A Landerneau Picasso vous donne rendez-vous au Fonds Leclerc du 25 juin au 1er novembre 2017 ! Cette exposition Picasso est singulière : elle est constituée des seuls « Picasso de Picasso » ; autrement dit, 200 oeuvres que l’artiste avait gardées sa vie durant auprès de lui dans ses ateliers et dont, à sa mort, sa veuve Jacqueline hérita en partie.
Jacqueline Roque, dernière épouse de Pablo Picasso, organisa ou participa activement à plusieurs expositions de l’oeuvre de son mari jusqu’à sa propre disparition. Sa fille, Catherine Hutin, a poursuivi cette activité de diffusion et de meilleure connaissance de l’oeuvre de l’artiste par des participations à de nombreuses manifestations Picasso dans le monde entier. Mais pour la première fois à cette échelle, en quelque deux cents numéros – peintures, dessins, céramiques, livres illustrés –, regroupant pratiquement toutes les périodes de production de l’artiste, c’est une rétrospective de l’oeuvre qui est rendue possible grâce à cette seule collection particulière.
Parcours de l’exposition Picasso Landerneau
Les premiers essais en peinture de Picasso se sont faits sous l’impulsion de son père José Ruiz Blasco, peintre et professeur de dessin. Les peintures qu’il réalise alors et signe de son nom de naissance sont d’un style académique, influencé par l’enseignement reçu et par les oeuvres naturalistes de son père, qui peignit souvent les nombreux pigeons qu’il élevait. En 1899, à Barcelone, Picasso abandonne l’enseignement officiel et décide de suivre sa propre voie puis il délaissera le patronyme paternel et signera ses toiles du seul nom de sa mère, Picasso. Picasso décide de s’installer à Paris en 1904 et prend un atelier au Bateau-Lavoir à Montmartre. Il rencontre alors les poètes André Salmon, Guillaume Apollinaire ainsi que Fernande Olivier qui deviendra son modèle et sa compagne. Les années suivantes, les découvertes de Van Gogh, Ingres, Gauguin, Cézanne et des arts ibérique et africain auront des conséquences sur l’évolution de sa création, avec l’invention du cubisme : perspective et canons traditionnels de la beauté sont oubliés, avec une schématisation des formes recréées sous des aspects différents et simultanés.
Son voyage en Italie en 1917 le fera renouer avec un néo-classicisme. À partir de 1925, Picasso connaît des difficultés dans sa vie conjugale avec Olga Khokhlova, sa femme depuis 1918. En 1927, il rencontre Marie-Thérèse Walter, âgée de dix-sept ans. Cela précipite, pour l’artiste, la transformation de la représentation du corps féminin. Aux visages alors angulaires d’Olga, aux nez coupants, dans les bouches desquels surgissent des dents prêtes à mordre, succèdent ainsi des images plus calmes de jeunes femmes athlétiques aux formes épanouies, étendues au soleil, ou jouant sur la plage, métaphores du désir et de l’énergie que Marie-Thérèse inspire au jeune quinquagénaire.
Une angoisse croissante, une tension permanente à l’approche du nouveau conflit mondial se font sentir dans sa peinture à travers de nouvelles découvertes et métaphores formelles, inspirées par le corps et le visage humains, le plus souvent celui de Dora Maar, peintre et photographe rencontrée en 1935. Natures mortes, vues d’atelier, paysages de Paris révèlent l’enfermement de l’artiste lorsque la guerre éclate dans la capitale, à travers une palette aux tons de plus en plus violents et durs. Les années de ténèbres La pratique fréquente de la céramique à Madoura a une conséquence inattendue mais déterminante dans la vie de Picasso : il y rencontre en effet Jacqueline Roque, jeune femme qui vient d’arriver à Antibes et qui deviendra, un an après la rupture avec Françoise Gilot, sa compagne puis son épouse en 1961. L’artiste décide alors de quitter Paris et de se fixer définitivement dans la région où il a pris ses habitudes depuis une dizaine d’années. Jacqueline va peu à peu devenir le modèle favori de l’artiste qui multiplie les tableaux et les dessins la représentant.
La Libération apporte à Picasso un nouveau souffle de créativité. La liberté retrouvée lui permet de reprendre sa fréquentation assidue de la Côte d’Azur qu’il avait découverte en 1920, cette fois en compagnie d’une nouvelle muse, Françoise Gilot, jeune peintre de vingt-deux ans rencontrée durant l’hiver 1943. Pendant dix ans, cette relation contribuera au renouveau créatif de l’artiste. L’environnement méditerranéen éveille alors dans son oeuvre des résonances mythologiques, et le nu féminin retrouve tous ses droits.
Avec l’acquisition en 1955 d’une villa sur les hauteurs de Cannes, La Californie, Picasso dispose du plus grand espace de vie et de création dont il ait jamais bénéficié. Peu à peu les vastes pièces vont se transformer en ateliers pour la gravure ou la peinture, les tableaux, les dessins, les céramiques, au milieu des objets collectionnés. La maison elle-même devient un motif privilégié pour l’artiste. Plus tard, c’est au grand mas de Notre-Dame de Vie à Mougins, où le couple s’installe en 1961, que naît une autre série très prolifique liée au thème de l’atelier, celle du peintre et son modèle. À Mougins, Picasso va entamer une production de peintures d’une richesse exceptionnelle au sein de laquelle Jacqueline devient un de ses sujets favoris. Ainsi, durant la seule année 1963, il fera d’elle plus de 160 portraits. Le plus souvent, il la représente assise, car il avait depuis toujours une prédilection particulière pour cette pose qui rendait possible picturalement et symboliquement des inventions sans fin. Parfois la présence d’un accessoire, un chapeau, ou un animal familier, vient apporter une note de tendresse à ces tableaux où le modèle a souvent le port altier d’une dame de la cour d’Espagne.
Parvenu à quatre-vingt dix ans, Picasso peint avec une frénésie de jeune homme et dans une urgence extrême, de grands tableaux qui semblent prendre forme sous nos yeux, en appliquant dans des débauches de couleur de larges touches de peinture. L’exubérance qui, dans toutes ses dernières toiles, s’exprime par des teintes vives et, le plus souvent, par de grands formats, témoigne de l’extraordinaire pouvoir créateur de l’artiste dans son grand âge. Il revisite alors sa galerie de personnages familiers : les toreros, les mousquetaires et les peintres inspirés par Rembrandt, en ouvrant de nouvelles voies à la peinture.
© Photographie Claude Germain
© Succession Picasso, 2017