Il y a 5 ans naissait Grand Palladium, duo fondé à Brest par Kevin Moal et Vincent Dauvergne. Depuis, les deux compères font résonner leurs voix et leurs guitares au gré de leurs concerts en Bretagne et aux quatre coins de la France. Révélés au grand public lors de leurs premières parties de Matmatah, ils ont aussi dévoilé progressivement les chansons de leur premier album, sobrement intitulé Grand Palladium. Il sort en format digital ce vendredi 27 mars 2020.
L’histoire de Grand Palladium est celle d’une renaissance, celle qui réunit les deux guitaristes et chanteurs Kevin Moal et Vincent Dauvergne. Ni l’un ni l’autre ne se souviennent de leur toute première entrevue, mais toujours est-il qu’ils ne cessent de se croiser dans les bars de nuit de Brest. Dans ce même cadre, Kevin est guitariste au sein du groupe Septembre, tandis que Vincent officie chez Lazhar, formation rock qui a tourné dans toute la France et s’est notamment fait connaître avec la chanson « Hanna ».
Puis les années passent et voient les séparations de leurs groupes respectifs, les laissant sans projets. Cependant, ils sont mûs par une envie commune de remonter sur scène, d’autant plus qu’ils ont chacun beaucoup de chansons dans leur répertoire. En 2015, ils décident alors de se venir en aide et envisagent dans un premier temps de s’accompagner mutuellement sur des projets solos. Au cours de leur premier bœuf, ils interprètent en duo leurs compositions et constatent que le courant musical passe mieux en duo. C’est sur cette base qu’ils fondent Grand Palladium dont le nom de scène, parti d’une plaisanterie, allie le nom de la célèbre marque de chaussures avec « The Grand Budapest Hotel », film de Wes Anderson qui les avaient marqué à cette période.
Dès leurs débuts, la formule épurée guitare/voix s’impose immédiatement, car elle est pour eux un moyen privilégié de retrouver les joies de la scène. Nourrissant l’ambition d’un premier album, c’est donc tout d’abord en concert qu’ils attirent l’attention du public. 6 mois après leurs premiers essais en duo, leur répertoire s’est étoffé de plusieurs chansons et de quelques reprises. Il n’en fallait pas plus pour donner leur première prestation le 30 août 2015 au Café du Port du Tinduff à Plougastel-Daoulas (29). S’ensuivent une série de concerts à travers toute la Bretagne, dont une première partie de Joseph D’Anvers au Vauban de Brest le 21 novembre de la même année. L’année suivante, ils sont repérés lors d’un concert par Benoït Fournier alias Scholl, le batteur de Matmatah. Séduit par leur univers, ce dernier décide de les accompagner dans leur projet d’album et leur permet d’enregistrer chez lui leurs premières maquettes. Le célèbre groupe brestois offre ensuite aux deux musiciens l’opportunité d’assurer ses premières parties sur plusieurs dates de sa tournée 2017. Celle-ci les emmènera notamment à L’Etage de Rennes, ainsi que sur la scène de L’Olympia le 2 mars de cette année.
En 2018, forts de cette expérience, ils prennent la route du studio pour y enregistrer leur premier album Grand Palladium. Mixé par Julien Carton et Tristan Nihouarn, chanteur et leader de Matmatah, il est ensuite mastérisé par Frank Arkwright aux fameux studios d’Abbey Road à Londres. Dans le même temps, ils se sont lancé dans une nouvelle série de concerts, qui fut notamment marquée à Rennes par leur prestation au Ty Anna le 6 décembre 2019, à l’occasion des Bars en Trans. Ils y ont présenté plusieurs chansons issues de cet opus, dévoilé en ligne ce vendredi 27 mars 2020.
Dans cet album, les musiciens brestois ont conservé la subtile teinte acoustique qui fait leur identité musicale depuis quelques années. Celle-ci se présente à nos oreilles dès les premières notes de picking à la guitare folk, pendant le morceau d’ouverture « Tant que la nuit veut tomber ». Entre temps, leur style s’est également enrichi sur le plan instrumental, notamment grâce au soutien de la batterie de Benoît Fournier. On y remarque également l’ajout de belles parties de violons assurées par Kevin Moal, dont l’aspect vibrant confère aux instrumentations une dimension orchestrale, voire épique. C’est ce qu’on constate entre autres lors des finals grandioses de « Tant que la nuit veut tomber » et « Aurore ». Dans le même temps, on est immédiatement séduits par les mélodies et les harmonies des deux interprètes, dont les vocalités s’avèrent complémentaires. D’un côté, le timbre suave de la voix de Kevin Moal se rapproche par moments de celle d’artistes comme Jean-Michel Caradec. De l’autre, la sonorité dylanienne et le phrasé de Vincent Dauvergne rappellent le chant de Tristan Nihouarn pour Matmatah.
En premier lieu, transparaît dans cet album l’influence des styles du revival folk des années 60, référence partagée par les deux musiciens. On la perçoit par exemple à l’écoute de la chanson « Emilie » et de « Camion vert », dont la rythmique énergique et galopante de batterie, les accords d’harmonica de Vincent et le picking de Kevin à la guitare Dobro, évoquent le « I Want You » de Bob Dylan. De même, l’instrumentation de « Il faut », centrée autour d’accords mineurs délicieusement mélancoliques et associées à une rythmique posée, peuvent rappeler certains morceaux acoustiques de Neil Young.
Mais d’une manière générale, l’ensemble de l’opus se caractérise plutôt par une variété d’esthétiques et on prend ainsi un réel plaisir à naviguer d’une chanson et d’une atmosphère à l’autre. Ainsi, le morceau « La plage » est articulée autour d’une tonalité mineure sombre et une rythmique lente, soutenue par les accords de piano de Kevin Moal. Son atmosphère contemplative et brumeuse évoque davantage les chansons les plus mélancoliques d’Alain Bashung. Dans un registre différent, « Into The Limbo » met à l’honneur des rythmiques marquées et percussives, ainsi que des mélodies hypnotiques de guitare dans le registre grave. Des éléments qui confèrent à ce morceau des accents tour à tour blues et rock alternatif, qui illustrent sa facette sombre. Quant à « Conquistador », sans doute l’un des morceaux les plus inspirés, il allie un parcours harmonique et des rythmiques de type flamenco avec un jeu de violon plus proche des répertoires celtiques.
Cet album, les Brestois de Grand Palladium le décrivent comme un miroir qui reflète leurs expériences de vie les plus marquantes, depuis leurs débuts il y a près de 5 ans. De fait, les situations qu’ils retranscrivent sont directement inspirées de leurs existences et de certains moments qui les ont touché. Parmi ces instants mémorables, figurent des relations amoureuses qui transforment le cours d’une vie (« Aurore »). Il arrive aussi que certaines restent éphémères et ne laissent plus que des souvenirs. C’est en substance ce que le duo relate à travers « Emilie », la première chanson née du projet. Cette dernière porte le nom d’une dessinatrice de bandes dessinées que Vincent Dauvergne rencontra un soir de Fête de la musique et avec laquelle il connut une véritable idylle, jusqu’à ce qu’elle disparaisse un beau jour, sans laisser de traces.
Parfois, les textes de ces compositions mettent en scène des personnages désabusés, par lesquels les artistes expriment un cruel besoin d’évasion et de jours meilleurs, qui prennent notamment corps dans « Il faut » et « Pour le mieux ». Ils parviennent également à retranscrire en mots et en musique la mélancolie la plus sombre qui par moments nous gagne, à travers la chanson « Into Limbo ». Pour autant, les moments de bonheur ne sont pas loin et Kevin et Vincent ne manquent pas de les célébrer également. De fait, les paroles de « La plage » racontent l’ivresse ressentie au contact de la mer en mouvement, alors même que l’été s’achève. Par ailleurs, le joyeux « Camion vert » résonne comme une ode à l’insouciance de leur vie passée sur les routes en tournée. Enfin, on ressent un réel apaisement à l’écoute de « Laisse aller », morceau final dont le propos fait sens. En effet, il tend à nous rappeler que derrière le temps qui passe et ses ruptures, à la fois douloureuses et nécessaires, se cache un renouveau qu’il faut parfois apprivoiser en laissant les heures suivre leur cours, non sans les savourer. Ce que suggère également sa fin ouverte et en suspens, au moment de conclure : « Tout recommence ».
Avec ce premier album, Grand Palladium nous offre donc 11 chansons personnelles, dont le propos n’en résonne pas moins avec nos propres expériences et parvient ainsi à nous toucher. Elles sont empreintes d’une poésie douce qui allie optimisme et profondeur expressive. Une passion toute en nuances, qui s’avère réjouissante dans le contexte actuel. En attendant de retrouver le duo sur scène, ce premier opus devrait nous aider à embellir nos journées, pour la période de confinement et au-delà. Ces heures ne seront pas perdues, au contraire…
Le premier album de Grand Palladium sort ce vendredi 27 mars sur le label Upton Park. Il est disponible sur les plateformes d’écoute et à la précommande.
Dans l’attente de dates antérieures, la tournée 2020 du duo fera plusieurs escales cet été dans l’Ouest. Sauf contrordre, il passera entre autres le 23 juillet aux Jeudis de Plouha (22), le 25 juillet à la Fête des Vieux Grééments de Paimpol et le 11 août aux Tablées de Penestin (56).
Les artistes devraient également donner deux concerts finistériens en première partie des Innocents, le 25 septembre à La Carène de Brest et le 26 septembre à la Salle Cap Caval de Penmarch (29).