L’UE somme la Hongrie de retirer une loi qui musele les ONG et les médias indépendants

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Nouvelle passe d’armes entre Bruxelles et Budapest. Vendredi 23 mai 2025, la Commission européenne a demandé formellement au gouvernement hongrois de Viktor Orbán de retirer un projet de loi jugé attentatoire aux libertés fondamentales. Dans le collimateur : un texte baptisé loi sur la « transparence », mais que de nombreux observateurs accusent de cibler les organisations non gouvernementales et les médias critiques envers le pouvoir.

La loi prévoit que toute organisation recevant des financements étrangers — au-delà d’un seuil symbolique — soit tenue de s’enregistrer auprès des autorités, de signaler l’origine de ses fonds, et de faire l’objet d’audits renforcés. En pratique, il s’agirait selon la Commission d’un outil de « stigmatisation et d’intimidation » contre les voix indépendantes, en violation du droit européen.

Des réactions européennes fermes, mais tardives ?

Une vingtaine de députés européens, issus de plusieurs groupes politiques, ont appelé la Commission à geler tous les fonds européens destinés à la Hongrie. Une pression budgétaire déjà utilisée dans d’autres différends avec Budapest, notamment en matière de corruption ou d’atteintes à l’État de droit. La vice-présidente de la Commission, Věra Jourová, a déclaré que « cette législation ne respecte pas les valeurs fondamentales de l’Union européenne, telles que la liberté d’association et la liberté d’expression ».

Le gouvernement hongrois, de son côté, rejette en bloc ces critiques en dénonçant une nouvelle tentative d’ingérence « dans les affaires souveraines d’un État membre ». Il affirme que la loi vise à garantir la transparence du financement étranger, en particulier à l’égard d’entités « susceptibles de menacer la sécurité nationale ou de manipuler l’opinion publique ».

Un contexte de dérive illibérale persistante

Depuis plus d’une décennie, Viktor Orbán affirme incarner un « État illibéral », en rupture avec les normes démocratiques libérales occidentales. Les ONG et médias non alignés avec son Fidesz sont régulièrement accusés de faire le jeu de l’étranger — notamment du milliardaire George Soros, cible récurrente de la propagande gouvernementale.

Cette loi rappelle une précédente tentative de 2017, censurée par la Cour de justice de l’Union européenne en 2020 pour atteinte aux libertés fondamentales. Le fait que la Hongrie revienne aujourd’hui avec une version à peine amendée est perçu comme une provocation assumée, voire un test de la capacité de résistance institutionnelle de Bruxelles.

Quels leviers pour l’UE ?

Le bras de fer se joue à plusieurs niveaux. Juridique, d’abord, avec la possibilité d’un nouveau recours en manquement devant la CJUE. Financier ensuite, avec la menace — réelle ou symbolique — d’un gel des fonds de cohésion ou du plan de relance. Mais la stratégie punitive de l’Union a montré ses limites, face à un gouvernement hongrois désormais aguerri à la confrontation européenne, et toujours soutenu par une large partie de son électorat national.

À l’approche des élections européennes de juin 2025, cet épisode réactive le débat sur la cohésion de l’Union et sa capacité à faire respecter ses principes. Pour de nombreux observateurs, la situation hongroise n’est plus une anomalie passagère, mais un symptôme de plus d’une Europe en crise d’autorité démocratique.

Affaire à suivre, donc. Mais elle pourrait bien, à terme, redéfinir la relation entre les institutions européennes et les États membres les plus récalcitrants, dans une Europe de plus en plus fracturée entre valeurs fondatrices et logiques de pouvoir nationaliste.

Eudoxie Trofimenko
Et par le pouvoir d’un mot, Je recommence ma vie, Je suis née pour te connaître, Pour te nommer, Liberté. Gloire à l'Ukraine ! Vive la France ! Vive l'Europe démocratique, humaniste et solidaire !