Dans les volutes des méduses de l’affiche de l’édition 2025 de Culture Bar-Bars et les courbes des poissons de celle du festival Noël à Beauport, on lit la signature poétique de la Rennaise Claire Tardieux. Depuis trois ans, la ligne claire de l’illustratrice dessine des mondes oniriques peuplés d’animaux, des univers où la végétation brouille la frontière entre la composition et le cadre.
L’affection de l’ancienne étudiante en éthologie (étude du comportement des animaux) pour la nature a naturellement été le point de départ de son monde graphique. Les espèces animales et végétales, les couleurs et la texture qu’offre le vivant sont autant d’éléments que Claire Tardieux aime travailler en dessin, habitants organiques d’un monde onirique.

Nourrie par ses lectures de la saga du Seigneur des anneaux de Tolkien et de Dune de Frank Herbert, la Rennaise a installé son univers dans un imaginaire fantastique. Ses mondes prennent vie dans une ligne dessinée à l’encre de Chine et les couleurs délicates de l’aquarelle, un clin d’œil par ailleurs au médium utilisé dans l’illustration naturaliste. « L’aquarelle est une technique très douce, on peut travailler par transparence et par superposition », souligne-t-elle. « J’aime beaucoup cette idée que le dessin se construise petit à petit, de pouvoir y revenir par touches et de devoir composer avec ce qui a déjà été dessiné ou peint, y compris les erreurs. Ça me rappelle un peu la biologie avec les transmutations. »
« L’illustration part toujours du personnel et de l’intime, mais chaque personne est capable d’avoir sa propre lecture selon sa sensibilité. »


L’aquarelle glisse sur son dessin tandis que les lignes construisent des compositions proches des artistes et courants artistiques de la fin du XIXe siècle et du début du XXIe siècle : face à son travail, on pense à l’Art nouveau, à ses motifs et ses sujets que l’on retrouve également dans le symbolisme et le préraphaélisme. Claire Tardieux puise également son inspiration dans les travaux à l’aquarelle de Florence Harrison et Arthur Rackham, à qui l’on doit notamment des illustrations d’Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, puis Aubrey Beardsley pour son travail d’illustration dans Le Morte d’Arthur de Thomas Mallory.
Tous et toutes ont en commun la représentation du vivant et la figure féminine. Cette dernière règne aussi en maîtresse dans les aquarelles de Claire. « En tant que femme, j’avais envie d’en représenter pour en quelque sorte les mettre en avant. » Les courbes du corps, qui rappellent à certains moments celles de Mucha, prolongent celles du végétal, créant un lien organique qui brouille la frontière entre la composition et le cadre.


« Dans les pochettes de rock progressif, on retrouve aussi ce côté surréaliste et symboliste », dit la fan de rock des années 1970 dont l’esthétique visuelle est aussi source d’inspiration. Stoner doom, musique psychédélique, math rock ou encore rock progressif : la musique fait en effet partie intégrante de son processus créatif. Propice à développer l’imaginaire, elle alimente la créativité de Claire. « J’ai beaucoup d’idées dans les transports. Quand j’écoute de la musique, les images jaillissent », confie-t-elle.
L’esprit de l’illustratrice se balade au rythme de la musique qu’elle écoute et des notes naissent des images qu’elle met sur papier. La série Roundabout est un bel exemple de ses différentes influences : des références prog des années 1970 aux univers féminins mélancoliques et oniriques présents dans la peinture préraphaélite.

Son amour pour la musique la pousse d’ailleurs à collaborer avec des groupes de musique, comme les Rennais du trio de noise rock / krautrock Cratophane et du Brass Band Papier Carton Orchestra – BBPCO. Claire a composé pour eux une nature peuplée d’animaux dont chaque espèce représente un groupe d’instruments joué par le brass band : les cuivres, les percussions et les cordes. On retrouve les thèmes chers à l’illustratrice dans des couleurs joyeuses, qui reflètent l’ambiance festive d’une fanfare.


Alors que l’affiche 2025 de Noël à Beauport a été dévoilée, la Ville lui a proposé de prolonger son travail en réalisant une création graphique qui sera projetée sur la façade de l’abbaye pendant les deux semaines du festival, du 20 décembre 2025 au 4 janvier 2026. « Beauport a cette spécificité d’être une abbaye maritime », précise-t-elle. Avec une saison culturelle 2026 sur le thème de la mer, la façade de l’abbaye abritera des éléments de l’affiche, mais pas seulement… Rendez-vous le 20 décembre pour découvrir le résultat.


