Le Festival de Cannes 2025 a trouvé son moment de grâce, son instant suspendu, sa grande secousse émotionnelle : Valeur sentimentale, le nouveau film du cinéaste norvégien Joachim Trier, a littéralement enflammé le Grand Théâtre Lumière. Plus qu’une ovation : une standing ovation interminable, vibrante, unanime, comme le festival n’en avait pas encore vu cette année. Sur les visages, des larmes, des sourires, et une émotion rare – celle que provoque le grand cinéma quand il touche juste et profond.
Le retour d’un duo magnétique : Trier et Reinsve
Quatre ans après le succès mondial de Julie (en 12 chapitres), Prix d’interprétation féminine en 2021 pour la magnétique Renate Reinsve, Trier revient là où son cinéma prend tout son sens : sur la Croisette. Et il ne revient pas seul. Reinsve est à nouveau au cœur du récit, dans un rôle taillé pour elle, celui de Nora, l’aînée d’une fratrie confrontée à la vente de la maison familiale, dernier vestige d’un passé éclaté.
Entre souvenirs enfouis, silences pesants et blessures encore à vif, Trier construit une œuvre d’une sensibilité déchirante, où chaque plan semble chargé de mémoire, chaque regard, d’histoire. Et comme toujours chez lui, l’émotion n’est jamais forcée : elle surgit, discrète puis torrentielle, en dialogue constant avec l’intime.
Une mise en scène au cordeau, une émotion sans fard
Valeur sentimentale n’est pas seulement un drame familial – c’est une méditation élégiaque sur ce que nous laissons derrière nous, sur ce qui nous fonde. Le film oscille entre passé et présent, entre souvenirs filmés en Super 8 et scènes contemporaines baignées dans une lumière crépusculaire, signée Jakob Ihre, fidèle chef opérateur de Trier.
La musique, discrète mais entêtante, porte les silences avec autant d’éloquence que les dialogues. Le montage, d’une fluidité absolue, fait naître une tension continue, jamais spectaculaire mais toujours chargée de sens.
Une Palme en vue ?
Spectateurs et critiques sont quasi unanimes : Valeur sentimentale est, à ce stade du Festival de Cannes 2025, le grand favori pour la Palme d’Or. Le film réunit tous les ingrédients d’un chef-d’œuvre cannois : une direction d’acteurs virtuose, un scénario délicat et profond, une mise en scène d’une élégance rare, et surtout, un écho universel. Qui n’a pas un jour mesuré le poids des souvenirs ? Qui n’a pas ressenti cette déchirure entre fidélité aux lieux et nécessité d’avancer ?
Joachim Trier signe ici peut-être son film le plus personnel, le plus abouti, et le plus bouleversant. À la sortie de la projection, nombreux étaient ceux à évoquer Tokyo Story d’Ozu, ou Les Plages d’Agnès – ces œuvres qui savent que la mémoire est aussi un territoire à habiter.
Une œuvre qui restera
Au-delà de la frénésie du festival, Valeur sentimentale est de ces films qui s’inscrivent durablement dans les esprits. Il bouleverse sans manipuler, émeut sans jamais céder au pathos, et confirme une chose : Joachim Trier est l’un des grands poètes du cinéma contemporain.
À Cannes, il a frappé un grand coup. Et le monde du cinéma, bouleversé, lui dit merci.
À voir absolument quand il sortira en salle. Préparez vos mouchoirs, et… vos souvenirs.