Avec le film Victoria Justine Triet célèbre les victoires d’une femme

Dans ce nouveau film, Victoria Justine Triet quitte la rue de Solférino (son précédent film) pour nous emmener dans les méandres de la vie d’une avocate (à peine) quadra, magistralement interprétée par Virginie Efira.

 

victoria Le film Victoria commence avec deux gamines en petite culotte, affalées devant la télé. Ces premières images font craindre le genre enfants-livrés-à-eux-mêmes. Pour déterminante que soit leur place, elle n’est pas centrale dans le film – ouf ! La caméra élargit le champ et on découvre un appart  hyper bordélique. À tel point que le baby-sitter annonce tout de go à la mère, retour de boulot avec les dossiers sous le bras, qu’il ne supporte plus de travailler dans ce capharnaüm ! « Alors, casse-toi », lui dit en substance Victoria.

S’ensuit un habillage-déshabillage, car l’avocate part à un mariage et hésite évidemment entre la petite-robe-noire et la dorée… qui lui va fort bien d’ailleurs. Et cet idiot de voisin de table qui ne la remarque pas, et l’assomme avec des considérations politico-économiques ! Heureusement, il y a Vincent (Melvil Poupaud) qui s’empare du micro et livre avec son amoureuse, la rousse incendiaire Alice Daque, une version torride de Susanna (la chanson de Carli Bogman et Ferdi Lancee). victoriaVictoria retrouve aussi Samuel, un ex-dealer qu’elle a tiré d’affaire. Son rôle à lui sera capital. Coup de théâtre : la rousse pousse un hurlement. Normal : elle a un couteau dans le ventre ! Se l’est-elle infligé elle-même comme le prétend Vincent, accusé de l’agression ? Celui-ci supplie Victoria de le défendre. Elle refuse tout d’abord, mais finit par accepter. Erreur. Mais il faut bien un ressort à la comédie.

Dans celle-ci, Justine Triet parle de manière gracieuse de ses obsessions : « la difficulté des relations hommes/femmes, la solitude, les enfants, la justice, l’argent, le sexe ». Et des chiens ?  « En effet, je crois que je compense avec le cinéma pour en avoir, car j’adore les animaux, mais mon compagnon n’en veut pas ». D’où ces scènes désopilantes avec un chien et un singe amenés à témoigner au procès.

victoria_film_justien-triet (6)Dans le film Victoria, Justine Triet a fait « le portrait d’une femme qu’on découvre progressivement, par différentes strates. Les personnages se chargent graduellement comme dans La Bataille de Solférino ». Victoria essaie de combler son vide affectif et sexuel avec tout ce que la société actuelle propose : psy, sites de rencontres et même voyante (inénarrable Elsa Wolliaston !). Son ex, lui, essaie autre chose : le blog. Cet écrivain raté va enfin pouvoir exister en publiant de façon à peine modifiés les cas plaidés par sa compagne. Encore une bataille à mener ! Virginie Efira a apporté son immense talent et sa subtilité de jeu pour incarner cette héroïne intelligente, mais incapable de comprendre que la « drogue » évoquée par la voyante désigne le Lexomil et autres médocs qu’elle avale à la louche.

Elle a aimé interpréter dans ce film Victoria « l’errance d’une femme complexe prise dans une spirale émotionnelle que sa situation professionnelle fait imploser ». victoriaLa victoire sur les événements, sur elle-même, arrivera par l’inattendu Samuel (impeccable Vincent Lacoste). Victoire donc… d’où, Victoria ! Le titre a déjà été pris en 2015 par le cinéaste Sebastian Schipper. « Oui, je sais, rétorque Justine Triet, mais je tenais à ce prénom qui incarne l’idée de renaissance ». Et Spick (nom de famille de l’héroïne), c’est parce que c’est la reine de la rhétorique ? « Même pas. Le hasard » hasarde-t-elle. Virginie Efira a une autre explication : « Justine laisse une grande part à son inconscient ».

Visiblement, la trentenaire a du tempérament et sait imposer ses choix. Nourris par une grande culture. En matière de littérature, sa référence est Sylvia Plath, poétesse américaine, figure emblématique du féminisme. Dans le septième art, elle cite Howard Hawks, Billy Wilder, Blake Edwards, mais aussi Sacha Guitry qui l’a beaucoup inspirée pour ce film Victoria.

Et puis Woody Allen, évidemment. Il y a aussi les films de James L. Brooks que j’adore. Mon goût pour la comédie s’est développé avec le temps. Comme ma passion pour certaines séries comiques telles que Silicon Valley. Ou quelque chose de moins avouable comme la sitcom Mom.

Et de citer encore Madmen dont elle aime l’opacité des caractères masculins et la volonté de donner cette même dimension aux rôles féminins. Comment cette diplômée des beaux-arts est-elle arrivée au cinéma ? « L’enseignement des beaux-arts, ce n’est plus que peinture et sculpture, rigole Justine Triet. Moi j’ai suivi l’option multimédia où j’ai appris à produire des vidéos. Ensuite, j’ai fait des documentaires expérimentaux ». La victoire en filmant.

Film Victoria, Justine Triet, sortie nationale le 14 septembre 2016, 1h35

Réalisation : Justine Triet
Scénario : Justine Triet
Image : Simon Beaufils
Son : Julien Sicart, Olivier Touche, Simon Apostolou
Décors : Olivier Meidinger
Montage : Laurent Sénéchal
Production : Ecce Films / Emmanuel Chaumet
Co-production : France 2 Cinéma, et CNC, Canal+, Ciné+, France Télévisions
Distribution : Le Pacte
Pays d’origine : France

Distribution
Virginie Efira : Victoria
Vincent Lacoste : Sam
Melvil Poupaud : Vincent
Laurent Poitrenaux : David
Laure Calamy : Christelle
Alice Daquet : Ève
Arthur Mazet : le baby-sitter

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Marie-Christine Biet
Architecte de formation, Marie-Christine Biet a fait le tour du monde avant de revenir à Rennes où elle a travaillé à la radio, presse écrite et télé. Elle se consacre actuellement à l'écriture (presse et édition), à l'enseignement (culture générale à l'ESRA, journalisme à Rennes 2) et au conseil artistique. Elle a été présidente du Club de la Presse de Rennes.

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