Gérard Le Gouic est le nouveau lauréat du prix de poésie Alain-Bosquet pour Exercices d’incroyance, publié par les éditions Gallimard dans la collection Blanche. C’est une reconnaissance légitime pour cet ouvrage qui nous offre un vrai bonheur de lecture.
Le Prix Alain-Bosquet, créé en 2003, est attribué sans candidature préalable. Alain Jouffroy, Richard Rognet, Georges-Emmanuel Clancier, Franck Venaille et Kenneth White font partie des lauréats précédemment distingués pour un recueil ou pour l’ensemble de leur oeuvre. Le Prix Alain-Bosquet sera officiellement remis à Gérard Le Gouic le 7 décembre, à Paris au siège des éditions Gallimard, par le poète et écrivain Lionel Ray au nom du jury.
C’est à sa veine de poésie concise et ciselée, proche de l’aphorisme, que se rattache ce nouveau livre qui débute par deux citations judicieuses de Cioran. Peu de livres de poésie ont pour thème central la croyance religieuse. Quand la plupart revendiquent leur démarche spirituelle ou évoquent une révélation divine, Gérard Le Gouic a contrario témoigne ici de son incroyance. Le poète, qui affirmait déjà en 1957 « Oui, en moi s’est éteinte / Toute croyance sainte », surprend ici dans le registre de la prière. Il explique en préambule la genèse de ce texte singulier au titre magnifique. A partir de « deux poèmes qui ressemblaient à des prières », écrits dans un surgissement fulgurant, il décida de s’astreindre à poursuivre l’exploration du sujet et à creuser la matière, comme il a déjà coutume de le faire, par exemple pour Poème de l’île et de l’eau, Cadastre intime d’un pommier, ou récemment Célébration des larmes.
Ses poèmes courts et denses, « d’un seul jet, d’un seul souffle », invariablement composés de distiques, interpellent Dieu quant à son inexistence, sans jamais le nommer. Le vouvoyant en initiale majuscule, Gérard Le Gouic ne croit pas en « Lui », « mais est-ce une raison // pour ne pas Vous en entretenir », se justifie-t-il avec une pirouette. Avec maîtrise, il mêle au registre solennel ses « prières minuscules », rédigées « au jour le jour / comme une liste de commissions », désamorçant avec un humour jubilatoire la gravité du propos. Son monologue subtil ne s’apparente cependant pas à un simple plaidoyer anticlérical. La poésie de Gérard Le Gouic, tout en nuances et sobriété, emprunte à la philosophie pour poursuivre sa quête de sens et interroger les paradoxes : « Je ne crois pas en Vous / mais ma lutte contre Vous // Vous octroie une présence supérieure / à celle que je voudrais détruire ». « Dans une île / entouré de ce qui n’existe pas », le poète se met à l’épreuve du doute. Cependant, intimement convaincu par l’inexistence divine, il reste incroyant, jusqu’aux derniers vers.
Sommes-nous le même pèlerin
parce que nous nous aidons du même bâton,
partageons un signe de reconnaissance,
parce que nous nous dirigeons vers la seule auberge,
notre butin unique des fins de journée
et des nuits qui les suivront ?
Nous repartirons à l’aube
dans la pauvreté commune
du pèlerin sans bagages
et peut-être sans foi.
Extrait (p. 44)
Exercices d’incroyance, Gérard Le Gouic, Gallimard, collection Blanche, juin 2021
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