La nouvelle édition du festival Astropolis de Brest a éteint ses dernières lumières au Vauban dimanche 2 juillet 2023. House, break, drum n’bass, ambient, indus., techno, etc., se sont accouplés en des cocktails explosifs ou planants, lumineux et sombres. Alors accrochez vos ceintures, Unidivers a enfilé sa casquette de festivalier pour vous embarquer dans son sac à dos…
Samedi 1er juillet 2023, gare de Rennes, 14h25. Les derniers passagers montent à bord du train, le wagon n’est pas tout à fait rempli. Aux passagers habituels s’ajoutent des personnes en quête de souvenirs impérissables et de folies exutoires. Elles ne sont pas nombreuses, mais tous et toutes partent dans la même direction, le bois de Keroual à Brest, avec le même but, assister au grand sabbat, plus communément connu sous le nom d’Astropolis. Chaque année, le premier weekend du mois de juillet, les fidèles entreprennent un pèlerinage à destination de Brest, Terre Sainte d’une des plus belles inventions au nom ravageur, musiques électroniques. L’événement réputé nationalement a débuté avec l’Astrokids place de la Liberté mercredi 28 juin 2023.
Les bâtons de marche sont cependant laissés au placard au profit de ce que l’on appelle les Trains Express Régionaux, ou TER, une invention moderne qui permet aux jambes de bien se reposer avant la grande messe nocturne qui les attend. Le Soleil est absent du programme, mais la bonne humeur, elle, est bien présente…
17h00, arrivée en gare de Brest avec le soleil. Premier arrêt : le Vauban, traditionnel point d’accueil du festival qui accueille en son sein l’habituel plateau de Radio Campus dont les animateurs interrogent, dont une partie est composée de l’équipe rennaise de l’émission de musiques électroniques Electrolab sur C-Lab, des artistes. On arrive au moment où la Dj Lee.Loo est aux platines aux côtés de Bside. Après des samples vaporeux, le son glisse dans un univers techhouse. Puis, pendant quelques minutes, une envolée lyrique avant que ne débute le set de la Rennaise Galère Sucrée qui offre un univers break travaillé au public. Les têtes dodelinent, les jambes remuent, les corps se mettent doucement en mouvement.
Astropolis, c’est un public aux profils différents, de tout âge, composé de passionnés de musique. Certains viennent pour la découverte, n’ont pas regardé la programmation et se laisseront surprendre. D’autres ont une petite liste en tête. « J’aimerais voir le live d’Aval Douar, c’est un peu une déclaration d’amour à la Bretagne. Il y aussi Elisa Do Brasil en closing et Aeven au Dôme », a déclaré Charles, un habitué du festival. « Ce que j’aimerais ne pas manquer ? Helena Hauff et Daniel Avery en closing. Sinon, je vais passer pas mal de temps à la Mekanik, beaucoup de hardcore mais il y a des noms qui me parlent », confie quant à elle Nath.
18h19. Beaucoup de fidèles ont répondu à l’appel de Beau Rivage. Les dernières minutes vibrations de la prière musicale de Le Saint résonnent avant que la Dj et productrice belge Azo ne clôture ce bel après-midi. Qu’ils soient debouts ou assis, les disciplines l’écoutent prêcher son sermon musical composé de sonorités house, techno, electro, acid, trance, breakbeat.
22h42. La navette dépose à l’entrée du site. Puis, le sentier de terre ouvre la voie et mène à l’endroit tant désiré : le manoir de Keroual, temple de la rave qui tend les bras et n’attend que son public pour commencer à vivre. À l’orée des bois qui nous encadrent, le soleil se couche, mais Astropolis, lui, se réveille en douceur. Dans quelques minutes, peut-être quelques heures, le site sera le “théâtre d’une grande liesse collective”, comme l’annonce lui-même le festival. Le public est accueilli par une ambiance agréablement foraine avec la grande roue d’un côté et les auto-tamponneuses de l’autre. Les lumières ne sont pas encore toutes allumées mais ça ne saurait tarder…
23h07, Mekanik. Namscha, lauréate rennaise du tremplin Astropolis, a ouvert la scène habituellement programmée par le vénérable Manu Le Malin. Mais cette année, pour les 20 ans du label PRSPCT, une institution internationale du hardcore, le patron de ladite scène a confié les clés du chapiteau au label néerlandais pour une soirée d’anniversaire mémorable.
Sur ce chapiteau reconnu de la scène hardcore, Namscha y distille un live organique, voyage au pays de l’onirisme et de l’étrange. Dans un entrelac d’ambient, d’expérimental et d’indus, la Dj propose un univers singulier nourri de références chamaniques et empreint de sa sensibilité pour la nature.
23h26, Dôme. Le live d’Aval Douar a débuté il y a quelques minutes. Influencé par la musique club, la bass music, mais aussi par l’ambient et l’IDM, sa musique embarque le public dans un pas de danse régulier, transporté par des projections géométriques lumineuses qui se superposent.
23h53. Un feu d’artifices jaillit dans la nuit. Les corps s’arrêtent, les yeux se lèvent au ciel. Instants magiques, suspendus dans la nuit agitée du bois de Keroual avant de repartir à la recherche d’une musique qui fera frétiller les oreilles. « Beaucoup d’artistes intègrent des sons breakés sans qu’il y ait forcément une logique avec l’ensemble du set ou du live, c’est dommage », regrette une festivalière au sujet de cette tendance du moment que l’on constate chez les Dj’s à ajouter des sonorités break.
00h13, Astrofloor. La masse de fidèles se densifie quand on arrive devant live AV de Blutch, une valeur sûre venue de Rennes. Repéré au tremplin d’Astropolis en 2014, le Finistérien de naissance offre sa Terre Promise, opus sorti en janvier 2022, au public.
Déclaration d’amour à la Bretagne, région où est né son EP, qui l’a vu grandir et s’épanouir en tant que Dj, l’EP s’écoute aussi comme une éloge à toutes les musiques électroniques qu’il aime – electronica, house, breakbeat et IDM -. Maîtrisant ses machines à demi-dissimulé derrière un rideau, Blutch accompagne son live d’un travail audio visuel coloré du motion designer Romain Navier. Images 3D et photos de la baie de Morlaix fusionnent poétiquement en des paysages abstraits oniriques et subliment la musique de Terre Promise pour une immersion dans son univers. « J’ai trouvé ça très poétique, j’ai adoré le mapping qui se projette sur un rideau et qui donne un effet de profondeur, de flottement. Je trouve que ça complétait bien son univers. Et ça ajoutait à l’expérience », s’enthousiasme Victoire. Le titre de son EP résonne particulièrement bien cette nuit, dans ces bois, sur la terre promise des musiques électroniques…
3h, Astrofloor. L’heure est à Boys Noize, ponte des musiques électroniques depuis les années 2000. A certains moments, les mots ne sont plus utiles. Ce sont les corps qui expriment l’énergie et la vivacité d’un son qui transporte.
5h12, Mekanik. C’est un des moments les plus attendus. Une grande partie du public lui voue un culte. Avant de commencer, Manu le Malin exprime quelques mots en hommage à Matthieu Guerre-Berthelot, fondateur du festival Astropolis avec Gildas Rioualen, disparu en mars 2023. Sous les applaudissements et les cris d’hommage, le Dj lance un set dont il a le secret. Ce soir, il est accompagné de Thrasher, Gareth de Wilk de son vrai nom et fondateur du label PRSPCT. Un son puissamment sombre, violent et incisif résonne sous le chapiteau, mais qu’on ne s’y trompe pas, ce sont bien avec un sourire aux lèvres que les fidèles entament énergiquement leur danse rituelle. Tous sont en adoration devant les deux monuments de la scène hardcore, le premier en France, le second aux Pays-Bas. Et pas sans raison !
6h33. Entre Elisa do Brasil à la Mekanik, Daniel Avery b2b Helena Hauff à l’Astrofloor et Haai à la Cour, le choix s’est porté sur cette dernière. C’est en compagnie de l’Australienne que nous terminerons le festival. Le son accompagne le lever du soleil dans la Cour avec majesté. Et en arrière plan, le Manoir de Keroual, « le château de Blanche-Neige sous acide », comme le souligne dans la vidéo Sous le donjon de Manu Le Malin… Une fin de nuit en musique où l’aube s’invite avec douceur, malgré les fines gouttes de pluie qui commencent à tomber.
Astropolis a encore une fois tenu ses promesses. Les yeux pleins d’étoiles, le public revient à la réalité avec une même question sur le bout des lèvres : « C’est déjà fini ? » Et oui, la messe est terminée, jusqu’à l’année prochaine…
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