Le foie gras est-il un passage obligé pour les fêtes de Noël ? Au regard de la tradition gastronomique française, oui. Pour autant, il peut être utile de souligner en gras quelques réalités qui se cachent derrière cet acte de foi.
La production du foie gras connait trois origines géographiques avérées : les empires égyptien, romain et chinois av. J.-C. La pratique s’est répandue dans l’Europe du Sud et l’Europe centrale durant le premier millénaire. Aujourd’hui, les pays producteurs sont – officiellement et avant tout – la France (20 000 tonnes produites), la Hongrie et la Bulgarie (2500 tonnes chacun).
Comme les oies et canards accumulent un peu de graisse avant d’entreprendre leur migration afin d’avoir une réserve énergétique, l’homme a conçu d’exploiter cette particularité à son profit. Le principe est constant : gaver un canard ou oie pour que son foie engraisse. L’opération intervient entre les âges de 9 et 25 semaines et sa durée s’échelonne entre 2 à 4 semaines. Le foie qui pèse initialement environ 80 g atteint au final un poids compris entre 600 à 1000g. Les Égyptiens utilisaient du grain rôti, les Romains des figues, mais la pratique a largement évolué.
Si la technique est passée de l’artisanat à l’industrie, elle présente de fortes disparités qualitatives. Hier, c’est avec l’entonnoir manuel à bâton (voir le visuel) que le producteur enfonçait un long tube métallique dans le coup de l’animal et tassait le maïs pour que l’aliment soit ingéré de force. Depuis les années 1930, les gavages sont semi-automatiques avec une manivelle et une vis sans fin. Aujourd’hui, il n’y a plus de manivelle et le gavage est tout électrique.
Ne croyez pas pour autant que, dans sa version industrielle, monsieur le canard et madame l’oie s’égaient dans leur pré ou en leur basse-cour en attendant gentiment que le producteur leur coure après quelques fois par jour. Canards et oies sont enfermés dans de petites cages avec pour seule liberté : sortir la tête et le cou pour… faciliter le gavage. Les animaux auront eu droit à un peu d’herbe au mieux que dans les premiers mois de leur existence afin de préparer leur foie à résister aux traitements ultérieurs.
Si de petits producteurs artisanaux ménagent une plus grande attention à l’animal, la plupart des foies gras achetés en supermarché n’ont pas connu cette chance. En plus d’une pratique de gavage que d’aucuns trouveront barbare, stress, promiscuité et blessures sont le lot commun qui mène à la production de ces petites boites dorées ou argentées.
Pire, quelques accrocs à la rentabilité à tous crins ont vite calculé le ratio entre pertes d’animaux en production et gain généré par un gavage à la pompe en 3 secondes. Qu’en est-il du stress ? Il est possible – comme pour d’autres viandes – d’administrer des médicaments aux animaux pour atténuer le stress et les blessures et cela en toute légalité. Mais les traces de ces derniers se retrouvent dans le produit final. D’autres « coupent » le foie gras avec d’autres substances moins onéreuses et comestibles afin d’être moins chers que le voisin sans que le consommateur se doute du subterfuge.
Excepté le foie gras entier cru ou cuit, la traçabilité complète et la provenance de ce que vous avez dans la boite ne sont pas toujours assurées. Rares sont celles qui ont l’honnêteté d’indiquer qu’il s’agit de morceaux de différents foies. Il existe bien un label : IGP, Indication Géographique Protégée. Il garantit uniquement que le produit est fabriqué dans le sud-ouest de la France. IGP ne porte ni sur les conditions de traitement de l’animal ni sur l’utilisation ou non des médicaments et autres produits susceptibles d’augmenter la taille du foie. Mieux, ce label reste vague quant à « la production et/ou la transformation et/ou l’élaboration ont lieu dans l’aire géographique délimitée ». Qu’est-ce à dire ? Que le label IGP peut être brandi quand seule la transformation a eu lieu dans la région. Résultat : un producteur a toute liberté d’associer des morceaux de foie d’origine étrangère, les transformer et élaborer un bloc de foie reconstitué. N’est-ce pas un peu se moquer du consommateur ?
Devant ces différentes réalités problématiques, entre souffrance et carence de traçabilité, la production a tout simplement été interdite en Autriche et en Israël, anciennement forts consommateurs. Au total, ce sont 13 pays européens qui prohibent cette pratique. Dès lors, on comprend que l’économie française du foie gras connaisse depuis plusieurs années une chute de ses ventes. Selon un sondage de l’association du PETA, 44% des Français seraient favorables à l’interdiction du gavage des oies et des canards dans la production de foie gras. Et de nouveaux pays s’apprêtent à le boycotter. Quelle solution ?
Déjà, pour ceux qui sont accrocs à un goût riche et suave, sachez que l’association belge Gaia propose un produit ressemblant à s’y méprendre à un foie gras bien assaisonné. Il est disponible par correspondance sur quelques sites dont UnMondeVegan ainsi que dans des Carrefour et Lidl d’outre-Quiévrain.
Crédit photo : L214