Fibre optique. Pourquoi Rennes Métropole confie l’exploitation de son réseau à Orange… tout en gardant la main sur l’essentiel

183
orange concessions

Le 18 décembre 2025, Rennes Métropole a validé un choix structurant pour son avenir numérique qui consiste à confier l’exploitation et la commercialisation de son réseau métropolitain de fibres optiques à Orange Concessions, dans le cadre d’une Délégation de service public (DSP) de sept ans.

Une décision technique en apparence, mais aux implications bien plus larges, qui dit beaucoup de la manière dont la Métropole entend piloter ses infrastructures numériques à l’heure de la fin du cuivre, de la montée en puissance de la fibre professionnelle et des nouveaux usages connectés.

Contrairement à la fibre grand public, le réseau concerné ne dessert pas directement les particuliers. Il s’agit d’un réseau d’infrastructures “de gros”, destiné aux entreprises, aux communes, aux administrations et aux opérateurs télécoms. Initié en 2007, ce réseau relie l’ensemble des zones d’activités de la métropole et accompagne aujourd’hui près de 800 entreprises, ainsi que plusieurs sites publics.

Ce type de réseau est un outil d’aménagement du territoire : il conditionne l’attractivité économique, la qualité des services publics, la capacité des collectivités à déployer des outils numériques sécurisés, ou encore l’accueil d’activités innovantes.

Pourquoi changer d’exploitant aujourd’hui ?

La Métropole a fait le choix de résilier par anticipation l’ancienne DSP, jusque-là confiée à Rennes Métropole Télécom, pour ouvrir une nouvelle séquence. En toile de fond :

  • la fermeture progressive du réseau cuivre, qui oblige entreprises et collectivités à basculer vers des solutions fibre plus robustes ;
  • des besoins en forte évolution, allant bien au-delà du simple accès internet (sécurisation des réseaux, interconnexion de sites, vidéoprotection, objets connectés, réseaux mobiles privés, etc.) ;
  • la volonté de redynamiser la commercialisation du réseau et d’en moderniser l’offre.

Orange Concessions, opérateur spécialisé dans les Réseaux d’Initiative Publique (RIP), a été retenu pour assurer l’exploitation, l’évolution et la commercialisation du réseau à partir du 1er juillet 2026.

Ce que la DSP avec Orange peut apporter

Le choix d’un acteur industriel de cette envergure présente plusieurs avantages concrets.

D’abord, une capacité de déploiement et de prospection renforcée. Orange Concessions opère déjà des réseaux similaires dans plus de 30 départements. Cette expérience peut permettre de mieux faire connaître le réseau métropolitain, notamment auprès des communes et des entreprises qui n’en utilisaient pas encore toutes les possibilités.

Ensuite, une modernisation du catalogue de services. La nouvelle DSP prévoit des offres mieux adaptées aux besoins professionnels, avec des tarifs révisés, une baisse annoncée sur certaines offres activées, et l’intégration de nouveaux services : Internet des objets, 5G privée, réseaux multiservices, mobile indoor ou encore solutions de vidéoprotection.

Enfin, un cadre contractuel plus exigeant, négocié par la Métropole, avec des engagements de service, de qualité et de transparence présentés comme compatibles avec la stratégie de “numérique responsable” adoptée en 2022.

Le point clé, la Métropole garde la main sur le génie civil

Mais l’aspect le plus structurant – et le plus politique – de cette décision se situe ailleurs : Rennes Métropole a choisi de conserver en régie la gestion des infrastructures de génie civil.

Concrètement, cela signifie que les fourreaux, chambres, tranchées et ouvrages physiques qui permettent le passage de la fibre restent gérés directement par les services métropolitains, et non par le délégataire.

Ce choix présente plusieurs avantages majeurs.

Il permet d’abord de préserver une véritable souveraineté publique sur un patrimoine stratégique. La fibre ne se résume pas aux câbles : celui qui maîtrise les accès physiques, les travaux et les arbitrages d’occupation du sol conserve un levier décisif.

Il garantit ensuite une meilleure neutralité du réseau. En gardant la main sur le génie civil, la Métropole limite le risque qu’un opérateur – même indirectement – contrôle l’accès à l’infrastructure au détriment d’autres acteurs.

Il facilite aussi la réversibilité future. À l’issue de la DSP, ou en cas d’évolution de la stratégie, la collectivité disposera d’une connaissance fine de son patrimoine et pourra plus aisément changer d’exploitant ou ajuster son mode de gestion.

Enfin, ce retour partiel en régie s’inscrit dans une logique de service public renforcé, où l’exploitation peut être déléguée, mais où les actifs structurants restent pleinement publics.

Un équilibre à surveiller dans le temps

Ce nouveau modèle repose donc sur un équilibre délicat : confier l’animation, la commercialisation et l’innovation à un opérateur industriel, tout en conservant les leviers structurants au sein de la collectivité.

Comme toute DSP, il appelle une vigilance continue : sur la neutralité réelle du réseau, sur la clarté des tarifs de gros, sur la qualité de la transition entre anciens et nouveaux exploitants, et sur la capacité de la Métropole à piloter son délégataire sur la durée.

Mais en choisissant de séparer exploitation et maîtrise des infrastructures, Rennes Métropole esquisse une voie intermédiaire entre délégation totale et régie intégrale. Une approche pragmatique, qui cherche à conjuguer efficacité opérationnelle et contrôle public, dans un domaine devenu aussi essentiel que l’eau, l’énergie… ou les transports.

À l’heure où le numérique structure de plus en plus nos vies économiques et collectives, ce type de choix mérite sans doute d’être regardé autrement que comme un simple dossier technique.

Gaspard Louvrier
Gaspard Louvrier explore les frontières mouvantes de la recherche, des technologies émergentes et des grandes avancées du savoir contemporain. Spécialiste en histoire des sciences, il décrypte avec rigueur et clarté les enjeux scientifiques qui traversent notre époque, des laboratoires aux débats publics.