Le 14 août 1924, s’éteignait à Paris Fernand Legout-Gérard. Depuis quarante ans, cet ancien percepteur devenu peintre avait élu domicile à Concarneau, dont il fut l’un des artistes les plus représentatifs. Ses toiles, pleines de vie et de lumière, saisissent la Bretagne au quotidien : marchés bruissants, retours de pêche, lavandières, foires colorées. À travers son œuvre, c’est toute une époque qui respire encore, celle d’un littoral breton animé, populaire, profondément humain.

Né à Saint-Lô en 1856, il semblait destiné à une carrière tranquille dans l’administration, suivant l’exemple de son père, percepteur. Mais le goût du dessin et de la mer le rattrape. En 1889, à 33 ans, il abandonne sa charge pour embrasser la peinture. L’année suivante, il découvre la Bretagne : Quimper, Douarnenez, Pont-l’Abbé, Le Faouët… et surtout Concarneau, son port d’attache pour la vie. Là, il devient membre de la Société nationale des beaux-arts et de la Pastel Society de Londres. Son talent est reconnu : en 1900, il est nommé peintre officiel de la Marine.

En 1903, Legout-Gérard s’installe définitivement à la villa Ker Moor, sur la plage des Dames à Concarneau. En 1910, il y ajoute un vaste atelier, véritable balcon sur l’océan. Devenu breton d’adoption, il s’impose comme une figure centrale du « groupe de Concarneau », aux côtés d’Alfred Guillou, Théophile Deyrolle et Achille Granchi-Taylor. Sa maison devient un lieu de rencontres et d’échanges artistiques, un phare culturel sur le littoral finistérien.

Si ses pinceaux parcourent la Bretagne entière — de Guingamp à Paimpol, de Baud à Auray —, Concarneau reste son grand motif. Il y peint sans relâche les marchés, les silhouettes des femmes en coiffe, les enfants aux abords des foires, les pêcheurs de retour à quai. L’animation des rues, le reflet mouvant de l’eau, les remparts de la Ville-Close : rien n’échappe à son œil attentif. Carnet à la main, il capte d’un croquis l’attitude d’un marin, la coupe d’un costume, l’éclat d’une lumière. Plus qu’un peintre pittoresque, il fut un ethnographe sensible de la Bretagne vivante.

Citoyen engagé, il œuvre aussi pour sa ville d’adoption. On lui attribue l’initiative qui permit de sauver les remparts de la Ville-Close d’une démolition programmée. Président du comité de la Fête des Filets bleus en 1906, il multiplie par six les recettes de l’événement, afin de venir en aide aux familles de pêcheurs frappées par la crise sardinière. En 1910, il intervient auprès des ministères pour obtenir une subvention destinée à l’adduction d’eau potable. Officier de la Légion d’honneur en 1924, il est autant reconnu pour ses toiles que pour son action en faveur de la communauté.

Fernand Legout-Gérard meurt le 14 août 1924 à Paris, à l’âge de 70 ans. Il repose au cimetière du Père-Lachaise. L’année précédente, l’écrivain Auguste Dupouy l’avait surnommé « le Claude Lorrain de notre Cornouaille maritime ». L’hommage est juste : comme Claude Gellée au XVIIe siècle, il a su donner à la lumière et au paysage une force poétique, élevant la scène quotidienne au rang d’éternité.
