Le Festival de Lorient et la Galice ? Déjà une longue histoire amoureuse. Mais dans des cultures riches et ouvertes, l’occasion est toujours offerte de se réjouir des rencontres originales et enrichissantes. Loin des événements « majeurs » et des énormes scènes, allons donc fureter en coulisse et nous désaltérer d’amitiés culturelles nouvelles…
Le plus grand salon professionnel des musiques du monde se tient cette année à Saint-Jacques de Compostelle, capitale de la Galice. Pourquoi aller si loin et attendre l’automne ? Lorient remplit bien son rôle de carrefour des pays celtes, ce qui rassemble déjà une belle brochette de cultures et de styles de musique des cinq continents. C’est donc là qu’Unidivers a joué les touristes au stand de Galice pour partager les coulisses du Festival Interceltique, aussi intéressantes que méconnues comme certaines conversations anonymes qui se perdent dans le brouhaha de la foule.
Nous sommes sur le Quai de la Bretagne. Un artiste galicien inscrit sur un tableau l’heure de passage de son groupe : Pan de Capazo. Dans l’ambiance estivale du port de plaisance, nous profitons du calme avant le concert pour faire connaissance avec Manolo. Professeur de musique en vacance avec sa femme et leurs deux petites filles, il aime particulièrement la Bretagne et le Festival Interceltique, même s’il regrette que l’ambiance a priori familiale et conviviale ne soit pas assez adaptée à un séjour prolongé avec des enfants.
Passionné de chant et de musique traditionnelle, Manolo nous explique en anglais ce qu’est la regueifa, une tradition héritée du Moyen-Age qu’ont en commun presque tous les peuples d’Europe, sous des noms divers, même si la pratique de cette joute chantée s’est perdue. En Galice, cette pratique reprend racine grâce à un travail de collectage et de transmission, mais surtout grâce à l’engouement que l’exercice de style suscite chez les jeunes qui ont leur propre vision de la joute contemporaine, versus whatsapp, mais toujours en galicien.
Il faut attendre encore avant de crier au succès de ce renouveau inattendu, mais le gouvernement de la communauté autonome de Galice pourrait bien inscrire d’ici 2017 la regueifa au programme des écoles publiques.
Au milieu de la conversation, nous assistons aux retrouvailles entre Manolo et l’une de ses anciennes élèves, devenue à son tour professeur de musique. Eva n’est pas là en touriste, elle fait partie de la délégation galicienne en tant que volontaire et ses journées sont bien chargées. Mais elle est tout sourire, le temps de la fatigue viendra plus tard.
Sur scène, les cinq musiciens de Pan de Capazo lancent leurs premières notes. Il devient vite difficile de poursuivre l’échange avec Manolo, mais l’essentiel est passé. Dès le lendemain, Manolo nous arrange une autre rencontre improvisée.
Nous retournons donc au festival, même heure, même décor, même lieu de rendez-vous, pour interviewer Lydia, une jeune artiste déjà habituée aux grandes scènes, professeur de musique elle aussi. Contrairement à Manolo et à Pan de Capazo qui sont des récidivistes du Festival Interceltique, Lydia découvre. Elle ne fait que passer entre deux concerts à Locmariaquer et Sarzeau. Depuis le temps qu’elle entend parler de Lorient dans un des festivals les plus sympas de Galice, Ortigueira, c’était l’occasion à ne pas manquer.
C’est chouette de retrouver ma culture ici et de découvrir celle d’autres pays celtiques, les drapeaux, les danses, tout ça, c’est d’abord une immense joie de vivre très contagieuse. Je vois des cornemuses partout, peut-être que je vais revenir avec une cornemuse l’année prochaine (rire). Et puis c’est la première fois que je vois des gens danser des rondes bretonnes sur des airs punks.
Espiègle, vive et engagée, Lydia a déjà un beau parcours artistique international et de belles coopérations à son actif, notamment avec Gambeat (Jean Michel Dercourt), le bassiste de Manu Chao. Quand elle n’est pas sur scène pour déchaîner son énergie incroyable avec les musiciens qu’elle a recrutés pour son projet Bolboreta en allant les chercher à Barcelone, au Portugal ou en Normandie, Lydia écume les vagues en Australie, à Cuba, en Italie, bref partout où sa vie d’artiste nomade lui permet de surfer. Et la Bretagne, c’est vraiment sympa pour ça aussi.
Bolboreta veut dire « papillon » en galicien. Tout un symbole pour une artiste qui souhaite partager sa vision de la vie et du changement, comme autant de métamorphoses qui invitent à plus de clairvoyance, de tolérance et d’humilité.
Lydia crée son propre groupe en 2013, son premier EP sort en 2015 et une première tournée en France accompagne cette étape-clé. La jeune femme espère que l’engouement du public pour sa musique lui permettra de continuer à voyager un peu partout et à produire ses futurs albums. Multi-instrumentiste, Lydia se nourrit de ses longues années de conservatoire et d’une tradition familiale pour composer ses morceaux sur des rythmes volontairement métissés pour mettre en avant des textes et une philosophie de la vie en prise avec les réalités du monde contemporain.
Impliquée sur des projets collectifs comme Rockola, Lydia est aussi sollicitée pour assurer les premières parties de son groupe préféré, Gogol Bordello, ou comme cet été par Manu Chao lui-même, mais Lydia avait déjà dit oui à une deuxième tournée bretonne, alors ce n’est que partie remise.
Le métier d’artiste implique parfois des arbitrages pas toujours faciles entre plusieurs routes, comme l’opportunité qui se présente aujourd’hui pour Lydia de choisir de s’installer à Biarritz pour enseigner dans une école de musique Rock. Avec son tempérament trempé, sa lucidité et sa joie de vivre, Lydia s’est faire en sorte que tous ces chemins soient d’abord la raison d’être d’un voyage encore plus passionnant. Elle me lance dans un sourire avant de nous séparer : le chemin, c’est tout droit !
Bolboreta : le 12 août à la Boussole à Vannes et le 13 août à l’ile d’Arz.