Guadeloupe : ce que révèle la découverte du groupe sanguin Gwada négatif

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gwada negatif

En juin 2025, un nouveau système de groupe sanguin, baptisé « Gwada négatif », a été officiellement reconnu par la Société internationale de transfusion sanguine (ISBT). Identifié chez une seule patiente originaire de Guadeloupe, ce système (ISBT042 – EMM) constitue une avancée scientifique majeure en immunohématologie. L’absence d’un antigène spécifique sur les globules rouges de cette patiente pose des défis médicaux, tout en ouvrant de nouveaux axes de recherche en biologie, anthropologie et médecine personnalisée.

Une découverte exceptionnelle

En 2025, l’ISBT a validé l’existence du 48ᵉ système de groupe sanguin humain : le système EMM, dont l’unique cas connu est une femme guadeloupéenne présentant un profil « EMM– » ou Gwada négatif. Cette reconnaissance est le fruit d’une enquête scientifique entamée en 2011 à la suite de la détection d’un anticorps universellement réactif dans son plasma, c’est-à-dire dirigé contre l’ensemble des globules rouges testés à ce jour¹.

Ce comportement immunologique rare indique que cette femme ne possède aucun antigène EMM, ce qui signifie que tout sang transfusé risquerait de provoquer une réaction immunitaire grave.

Qu’est-ce qu’un système de groupe sanguin ?

Un système de groupe sanguin est défini par la présence ou l’absence d’un ou plusieurs antigènes spécifiques à la surface des globules rouges. L’ISBT reconnaît ces systèmes selon des critères génétiques, immunologiques et biochimiques rigoureux². Le système EMM, désormais référencé ISBT042, s’ajoute à une classification déjà riche comprenant ABO, Rh, Kell, Duffy, Kidd, MNS, etc.

Le cas de « Gwada négatif » représente une absence totale d’expression d’un antigène EMM, d’où la rareté et la gravité de la situation clinique³.

Conséquences médicales immédiates

Transfusion impossible ?

Une personne EMM– ne peut pas recevoir de sang d’un autre individu sans risque d’hémolyse sévère. La patiente est intransfusible avec les stocks disponibles mondialement, sauf si d’autres porteurs EMM– sont identifiés, ou si des globules rouges universels peuvent être générés en laboratoire.

Risques en cas de grossesse

Une incompatibilité fœto-maternelle pourrait aussi se produire, comme dans les cas de Rhésus D–, avec production d’anticorps anti-EMM dangereux pour le fœtus⁴.

Une question de diversité génétique

Le fait que cette découverte provienne d’une patiente guadeloupéenne est significatif. La Guadeloupe, comme de nombreuses régions ultramarines, présente une richesse génétique sous-représentée dans les études biomédicales⁵. L’apparition d’un antigène unique ou très rare dans ces populations n’est donc pas surprenante, mais souligne le besoin de typages sanguins étendus et inclusifs.

Implications scientifiques

La structure moléculaire de l’antigène EMM reste à élucider, mais on soupçonne une protéine membranaire érythrocytaire jusqu’ici non identifiée comme antigénique. L’analyse génétique du génome de la patiente pourrait permettre :

  • de découvrir de nouveaux mécanismes d’expression antigénique,
  • d’identifier des gènes silencieux ou mutés à effet protecteur ou délétère,
  • de faire le lien avec certaines pathologies auto-immunes ou hématologiques rares⁶.

ingularité biologique, universalité scientifique

Le groupe « Gwada négatif » incarne l’extrême de la diversité sanguine humaine : un profil apparemment unique, mais révélateur d’un système encore inconnu. Il nous rappelle qu’aucun être humain n’est biologiquement anodin et que la médecine de demain doit s’appuyer sur la diversité du vivant. La priorité actuelle : rechercher d’autres cas, comprendre la fonction de l’antigène EMM, et préparer des réponses thérapeutiques adaptées à cette découverte inédite.

Notes

  1. Voir Flegel et al. (2024), qui décrivent un anticorps pan-réactif découvert dans le plasma de la patiente, réagissant contre tous les échantillons testés.
  2. International Society of Blood Transfusion. (2025). New Blood Group System Registered: EMM (042).
  3. Daniels, G. (2021). Human Blood Groups (4e éd.). Wiley-Blackwell.
  4. Ibid., p. 147-149.
  5. Meda, L. et al. (2023). « Genetic diversity and transfusion: Underrepresentation of Afro-Caribbean populations in reference databases. » British Journal of Hematology, 203(2), 210-217.
  6. Velliquette, R. et al. (2022). « Rare blood group phenotypes and their association with immune dysregulation. »Transfusion Medicine Reviews, 36(1), 1–10.
Gaspard Louvrier
Gaspard Louvrier explore les frontières mouvantes de la recherche, des technologies émergentes et des grandes avancées du savoir contemporain. Spécialiste en histoire des sciences, il décrypte avec rigueur et clarté les enjeux scientifiques qui traversent notre époque, des laboratoires aux débats publics.