Fécondes ruptures est le premier roman de la Rennaise Edwige Loiseaux. À travers cet ouvrage au titre un brin oxymorique, elle nous dépeint l’existence soudainement bousculée de Claire, une quinquagénaire mariée et mère de deux adolescents. Un récit percutant qui prouve que la richesse d’une existence se façonne aussi lorsque notre chemin est semé d’embûches. Un récit nourri de la vie de l’auteure…
Soyez comme l’oiseau posé pour un instant sur des rameaux trop frêles qui sent plier la branche, et qui chante pourtant, sachant qu’il a des ailes. Victor Hugo.
Claire Ferrer est contrôleuse de gestion à Paturel BTP depuis 6 ans. Elle est mariée à Paul depuis plus de 20 ans et leurs deux enfants, Manon et Hugo ont 15 et 17 ans. Une petite famille parfaite qui semble suivre paisiblement le cours de son long fleuve tranquille. Mais justement, plus le temps file, plus Claire s’essouffle de cette vie plate et monotone, quotidiennement rythmée par les mêmes mouvements.
Ses réunions à répétition démunies de sens, l’absence de son mari affairé jours et nuits à son cabinet marketing, l’amènent fréquemment à rêver à de nouveaux horizons. Simples, mais néanmoins libérateurs :
“Et merde ! Elle aimerait prendre ses cliques et ses claques, envoyer tout valdinguer pour aller marcher en forêt, écouter les oiseaux, respirer l’air frais à pleins poumons, donner de grands coups de pied dans les feuilles mortes, s’asseoir sur un muret qui se serait trouvé là juste pour elle, où elle serait restée à ne rien faire, seulement à regarder les arbres et laisser le temps passer.”
Jusque là vous me direz : qui, à l’approche du demi-siècle, n’a jamais remis en perspective le sens de son existence en songeant à une vie ensoleillée sous les cocotiers ?
Mais ce que va vivre Claire, personne n’y est vraiment préparé. À la suite d’une annonce de Paul, la protagoniste voit sa vie brusquement s’effondrer, comme si rien n’avait jamais été vérité. “Un tsunami déferle sur sa vie. En quelques secondes, il emporte toutes ses certitudes.” À partir de ce moment, les dernières lueurs d’espoir qui habitaient Claire semblent progressivement s’éteindre, une course à la perdition s’entame. “Elle touche le fond, son fond à elle, qui n’appartient à personne d’autre, l’endroit où nous sommes tout seuls, qui nous ramène à la naissance où nous découvrons le monde en criant, en pleurant parce que nous avons perdu nos repères. Mais là, personne ne la prend dans ses bras, c’est une naissance solitaire, comme une mort.”
On doit marquer les moments importants de la vie, même les ruptures.
P. 57 – Fécondes ruptures
Pourtant, même s’il lui semble que « sa vie s’était transformée en un labyrinthe et qu’il ne tenait qu’à un fil qu’elle s’y perde tout à fait », Claire s’accroche. Claire continue à vivre. Claire avance. Claire comprend. Claire rechute. Claire use de différents moyens. Claire grandit. Claire se relève. Petit à petit tout devient plus clair.
« Avec le temps, sa douleur et sa colère s’estompèrent et laissèrent la place à une forme d’acceptation. Elle s’apprivoisa, entra en apprentissage avec elle-même, avec sa solitude. Elle appris d’elle, se laissa faire parfois, pas toujours. Elle devint amie avec elle-même. Elle fit aussi des rencontres, élargit ses horizons à leur contact, sa perception et sa relation au monde évoluèrent. Elle perçut les changement en elle, avec les autres, leurs ruptures, ses ruptures, fécondes, créatrice d’autres choses inconnues pour elle jusqu’ici. Elle les accepta pleinement, irréversiblement, dans la magie des combinatoires impromptus de la vie.»
Celui qui n’appliquera pas de nouveaux remèdes doit s’attendre à de nouveaux maux ; car le temps est le plus grands des innovateurs. Francis Bacon, Essais, 1625.
Née en 1966, Edwige Loiseaux a voué l’essentiel de son activité professionnelle à accompagner la création d’entreprise en s’investissant plus particulièrement dans le soutien à l’entrepreneuriat féminin. Si l’on en croit les différents jeux de miroir qui s’opèrent à travers le roman entre la vie de l’auteure et celle de sa protagoniste, les raisons qui ont poussé Edwige à écrire son premier roman doivent être sensiblement les mêmes que celles qui amènent Claire sur les chemins de l’écriture.
“J’ai mis de moi dans cette héroïne, mais ce n’était pas mon histoire. J’ai cherché en moi et avec ce que la vie m’avait appris. […] J’avais envie de raconter un histoire de femme, sa vie. Une femme que l’existence bouscule, maltraite, qui se retrouve face à elle-même. Seule. Tout ce qu’elle pensait, tout ce qu’elle croyait stable, vole en éclats, ces ruptures la confrontent à ses choix. Elle découvre la fragilité de l’existence, la finitude. L’introspection l’amène à avoir un autre regard sur le sens de sa vie.”
p. 111-113, Fécondes ruptures
Fécondes ruptures est un roman captivant qui se lit sur plusieurs strates. L’auteure s’immisce tour à tour dans les existences des personnages abordés, en usant de mots simples mais poignants. La fluidité des phrases, souvent ponctuées d’humour et les identités attachantes qui y sont dépeintes font de ce premier roman un véritable concentré d’optimisme, tant pour l’existence humaine que pour la littérature.
En d’autres termes, Edwige Loiseaux prend de la hauteur sur les malheurs de la vie et chante à son lecteur de ne pas être effrayé d’être lui aussi un oiseau, l’oiseau de Victor Hugo. Même quand tout semble s’effondrer, ne perdez pas de vue le champ des possibles qui s’offre à vous. Vous, être humain certes encadré par votre finitude, mais doté d’une imagination inépuisable et infinie !
FÉCONDES RUPTURES
Roman
Edwige Loiseaux
Collection : Rue des écoles – Éditions L’Harmattan
LITTÉRATURE PREMIER ROMAN
DATE DE PUBLICATION : 16 SEPTEMBRE 2019
Livre papier :14 €