Le Forum Changer l’économie se déroule à Rennes aux Champs libres du 29 au 31 Janvier 2016. Nul doute qu’il s’intéressera autant à changer l’économie qu’à comprendre comment l’économie change l’homme. Mais comment change-t-on la France qui fait figure de vieux corps tétanisé et déchiré dans un monde en pleine mutation ? À l’âge des nouvelles technologies de l’information et de la communication, il s’agit d’évoluer de la productivité à la créativité afin de libérer les talents individuels au profit de l’enrichissement collectif…
Janvier 2016, le nombre de demandeurs d’emploi inscrits en France atteint les 10,6 % et 15,3% dans la commune de Rennes. Étant donné que la Troisième révolution industrielle technologique en cours s’accompagne(ra) de la destruction définitive de milliers d’emplois, il est bien sûr que le retour au plein emploi que promettent les politiques de gauche comme de droite relève de l’illusion (électoraliste).
En réalité, avec un taux de pauvreté de 15 %, c’est sans doute environ un quart de la population française en âge de travailler qui ne reçoit pas de salaire (chômeurs, sans-emploi en fin de droits, RSA, sans-emploi non déclarés, travailleurs précaires ou occasionnels). La France accumule les raisons d’être le pays le plus consommateur au monde d’anxiolytiques ; la communauté historique où le Bonheur national brut est en berne. C’est pourquoi il s’agit de réfléchir à comment changer l’économie, certes, mais aussi à comment changer l’immobilisme suicidaire de la société française et son tropisme pour une résistance critique parfois salvatrice, souvent aveugle et aveuglante…
Alors que l’INSEE projette une espérance de 90 ans en France en 2060, des médias de la Silicon Valley tablent sur une espérance de vie américaine supérieure à 120 ans dès 2050. Entraîné par Ray Kurzweil, le futurologue de Google, et Art Levinson, actionnaire d’Apple et directeur de Calico – la Silicon Valley accélère sa recherche de la Singularité : cette découverte révolutionnaire censée provoquer le basculement du monde humain dans un nouveau cycle transhumain (voir notre article).
Google Glass, voitures autonomes imprimées en 3D, thérapie génique, hybridation organique/inorganique, intelligence artificielle, immortalité attendue pour la fin du XXIe siècle – voilà les totems de cette révolution mondiale – globale, industrielle, technologique et humaine – que la France peine à percevoir autant qu’à acter. En effet, elle invite à bouleverser un système délétère perpétué par des élites dirigeantes à l’inefficacité souvent redoutable : complexité, hiérarchisation, bureaucratisme, déresponsabilisation, immobilisme, désintérêt pour les administrés et les missions du service public mais intérêt pour la progression dans les échelons et l’obtention de primes… sont les maux d’un bonne partie de l’administration française.
Comment préserver la singularité humaniste française et la protection des citoyens dans une économie de marché compétitive qui a vu une bonne partie de la production déménager à l’étranger ? Précisément, en prenant acte de cette nouvelle révolution industrielle et technique et de ses déclinaisons économiques afin d’y adapter notre modèle social. Les voies sont nombreuses, et toutes les pistes, même les plus originales, méritent d’être explorées (tâche difficile en France qui se targue sans cesse de son progressisme éclairée tandis que l’Etat règne sous forme d’un Père à la figure absolutiste).
Dans cette veine se dessine une piste de réflexion à nos yeux intéressante (voir notre article) : une réduction au strict nécessaire des dispositifs d’aides sociales – dont l’effet pervers consiste à vouloir sortir des personnes de la misère pour mieux les enfermer dans un statut et une psychologie de pauvres assistés – au profit de l’instauration d’un revenu universel de base (cumulable) d’un montant mensuel supérieur à 1000€ par individu (le seuil de pauvreté en 2015 s’établit à 977 €). Loin d’être taxable d’utopie (de gauche), un tel mécanisme d’organisation socio-économique promet simplement mais heureusement de libérer les Français d’un grand nombre d’angoisses au profit d’une augmentation de fructueuses réalisations et d’un bien-être individuel et collectif.
Prenant acte que la quantité de travail et le salariat, tout comme la valeur de l’argent, se réduisent dans le Nouveau Monde, une porte de sortie pour la crise nationale française consiste dans la transition de la productivité à la créativité. Plus exactement, d’une productivité qui a atteint ses limites (où elle tend à confiner au contreproductif) et une créativité dont la France veut faire croire qu’elle est le siège alors que, dans les faits, toute son organisation économico-administrative l’entrave depuis des décennies.
Pour que la France (re)devienne une société où la créativité et l’innovation dominent (conformément à un ADN sans cesse à recréer que certains nomment son destin historique), il est indispensable de libérer ses citoyens de la chape de plomb d’angoisses, d’anxiétés, d’injustices et autres tracasseries qui minent leur vie quotidienne. Objectif : que dans les villes comme dans les campagnes de notre beau pays, grâce à un soutien juste et justifié de l’Etat, des collectivités territoriales et des chambres économiques (c.-à-d. le contraire du clientélisme), émerge et rayonne un vaste archipel rhizomique de projets individuels et collaboratifs mis en réseaux dans une perspective écoresponsable, voire écosophe. Voilà une voie de croissance économique, de réalisation personnelle et de bien-être collectif.
Tout en prenant garde aux ornières que ne manquera pas de creuser ce temps de transition – où se galvanise la tension entre héritage humaniste et aspirations transhumanistes, où se formule une nouvelle dialectique de la mémoire et de l’avenir –, rien ne sert de vouloir changer l’économie si nous refusons de nous changer. Alors que les responsables politiques peinent à répondre à l’essentiel – autrement dit, proposer aux Français des visions d’avenir et de l’espérance commune – le temps est venu de cesser d’être mal armés pour que tel qu’en nous-mêmes l’éternité enfin nous change.
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