En bord de Manche, sur la Côte d’Opale, près d’un hameau, de ses dunes et ses marais, demeure un gars étrange qui vivote, braconne, prie et fait des feux. Un vagabond venu de nulle part qui, dans un même souffle, chasse le mal d’un village hanté par le démon et met le monde hors Satan. La lumière incréée de Dreyer, la caractérologie bernanosienne et dostoïevskienne de Bresson et le repérage d’un pathos sacré dans l’interconstitution individu-communauté chez Pasolini soufflent sur cette oeuvre.
Présenté à Un certain regard à Cannes, Hors Satan brille par l’indépendance de son sujet et de son style épuré, voire ascétique. Exploration spirituelle et métaphysique à la suite de Hadewich, son précédent long métrage dostoïevskien, qui montrait la déviation comportementale d’origine psycho-spirituelle d’un jeune novice exclu du couvent pour sa dévotion dévorante. Dans Hors Satan, un homme venu de nulle part s’installe dans petite communauté religieuse. C’est une forme de désir ou de besoin qui le conduit à cette proximité et un attachement religieux ou une pratique cultuelle. Là prend place la bien étrange transfiguration d’un homme qui incarne l’étrangeté du rapport de la conscience humaine au psychisme : quelques meurtres symboliques, rituels et expiatoires entraînent un déblocage psychique menant à une résurrection de son être. “Je vois Satan tomber comme l’éclair.”
Nicolas Roberti
De Bruno Dumont (France), avec : David Dewaele, Alexandra Lematre, Valérie Mestdagh, Sonia Barthelemy – 1h50. En salle le 19 octobre.