Dans le documentaire l’homme créa la vache, Jean-Christophe Ribot décrit les coulisses de la production intensive. Comment éleveurs et généticiens « façonnent » des vaches adaptées à la production intensive ? Sur un ton cocasse, une enquête édifiante sur ce glissement démiurgique.
Comment, par la sélection des reproducteurs puis la génétique, l’homme « fabrique » des vaches parfaitement adaptées à la production et la consommation intensives. Un film à la fois drôle et édifiant.
En régentant la vie sexuelle des bovins, l’homme s’octroie la possibilité d’améliorer les races. Au XXe siècle, qui voit l’invention de l’agriculture industrielle, le phénomène connaît un coup d’accélérateur grâce à l’insémination artificielle. Les tests génétiques, mis en œuvre pour élire les meilleurs reproducteurs, accouchent d’un véritable star-system et… de maladies de la consanguinité. La semence des taureaux les plus en vue ont inondé le marché, à l’image du vaillant Jocko Besne. Au début des années 2000, une nouvelle étape est franchie avec le séquençage du génome des vaches. Désormais, il s’agit pour les éleveurs d’acquérir le sperme du mâle génétiquement idéal pour leurs femelles.
En Argentine, des chercheurs vont encore plus loin en donnant naissance à Rosita, une vache porteuse de deux gènes de femme, créée pour produire du lait maternel humain. Musclée ? Sans cornes ? Avec des petits pis ? Grâce aux progrès de la génétique, il n’y a plus qu’à choisir son modèle et passer commande. Tourné dans les élevages et les laboratoires, auprès d’agriculteurs, de généticiens et de philosophe, ce film dresse un état des lieux stupéfiant du pouvoir de l’homme sur le vivant, qu’il modèle selon ses désirs, et s’interroge sur le sens des rapports qu’entretiennent les humains avec les bovins, soumis à des cadences infernales et traités comme des machines.
JOCKO BESNÉ – LA STAR DES TAUREAUX
Jocko Besné est un taureau de la race Prim’Holstein né en 1994 dans l’élevage de M. Gildas Fertil suite à une série de tests et d’évaluations. C’est Moïse Beaumard qui a imaginé l’insémination artificielle qui a engendré la plus grande star bovine des années 2000. Jocko est un super producteur de semence, un taureau dont les filles donnent du lait à foison. À flux tendu, Jocko produit du sperme et diffuse ses gènes dans plus de 60 pays.
Au début des années 2000, le sperme de Jocko est convoité par tous les éleveurs de vaches à lait. Les doses s’arrachent sur le marché international 10 fois le prix standard. Jocko est collecté 3 fois par semaine. Qualifié de géniteur d’exception, il est considéré comme le troisième géniteur le plus important de sa race, dû au nombre de ses descendantes, estimé entre à environ 400 000 filles, sans jamais avoir vu de vaches de sa vie. Il a produit de la semence jusqu’à 16 ans, presque un an avant sa mort. Jocko Besné a eu droit à une paisible retraite. Il était convenu qu’il n’aille jamais à l’abattoir. C’est l’un des rares représentants de son espèce à décéder de mort naturelle. Avec un chiffre d’affaires généré estimé à 15 millions d’euros, la vie sexuelle de Jocko tout entière a été dévouée à la production de sperme. À sa mort, sa dépouille fut transférée au Muséum d’Histoire Naturelle dans l’espoir de l’empailler. Mais le convoi qui l’emmenait à Paris arriva trop tard, seul ses os purent être conservés. Désormais, le squelette de Jocko Besné sera étudié comme l’archétype d’une race fabriquée par l’Homme.
Documentaire Et l’homme créa la vache Jean-Christophe Ribot, 55 min, sur la production intensive. À découvrir le samedi 19 novembre 2016 à 22 h 35 sur Arte TV
Réalisation : Jean-Christophe Ribot
Auteurs : Nathalie Barbe, Audrey Mikaëlian,
Jean-Christophe Ribot
Chef opérateur : Nathanaël Louvet
Design graphique : Vincent Voulleminot
Animations : Valentine Chauvin
Prise de son : Nicolas Samarine
Montage : Guillaume Paqueville
Producteur : Thierry Derouet
Productrice exécutive : Caroline Richter-Bonini
Producteurs : BONOBO PRODUCTIONS, ARTE FRANCE