La Folie Océan de Vincent Message où la Bretagne devient le théâtre d’un combat planétaire

826
vincent message folie ocean

Vincent Message aime brouiller les frontières. Dans La Folie Océan (Seuil, août 2025), il ne se contente pas de raconter une histoire, il invente un espace où la fiction romanesque, le thriller et l’essai écologique se répondent.

Le décor ? La Côte de Granit Rose, ses chaos rocheux battus par les vagues, ses oiseaux marins et ses eaux aux transparences trompeuses. Le thème ? Rien de moins que l’avenir de nos océans, entre fascination, amour et menaces.

Au centre, il y a Maya, chercheuse au CNRS, biologiste du plancton. Elle vit entre deux hommes : Bruno, la soixantaine, collègue rassurant et complice, et Quentin, jeune plongeur trentenaire, passionné et rebelle. Le roman ose le pari d’un polyamour assumé, sans jalousies feintes ni hypocrisies bourgeoises. « La vie était mal faite. Au fond, c’était pour cela qu’elle avait renoncé à l’exclusivité, pour rendre justice à l’existence d’hommes si dissemblables » .

Cette audace intime reflète les tensions plus vastes du livre entre stabilité et aventure, science et militantisme, patience des données et urgence de l’action.

Vincent Message a le don de rendre palpable un territoire. À Locquemeau, sur les grèves de l’Île Grande, ou dans les falaises des Sept-Îles, il restitue la beauté âpre d’un littoral sans cesse menacé. Les fous de Bassan et les phoques côtoient les chalutiers géants et les menaces industrielles.

Dès les premières pages, le lecteur est happé par une scène frappante. Le roman glisse alors du documentaire au thriller, et la mer devient le miroir d’un combat qui dépasse ses rivages.

La force – mais parfois aussi la limite – du texte tient à son hybridité. Vincent Message documente, détaille, vulgarise. On apprend comment certaines algues modifient leur mode de reproduction, pourquoi l’océan sent le soufre, ou comment la surpêche menace tout un écosystème. Ces passages didactiques, passionnants pour qui aime comprendre, ralentissent parfois la tension narrative. Mais ils donnent à l’ensemble une densité rare.

Le lecteur n’est jamais enfermé dans un manichéisme. Pas de « gentils écolos » contre « méchants industriels », mais une complexité des intérêts où chacun défend sa survie.

Au fil des pages, la relation entre Maya et Quentin prend une dimension dramatique. Quentin, fils de marin artisanal ruiné, devenu militant, reçoit des menaces de mort. Sa disparition lors d’une plongée marque le basculement du roman vers le polar. Accident ou crime ? Enquête intime et enquête écologique se confondent alors. Maya, dévastée, cherche à comprendre, et le lecteur avec elle.

On sort de La Folie Océan comme d’une plongée longue et troublante. Les poumons emplis d’air salé, les yeux éblouis par les reflets mouvants de la mer. La Bretagne y apparaît dans toute sa splendeur et sa dureté. On y sent l’ironie de l’écrivain, mais aussi son attachement à une terre où les luttes locales rejoignent les grandes batailles planétaires.

Roman imparfait – à la fois trop didactique et trop romanesque, – La Folie Océan n’en demeure pas moins une œuvre ambitieuse. Vincent Message nous rappelle que l’océan n’est pas seulement un horizon de vacances, mais une matrice vitale dont dépend notre survie collective.

Un texte qui, à la manière d’un Richard Powers ou d’un Michel Serres, tente de donner une voix au monde marin. Et qui nous laisse, une fois la dernière page tournée, avec une seule envie qui est retourner au rivage, écouter le bruit des vagues, et nous demander ce que nous sommes prêts à faire pour que l’océan ne sombre pas dans la folie.

Signature à venir :

– le 8 octobre à la librairie Gwalarn (Lannion), 18h30

– le 9 octobre à la librairie Mots et Images (Guingamp), 18h

– le 10 octobre chez Tom Librairie (Perros-Guirec), 19h