, l’exposition fait suite à celle précédemment présentée au musée Nicéphore Niepce de Chalon-sur-Saône, puis celle actuellement affichée au centre d’art GwinZegal de Guingamp.
33 280 diapositives couleur, 23 076 négatifs noir et blanc : c’est par cette liste que pourrait commencer l’une des centaines de pages du journal intime tenu par Madeleine de Sinéty… Découvrir l’exposition Madeleine de Sinéty, un village c’est aller à la rencontre d’une amoureuse de l’image, et de l’humain, en passant par la porte du noir et blanc, avant de s’attarder sur la couleur et les teintes caractéristiques du monde de la ferme, d’une France rurale disparue. « Elle découvre l’image illustrée dans le cadre de sa formation à l’école des Arts Décoratifs à Paris. Dans le courant des années 60, elle travaille pour différents magazines et journaux », souligne Laurence Prod’homme, la commissaire d’exposition, avant de trouver la photographie qu’elle pratique en autodidacte à partir de 1970. De manière concomitante, en 1972, elle tombe sous le charme de Poilley, village dans le nord de l’Ille-et-Vilaine. Et surtout, au regard de sa production photographique, de ses habitants.
Véritable madeleine de Proust pour la photographe, la commune lui rappelle les heures passées derrière les fenêtres du château de son arrière grand-mère à regarder la vie de la ferme. « En arrivant à Poilley, elle retrouve ce qu’elle n’avait pas le droit de voir et de faire pendant son enfance », poursuit la commissaire d’exposition. Madeleine décide d’y vivre de 1972 à 1981. Pendant une dizaine d’années, elle portera sur ce territoire un regard photographique, mais également historique, anthropologique et sociologique, rempli d’humanité. Entre l’art et le documentaire, le reportage et l’archive, un véritable travail d’ethnologue de terrain est aujourd’hui exposé dans toute sa sobriété, de par une scénographie par ailleurs parfaitement exécutée.
« Jamais vu quelqu’un qui s’intéressait autant à un endroit », se remémore une voix grave issue des témoignages collectés par l’association brestoise Radio Activité. Les souvenirs des Poillénnais résonnent dans une pièce et font écho à la projection de diapositives. Décrite comme « un papillon qui volait d’une maison à une autre », « subjuguée par les habitants », elle s’intéressait surtout aux modes de vie. Elles les « collectionnait ». Elle s’est attachée à observer avec la plus grande attention et à photographier, toujours avec discrétion, les citoyens au travail et dans leur vie quotidienne, privilégiant le travail manuel de la terre dans un monde rural déjà en pleine mutation.
Plus qu’une sensibilité artistique, et un grand talent photographique, l’exposition met la lumière sur une grande sensibilité humaine. Une sensibilité humaine qui déborde de toutes parts dans ses clichés. Chaque photo est émouvante, respire la confiance et l’intime, de par les relations privilégiées qu’elle a su nouer avec les habitants. Madeleine ne sait pas contenter de photographier des individus, elle a partagé leur quotidien, s’est lié aux habitant.e.s. Pour mieux partager la vie d’une communauté soudée par ses rituels et ses fêtes. « Si elle n’était pas venue d’un autre milieu, ça n’aurait jamais eu lieu », entend-on à nouveau. C’est peut-être cette différence de milieu qui donne autant d’intensité et de poésie à son travail. La photographe a perçu la fragilité de ce monde et l’a immortalisé, avec l’humain toujours au centre de ses clichés.
« C’est un trésor que Peter [Behrman de Sinéty, fils de Madeleine de Sinéty] a laissé à la société pour qu’elle fasse une analyse sur son passé et qu’elle voit aussi, sans nostalgie, ce qu’il y avait de beau », s’exprime Noël Demazel, le maire de Poilley. « À nous aujourd’hui de faire vivre Madeleine de Sinéty dans les futurs projets de la commune. Madeleine était quelqu’un de bien, qui savait donner et à qui il faut redonner aujourd’hui », conclut-il. Prochainement, la bibliothèque de Poilley portera le nom de « Madeleine » ou « Madeleine de Sinéty ». Pour que son nom reste à jamais gravé sur le territoire sur lequel elle a écrit un magnifique récit…
Madeleine de Sinéty, La Charette de pommes © Tous droits réservés © Tous droits réservés
Du 22 octobre 2021 au 27 mars 2022, exposition Madeleine de Sinéty, un village, au Musée de Bretagne, Rennes.
Fermé le lundi, ouvert en semaine de 12:00 à 19:00, les samedi et dimanche 14:00 à 19:00. Tarif : gratuit.
VISITE FAMILLE EN AUTONOMIE POUR LES 6-12 ANS
Munis d’une sacoche de reporter, les enfants sont invités à se plonger dans le village de Poilley dans les années 1970. En cherchant des indices et en répondant à des devinettes, ils découvriront le travail de Madeleine et la vie à la campagne dans les années 1970.
VISITE COMMENTÉE DE L’EXPOSITION
Tous les samedis et dimanches à 15h.
Tous les jours pendant les vacances scolaires à 15h. À partir de 10 ans, durée : 30 min.
MÉDIATION SCOLAIRE MADELEINE DE SINÉTY : « UNE JOURNÉE À POILLEY »
En comparant les photographies prises par Madeleine de Sinéty dans les années 1970 avec des images d’aujourd’hui, les élèves comparent les changements et les permanences de la société, mais aussi les différences entre la vie urbaine et rurale. À eux de nous raconter leur ressenti devant les photographies, avant de finir par une séance de projection de diapositives.
Cycle 2 (CP – CE2), durée : 1h.
Réservation obligatoire au 02 23 40 66 00, du lundi au vendredi de 9h à 17h.
AUTOUR DE L’EXPOSITION :
Mercredi 10 novembre : Madeleine de Sinéty, un projet photographique
Rencontre – 18h30 • 1h. Auditorium (GRATUIT)
De l’argentique au numérique, de l’enregistrement du réel à l’œuvre d’art, de l’objet unique aux réseaux sociaux, l’histoire de la photographie est celle d’une succession de mutations. Ce cycle de rencontres se propose de relire l’histoire de cet art à l’aune de ces bouleversements. Pour ce premier volet, l’historienne de l’art Nathalie Boulouch revient sur ces témoignages photographiques spontanés ayant acquis avec le temps le statut d’œuvres à part entière.
Jeudi 16 décembre : Retour à Poilley en 2020
Café histoire – 18h30 • 1h30. Salle Magenta
Le collectif Radio Activité est retourné à Poilley, plusieurs décennies après Madeleine de Sinéty, pour collecter les témoignages des habitants qui l’ont connue et qu’elle a photographiés. Ils nous racontent leur démarche, le travail de collectage et cette nouvelle rencontre avec le passé.
Mercredi 26 janvier : Madeleine de Sinéty à Poilley
Café histoire – 18h30 • 1h30. Hors les murs : Poilley
Le temps d’une soirée, le Musée de Bretagne s’installe à Poilley, sur les traces de Madeleine de Sinéty. L’occasion de découvrir son parcours et le regard qu’elle a porté sur le village durant son séjour, entre 1972 et 1981, mais aussi de s’interroger sur l’évolution du territoire.