L’œuvre de la Bretonne Gaëlle Callac est délicate et poétique, voire même apaisante. Elle s’épanouit dans la poésie d’une ligne de dessin ou de mots, dans des influences tant littéraires qu’artistiques. En mars 2025, elle exposera en compagnie d’Ilann Vogt à la galerie Maxime Lancien de Saint-Brieuc. Portrait.
La littérature a toujours été présente dans la vie de Gaëlle Callac : Les Contes d’Andersen des éditions Fernand Nathan l’ont accompagné pendant son enfance et encore aujourd’hui. L’auteur aimait écrire sur les objets (Le Briquet, Le Sapin, etc.), ce qui le rapprochait des surréalistes. Gaëlle Callac a grandi avec ce mouvement, « le fondamental Magritte », et a aussi fait de l’objet, en l’occurrence le livre, son médium principal. « Les objets rappellent toujours quelqu’un. Ça me fait aussi penser au poète et écrivain français, proche des surréalistes, Francis Ponge. » Elle a toujours particulièrement aimé les vieux livres, les pages un peu jaunies et épaisses. Sa découverte des grosses bobines de papier dans les locaux du journal Ouest-France, où elle travaillait quand elle était étudiante à l’école des Beaux-Arts de Rennes, a confirmé ce goût pour la matière.
Si cette école lui a permis de prendre conscience qu’elle était plasticienne plus que dessinatrice, elle n’a jamais dissocié le texte de l’image. Elle s’approprie autant l’un que l’autre dans une oeuvre intelligente et mesurée. « J’adorais dessiner, mais quand je suis arrivée aux Beaux-Arts, j’ai eu cette déconvenue, comme beaucoup d’étudiants qui aiment dessiner mais qui reçoivent des remarques castratrices », se souvient-elle. Son penchant pour la réappropriation des images par le collage s’est développé ces années-là, tout l’envie d’agir sur la matière. Gaëlle Callac utilisait notamment le polaroid qu’elle disloquait et grattait pour en faire des sérigraphies à la manière d’Andy Warhol. « Pendant longtemps, j’ai eu besoin d’avoir un effet de surprise, je n’aimais que les médiums avec des révélateurs : la sérigraphie, la photographie. » Dans cette recherche plastique de la révélation, elle cherche tout ce qui nous échappe : les paroles, le temps, la vie, etc.
Le dessin, tout aussi important que le texte, est revenu dans sa pratique avec le temps et la confiance. Les techniques de la gravure et de l’eau forte habillent désormais les feuilles de papier de motifs principalement végétaux, parfois animaliers. Son intérêt pour la nature renvoie à son enfance sans fioriture en Bretagne dans les années 70, à jouer avec ce qui l’entourait dans le jardin, mais aussi à sa passion pour la peinture, à ces artistes qui travaillent le floral : les préraphaélites, Odilon Redon, les peintres suisses comme Ferdinand Hodler. Dans le livre de collages La vulnérabilité des choses, elle conçoit un ouvrage à partir de trèfles à 4 feuilles collectées depuis des années et conservés entre les pages de ses livres. On retrouve l’esprit des herbiers et, dans la sélection des images collées, la technique de la gravure. Ces se constatent aussi dans les dessins de À l’écart et Le Rêve suivant, entre autres, qui rappellent quant à eux les planches botaniques ou les illustrations de Redouté de la même époque.
« Le mot est le berceau de mon image, et je viens ensuite dessiner. »
Sa pratique est figurative, mais une part d’indicible et de mystère traverse son oeuvre, tout dans les livres qui l’interpellent. « Je n’aime pas les livres prévisibles, avec trop de prouesses dans les jeux de mots, les images et les métaphores. J’aime bien gravir une montagne qui va être semée d’embûches. » Gaëlle Callac emprunte aux surréalistes – elle cite les poètes Apollinaire et Éluard, l’écrivain à l’origine du Manifeste du surréalisme André Breton, les peintres Magritte et Picabia – cette idée d’une création qui utilise l’inconscient et les rêves. « Je me suis rendue compte des bienfaits du dessin et de l’écriture sur le psychisme. La gravure possède une forme de lenteur et de précision qui demande d’être pleinement présent à son travail, c’est presque méditatif », exprime-t-elle. « C’est une vision surréaliste de la vie, mais il y a une forme de prémonitions dans les livres que je choisis. Souvent, les auteurs m’amènent à des découvertes qui vont être par la suite importantes pour moi. Une arborescence logique se crée à un moment donné. »
L’Abcédaire du feu et l’Abécédaire de l’eau sont à appréhender comme des jeux de piste. Sa fructueuse collaboration avec Ilann Vogt est un autre exemple de cette aura énigmatique. Sonnets à Orphée, Soubresauts, Alchimie du verbe, Tissages, etc., les lianes de papier de Vogt s’entremêlent et réécrivent une histoire tandis que les traits de Callac écrivent la sienne. « Nous avons toujours une compréhension différente du livre sur lequel on travaille, donc il y a toujours un effet de surprise commun. »
L’artiste n’aime pas seulement l’objet livre et les mots, mais aussi les histoires relatives à l’édition. « Toutes les histoires, quelles qu’elles soient, ont toujours nourri ma pratique. » Elles l’orientent dans des chemins de traverse. Citons le triptyque Elégies de Duinio réalisé sur une édition de Georges Fall, créateur des Éditions Falaize, dont c’est le premier livre publié en 1949. Gaëlle Callac et Ilann Vogt exposeront à la galerie Maxime Lancien de Saint-Brieuc en mars 2025. Dans ce cadre, souhaitant un ancrage local, les deux artistes ont choisi de travailler sur un nouveau livre, L’Étranger de Camus, son père étant enterré à Saint-Brieuc.
L’oeuvre de Gaëlle Callac reflète une douce lenteur, un instant de méditation artistique, qui propose un temps suspendu poétique dans l’effervescence de la vie.