HOPER DE STEPHANE HARDY, UN REPÈRE MUSICAL TEMPOREL ET HUMAIN

Stéphane Hardy, spécialiste des hautbois du monde, a annoncé l’arrivée du printemps en musique, dimanche 21 mars 2021 à Rennes. Toutes les heures, la bombarde du musicien a résonné et créé du lien dans le centre-ville de la capitale bretonne. Hoper – « annoncer » en breton – ou l’espoir d’un acte musical militant et humain en ces temps troublés. Une création accompagnée par Les Tombées de la Nuit. Entretien.

Dimanche 21 mars, 7h07. Le spécialiste des hautbois du monde Stéphane Hardy a accompagné le lever du soleil du balcon de l’Opéra de Rennes en musique avant de gravir les hauteurs de sept lieux emblématiques de la ville pour une performance musicale improvisée dans l’espace public et ce, sur un cycle de douze heures. Hoper s’est terminé à 19h07 avec les dernières lueurs du soleil, qui a finalement point sur le belvédère des frères Bouroullec, aux abords de la Vilaine. Une pause musicale afin de contempler les couleurs du ciel en cette fin de journée dominicale. Un jeu de piste permettait à ceux qui les désiraient de trouver les lieux où se produirait le musicien.

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Unidivers – Hoper est un acte militant pensé lors du premier confinement, en mars 2020. De quelle manière l’idée est-elle venue ?

Stéphane Hardy – La bombarde n’est pas un instrument soliste et cette pratique sollicite beaucoup d’énergie. Au début, j’avais pensé à un CD où je travaillerais sur l’acoustique et la rencontre de cultures différentes au travers d’un travail musical dans un immeuble qui finirait sur le toit, à l’extérieur. C’était le décor sonore initial, mais pendant le premier confinement, je me suis rendu compte que la cloche de mon village, aux abords de Rennes, s’était arrêtée de sonner. Il n’y avait déjà plus de contact et de lien, mais en plus ce repère temporel était également suspendu. La vie de la cité semblait complètement arrêtée.

Ce rendez-vous musical sur les toits cherche à humaniser la période que l’on vit. Il n’y a pas vraiment d’attente de public, le spectacle est un pas vers la population pour capter son attention, selon sa disponibilité.

« C’est un acte de résistance artistique, mais l’idée était aussi de faire lever les yeux sur des bouts de patrimoine que l’on regarde au final peu. »

Unidivers – Vous êtes un spécialiste des hautbois du monde, pourquoi avoir particulièrement choisi la bombarde comme instrument ?

Stéphane Hardy – La sensibilité de l’instrument local me parle énormément. Le choisir est venu, naturellement, comme un flash, il y a quelques années. Dans toutes les cultures du monde, le hautbois rappelle le chant et la voix. Cet instrument est très émotionnel et sensible à maîtriser, toujours sur le fil.

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Stéphane Hardy © Laurent Tacher

Unidivers – La performance se construit sur l’improvisation, mais une grande préparation en amont est nécessaire afin de justement improviser. Comment cette préparation se déroule-t-elle par rapport aux spécificités de la bombarde ?

Stéphane Hardy – Je vais piocher dans différents vocabulaires musicaux, issus d’autres cultures qui abordent cet instrument, dans une recherche permanente d’associations et d’effets qui peuvent rappeler ces territoires, ces voyages. Les copains, avec qui on a l’habitude de travailler, ne sont plus là pour donner un cadre donc les risques sont plus grands. Il faut réussir à créer son petit orchestre individuel, c’est la difficulté : maintenir le cadre rythmique donné, car l’objectif à terme est de caler le cadre rythmique de la musique sur celui de l’heure.

C’est un travail en permanente digestion pour réussir à restituer un vocabulaire sans tomber dans un schéma musical qui se répète, en prenant justement le risque de l’improvisation. Il faut apprendre à bien parler musicalement selon une composition spontanée permanente et faire en sorte que la mélodie soit la plus jolie, lisible et partageable possible. Cela permet aussi d’être dans la sincérité du moment.

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© Les Tombées de la nuit

Unidivers – Chaque performance musicale était donc différente…

Stéphane Hardy – J’avais construit quelques trames en amont, mais j’ai cherché à être le plus large possible dans les oreilles que la musique pouvait happer. Il y a eu des évocations du morceau Une Gymnopédie de Erik Satie et un thème de Charlie Mingus, contrebassiste jazz par exemple. Je ne voulais pas qu’il s’agisse d’une prise de parole bretonne et que cela ne concerne qu’une partie de la population. Travailler plutôt l’universel sans enfermer les oreilles dans des références trop marquées.

Hoper peut se lire comme un discours autour de ma « langue maternelle musicale ». Les voyages que j’ai pu faire à la rencontre de différentes cultures, les rencontres avec ces maîtres de musique ne sont plus envisageables par les temps qui courent, mais me manquent. Le spectacle est un point d’arrêt durant lequel je peux exprimer cela.

« Hoper est un bon moyen pour les villes de proposer du son, de l’artistique, culturelle, tout en respectant les conditions sanitaires. »

Unidivers – L’idée initiale se déroulait dans un immeuble, soit à huit clos. Jouer dans l’espace public est une approche musicale différente, ne serait-ce qu’au niveau de l’acoustique…

Stéphane Hardy – Totalement. C’était la découverte de plusieurs lieux qui, en outre, résonnent différemment. On ne sait pas non plus si la ville va être réveillée ou pas, il n’y avait pas de soleil donc moins de gens à sortir et moins d’interactions possibles.

Concernant l’acoustique, je savais que l’instrument allait porter, mais je me suis rendu compte en réécoutant quelques extraits que je pouvais faire des nuances encore plus poussées, ce qui permet à la masse sonore de rayonner plus largement.

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© Les Tombées de la nuit

Stéphane Hardy réitérera l’expérience musicale le 18 juillet 2021 dans les hauteurs du château et du parc de la Roche-Jagu (Côtes d’Armor), un des partenaires du projet. Nouveau décor pour de nouvelles improvisations…

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BIOGRAPHIE

Des confréries soufies du Maroc aux ensembles de shenai de l’Inde du Nord, des créations contemporaines de Dick Van Der Harst et Luc Mishalle (Met X) en Belgique au jazz bombardistique de Dave Malis aux États-Unis, Stéphane Hardy est un globe-trotteur de l’anche double, musicien à la fois enraciné et inclassable, spécialiste des hautbois du monde.

Cultivant l’ouverture et les contrastes, la curiosité et les rencontres, l’enracinement et la multi-culturalité, il aime se fondre dans des mondes musicaux pluriels, qu’il en soit l’initiateur ou l’interprète. Par l’oralité, la modalité, l’improvisation et l’immersion sur le terrain, il se joue des frontières et modifie les terroirs, rapproche les territoires, créant ainsi des contrées oniriques et poétiques, où toutes ses influences peuvent se côtoyer, s’exprimer, se croiser librement et servir un discours profond d’intentions et d’émotions, s’affranchissant de toute imitation.

Depuis 2014, entouré d’un collectif de citoyens et d’artistes, il impulse La Part des Anches, une maison artistique qui a pour objet central les hautbois du monde. Depuis septembre 2018, il officialise ses recherches sur la bombarde et ses cousines, dans le cadre d’un master d’Artiste de Musiques Traditionnelles, au sein du Pont Supérieur de Rennes et de l’Université de Bretagne Occidentale à Brest.

Il joue actuellement avec The Dave Malis Project – Collectages d’un sonneur New Yorkais (jazz/ musiques actuelles façon beurre salé), L’Orchestre National de Breizhoucadie (Fanfare Tendre et Poétique), Sérot / Janvier & la Groove Cie (Fanfare à danser), le Belge Dick Van Der Harst, L’Orchestre Du Caravansérail (Musique Bretonne Orientale) et la Kreizh Breizh Akademi #7.

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