Jusqu’au 13 avril 2020, la Maison des Cultures du Monde de Vitré explore la diversité des poupées et figurines de l’Antiquité à nos jours avec l’exposition Poupées, Jeux de dupes ? Un voyage dans le temps et l’espace emporte le public dans chaque recoin du monde à la découverte de poupées à la facture exceptionnelle. Sans omettre une dose de mystère…
Dans les années 30, les poupées sexualisées d’Hans Bellmer, un des plus grands artistes surréalistes, ont défrayé la chronique dans le milieu de l’art. Entre émancipation de la femme à sa création (1959) et stéréotype de la beauté, la majorité des petites filles se souvient avoir tenu dans leurs mains cette poupée blonde élancée. Depuis la série de films Annabelle – Conjuring, les dossiers Warren (2014-2019), l’histoire d’Annabelle, la poupée de chiffon maléfique ayant réellement existé, en a fait frissonner plus d’un.
Tantôt porte-bonheur, objet d’adoration, de magie ou de menace, ces figurines portent en elles les représentations symboliques et sacrées d’une région. Cependant, depuis quand traversent-elles les cultures du monde entier (sumériennes, hittites, grecques, romaines, gauloises aussi bien que chinoises, etc.) et habitent les domiciles ? Connaissons-nous réellement l’ampleur de la diversité des poupées ? La découverte de poupées – en terre cuite, bois, os, cire, ivoire ou jade – dans des tombeaux d’enfants égyptiens du XXe siècle av. J.-C. les place possiblement au rang de premiers jouets connus.
La Maison des Cultures du Monde propose un tour du monde avec l’exposition Poupées, jeux de dupes ? Issue de la collection particulière de Christine Basques (constituée de plus de 10 000 poupées et figurines du monde entier), l’exposition rassemble 200 poupées et interroge les multiples rôles qui leur sont attribués à travers les siècles.
« Je cause parfois avec les hommes comme l’enfant avec sa poupée. il sait très bien que la poupée ne l’entend pas, mais il se procure, par une agréable auto-suggestion consciente, la joie de la conversation », Arthur Schopenhauer, Parerga et paralipomena.
Chaque adulte se souvient d’avoir choyé une poupée « doudou » tel un trésor avant de la délaisser le temps de la maturité arrivé. Il arrive également que certains conservent précieusement cet objet, car plus qu’une simple poupée elle représente des souvenirs enfouis.
De l’artisanat local au dessein touristique des poupées
Poupons et Barbies laissent rapidement place au folklore des poupées régionales. Après tout, qui n’a jamais remarqué ces poupées en costume traditionnel qui trônent fièrement dans le buffet en bois massif des grands-parents ou arrière grands-parents ?
Aujourd’hui conçues principalement à dessein touristique, les poupées cultuelles et rituelles du monde entier se sont transformées en souvenir décoratif. Qu’elles soient réalisées en tissu, pierre ou ficelle, ces miniaturisations représentatives de la diversité de population reflètent le système de l’artisanat d’une région.
Une poupée mystère se cache au milieu de cette avalanche de poupées aussi colorées les unes autres que les autres… Des figurines fabriquées sur l’île de Lombok (Indonésie) ont été retrouvées dans la collection de Christine Basques. Fabriquées à partir de calebasse et de tressages de fils caractéristiques de l’artisanat de l’île, elles recèlent des secrets malheureusement non identifiées à ce jour. « Les poupées de cette section n’ont pas d’autre utilité connue. Elles sont souvent conçues pour être vendues aux touristes, mais témoignent d’un artisanat local. Intégrer cette mystérieuse poupée dans cette partie permet de parler de sa facture traditionnelle », précise Camille Golan, chargée des projets culturels et des publics, et en charge de l’exposition Poupées, jeux de dupes ?.
La fête du Hina Matsuri : les poupées protectrices du Japon
Au détour de la troisième salle, le public explore une des traditions du pays du Soleil Levant : Hina Masturi, la fête des filles. Face à lui, une estrade à trois niveaux abrite des figurines en porcelaine aux vêtements fins et délicats. À l’effigie des personnages de la cour impériale de l’ère Heian (794 – 1185), l’empereur et l’impératrice siègent sur la marche la plus haute. Ils surplombent les dames membres de la cour impériale, les danseurs, les musiciens et les ministres des niveaux inférieurs.
Tous les trois ans, chaque famille où vit une petite fille installe cette estrade dans sa maison le 3 mars. Au-delà de la beauté des figurines, cette cérémonie protège les fillettes du mauvais sort. Selon la croyance traditionnelle, les poupées doivent être rangées le soir du 3 mars, sans quoi la fille de la maison ne pourra pas se marier pendant un an.
Quand les poupées Kachina symbolisent les esprits
Après le Japon, direction le sud-ouest des États-Unis avec les Indiens Hopi et les poupées katchina. Les esprits des dieux représentant les éléments de la nature ou les esprits bienveillants, farceurs, etc. sont incarnés par des danseurs masqués et costumés lors de fêtes rituelles. Des poupées de bois de couleurs vives – symbolisant la provenance de l’esprit, sa fonction et son appartenance à un groupe d’esprit – sont peintes et offertes aux enfants. Objet d’initiation pour les plus jeunes, elles permettent de les familiariser avec le monde des esprits.
La poupée, un objet sacré
Entre les poupées vaudou Haïti, celles funéraires chançay (Pérou) et la figurine chamanique du Népal, un dernier arrêt transporte le public dans la magie et l’ensorcellement.
Trop souvent mal connu, le vaudou – défini comme une des plus anciennes religions – est considéré comme une sorcellerie maléfique et dangereuse. Néanmoins, cet art de grande magie est également utilisé pour guérir, aider et bénir objets et lieux. Ces petites figures vengeresses à l’effigie criblées d’aiguilles, représentations incontournables, ont sans conteste leur place dans l’exposition. Cependant, elles font finalement pâle figure face au clou de l’exposition : la poupée funéraire Toraja (Sulawesi du Sud, Indonésie), figurine à base d’os humain.
Avant qu’un frisson glacial ne vous parcourt l’échine, rappelons que les Torajas ont une relation singulière avec leurs morts. « Les Torajas n’ont pas la même vision de la mort que les Occidentaux. Le défunt est considéré comme « endormi » jusqu’aux funérailles. Il reste dans la maison en attendant que la famille soit en mesure de financer l’enterrement – souligne Camille Golan. Et tous les ans, les morts sont sortis de leur tombe afin d‘être promenés et nettoyés. Les membres de la famille prennent même des selfies avec eux ».
Sans information sur son utilisation exacte, cette poupée reste une énigme. À quoi servait-elle ? Est-elle fabriquée à partir des os du défunt ? « Nous pouvons supposer qu’elles jouent un rôle dans la cérémonie funéraire, mais sans certitude. Elles ont peut-être une autre fonction… ».
Poupées, jeux de dupes ? La Maison des Cultures de Monde laisse planer le mystère…
Jusqu’au 13 avril 2020, exposition Poupées, jeux de dupes ?
Maison des Cultures du Monde, Centre Français du Patrimoine Culturel Immatériel, Vitré.
Prieuré des Bénédictins
2 rue des Bénédictins
35500 Vitré, France
Tel : +33 (0)2 99 75 82 90
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Email : info@maisondesculturesdumonde.org
Horaires d’ouverture au public :
lundi : fermé
du mardi au vendredi : de 14h à 18h
samedi et dimanche (uniquement pendant les expositions temporaires) : de 14h à 18h