La Hongrie de Viktor Orbán s’enfonce un peu plus dans la marginalisation juridique et politique au sein de l’Union européenne. Ce jeudi, une avocate générale de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a estimé que la loi hongroise de 2021 restreignant la diffusion de contenus LGBTQ+ viole le droit européen. Cette prise de position, bien qu’encore consultative avant la décision finale de la Cour, marque un nouveau point de tension entre Budapest et Bruxelles sur la question des droits fondamentaux.
Une loi sous prétexte de protection des mineurs
Adoptée en juin 2021, la loi hongroise est officiellement présentée par le gouvernement Orbán comme un dispositif de lutte contre la pédocriminalité et de protection des mineurs. Mais derrière cet habillage sécuritaire, le texte interdit en réalité la « promotion » ou la « représentation » de l’homosexualité et des identités transgenres dans les médias, la publicité, l’éducation et même les librairies. Toute évocation positive ou pédagogique de la diversité des orientations sexuelles est ainsi criminalisée lorsqu’elle s’adresse au public mineur.
Dans les faits, cette législation place les questions LGBT+ dans une zone grise, conduisant de nombreuses institutions culturelles, maisons d’édition et médias à pratiquer une forme d’autocensure préventive. Les œuvres de fiction, les documentaires éducatifs, et même certains manuels scolaires ont été retirés ou modifiés. Le Parlement européen et seize États membres ont rapidement saisi la CJUE en 2022, estimant que la Hongrie bafouait les valeurs fondamentales de l’Union.
Une violation des principes fondateurs de l’Union européenne
Dans ses conclusions rendues publiques ce 5 juin 2025, l’avocate générale de la CJUE a été catégorique : la loi hongroise est incompatible avec le droit européen, en particulier la Charte des droits fondamentaux et le principe de non-discrimination. Selon son analyse, la législation va bien au-delà de la protection de l’enfance et instaure une discrimination systématique contre les personnes LGBT+ et leur visibilité dans l’espace public.
L’Union européenne rappelle ainsi que « protéger les enfants » ne saurait servir de prétexte à marginaliser des groupes entiers de citoyens. Le Parlement européen a d’ailleurs plusieurs fois dénoncé cette instrumentalisation politique des questions sexuelles par le régime Orbán, qu’il qualifie de « dérive autoritaire identitaire ».
L’escalade autoritaire : interdiction de la Pride
Depuis le vote de la loi de 2021, la situation s’est aggravée. En mars 2025, le Parlement hongrois a franchi une nouvelle étape en adoptant une loi interdisant purement et simplement l’organisation des Marches des fiertés dans le pays. Le gouvernement justifie cette interdiction par la nécessité de « protéger la morale publique » et la « cohésion sociale », reprenant les rhétoriques classiques des régimes illibéraux.
Cette interdiction a provoqué une onde de choc dans les institutions européennes. Plusieurs États membres et ONG de défense des droits humains demandent désormais à l’Union de passer des déclarations de principe aux sanctions concrètes contre Budapest. De leur côté, les organisateurs de la Pride de Budapest, prévue fin juin, appellent Bruxelles à faire respecter l’État de droit.
L’Union européenne face à ses propres limites
L’affaire pose une fois de plus la question sensible de l’efficacité des instruments européens face aux violations systématiques de l’État de droit par certains États membres. Depuis 2010 et le retour au pouvoir de Viktor Orbán, la Hongrie multiplie les atteintes aux libertés publiques : musèlement des médias, contrôle de la justice, restrictions des droits des migrants, révisionnisme historique, et désormais offensive contre les minorités sexuelles.
Les procédures d’infraction de la Commission européenne, les rappels à l’ordre du Parlement européen et même la suspension partielle de certains fonds européens n’ont jusqu’ici pas infléchi la trajectoire politique du Fidesz. Orbán semble au contraire capitaliser sur ces confrontations pour renforcer sa rhétorique souverainiste et son assise électorale intérieure.
Un test politique pour l’Union de 2025
La décision finale de la CJUE, attendue d’ici la fin de l’année 2025, constituera un nouveau test politique majeur pour l’Union européenne. Au-delà du cas hongrois, c’est la crédibilité même de la défense des valeurs européennes – démocratie, droits fondamentaux, égalité – qui est désormais en jeu.
Face à des régimes de plus en plus enclins à instrumentaliser les minorités sexuelles comme boucs émissaires dans des stratégies de polarisation nationale, l’Union doit décider si ses valeurs sont de simples déclarations d’intention ou des principes contraignants, y compris pour ses propres membres.
FAQ Unidivers : Tout comprendre au bras de fer Hongrie / UE sur les droits LGBT+
Pourquoi l’Union européenne critique la loi hongroise ?
Parce qu’elle restreint la diffusion d’informations et de contenus en lien avec les personnes LGBT+, sous prétexte de « protection des mineurs ». Selon Bruxelles et la CJUE, cette loi enfreint les principes de non-discrimination et de liberté d’expression inscrits dans les traités européens.
En quoi cette loi est-elle problématique ?
Elle interdit la représentation positive ou pédagogique des identités LGBT+ dans les médias, les écoles, les librairies et la culture en général, marginalisant ainsi les personnes concernées. Des films, livres et contenus éducatifs ont été bannis ou censurés.
Quelle est la position de la Cour de justice de l’Union européenne ?
L’avocate générale estime que cette législation est contraire au droit européen. La Cour rendra son jugement définitif dans les prochains mois. Si la Hongrie persiste, elle pourrait être condamnée à des sanctions financières.
Pourquoi la Hongrie agit-elle ainsi ?
Viktor Orbán cherche à renforcer un modèle politique dit « illibéral », fondé sur la défense de « valeurs traditionnelles », une rhétorique conservatrice qui instrumentalise régulièrement les questions LGBT+ à des fins électorales.
Que peut faire l’Union européenne ?
Elle dispose de plusieurs leviers : procédures d’infraction, suspension de fonds européens, actions en justice via la CJUE. Mais ces mesures restent politiquement délicates et nécessitent souvent l’unanimité des États membres pour les plus coercitives.
La Hongrie et les droits LGBT+ depuis 2010
Depuis l’arrivée au pouvoir de Viktor Orbán et du Fidesz en 2010, la Hongrie a progressivement réduit les droits et la visibilité des personnes LGBT+ :
- 2012 : nouvelle Constitution définissant le mariage uniquement comme l’union d’un homme et d’une femme.
- 2020 : interdiction du changement de genre à l’état civil.
- 2021 : loi limitant la « promotion » de l’homosexualité et de la transidentité auprès des mineurs.
- 2025 : vote d’une loi interdisant la tenue des Marches des fiertés.
Ces mesures sont dénoncées par de nombreuses ONG comme une dérive autoritaire, et constituent un point de fracture croissant avec les institutions européennes.
