Le cinéma militant et le réalisme social humoristiques ne sont pas l’apanage des Anglais ! Avec son nouveau film Discount Louis-Julien Petit s’y essaie avec bonheur. Au menu de cette comédie : gaspillage alimentaire et… humain.
Pour la petite histoire, Discount a eu bien du mal à trouver son financement. Il a dû faire appel avec succès au financement participatif. Cette « solidarité » est justement la pierre angulaire de cette œuvre. Le spectateur est invité à plonger dans la vie d’un supermarché « discount » à l’image d’un Lidl, Aldi, Dia, etc. Le récit se concentre sur une petite bande d’employés qui va résister à l’arrivée des caisses automatiques, lesquels condamnent leur emploi dans une course effrénée à la rentabilité. Le scénario compile en pratique plusieurs faits-divers et pratiques qui touchent le monde de la grande distribution : gâchis des aliments jetés et javellisés, bons de réduction récupérés, etc. Le réalisateur filme cette réalité contradictoire et en manque d’air perpétuel comme une machine infernale où chaque rouage est piégé dans son rôle : de la caissière à la gérante du magasin en passant par les chargés de la sécurité. Nous sommes loin de Chaplin et de ses Temps modernes – pourtant le parallèle est possible.
La première réussite du film Discount de Louis-Julien Petit découle du casting. Des comédiens à juste raison de plus en plus connus : Pascal Demolon (Fait-pas ci, Fait pas ça, VDM et quelques séries…), M’Barek Belkouk (La Marche), Sarah Suco, Corinne Masiero (Louise Wimmer, La Marche, Fait-pas ci, Fait pas ça, et autres téléfilms …) et Olivier Barthelemy. Zabou Breitman tient l’affiche. Ils interprètent tous à merveille une galerie de personnages attachants, mais non dénués de défauts. Le scénario tente d’éviter les poncifs et les clichés avec parfois de petites incohérences vite pardonnées. L’autre intelligence de Discount est de montrer le champ et le contrechamp, de montrer la partie visible du magasin, sa vie, et la vie réelle de ses personnages, jusqu’à la gérante piégée elle-même dans une vie qu’elle n’a pas choisie.
Le film Discount est fort, riche en scènes-chocs qui devraient conduire le spectateur à s’interroger à la fois sur le recours à la grande distribution, à cette course aveugle à la rentabilité et à la dimension de l’épanouissement humain dans le monde du travail. Car si ce Discount est un concentré du « pire », il y a en fait encore pire à certains étages de notre société. Petite remarque : Discount oublie d’insister sur la culture de « l’indicateur » – ces chiffres hebdomadaires, quotidiens, qui servent à tout réfléchir, à tout diriger, à passer par-dessus les rouages essentiels de cette machine que sont les hommes et les femmes. C’est là d’autres films sociaux viennent en tête, en premier lieu le chef d’œuvre de Chaplin. Louis-Julien Petit ne pouvait se frotter au maître et préfère l’angle de la fiction avec une grosse part de documentaire. Il le fait avec humour souvent, sensibilité toujours.
Mais alors, Discount est-il un « film de gauche », comme un Michael Moore ? Non, il est simplement humain, terriblement réel. Preuve en est la campagne actuelle d’un élu UMP de Courbevoie, Arash Derambarsh, pour en finir par voie législative sur ce gaspillage alimentaire. Le sujet du film est au cœur de nos vies de tous les jours. Lorsqu’on croise dans un supermarché un employé en train de remplir des caisses pour le Drive, pense-t-on à tout ce qu’il y a derrière, à cette sélection des légumes et fruits les plus esthétiques, à ces agriculteurs et maraichers obligés de se plier aux diktats en place ? C’est tout un système solidement ancré maintenant qui est dé-montré ici. Nous tairons la conclusion du film que nous vous invitons à découvrir. Et en ces moments difficiles, le mot #Solidarité paraît si loin…