Avec I’m From Rennes, on est jalousés ! Entretien avec Cédric Bouchu

Im from Rennes
I'm from Rennes, édition 2023 © Jean-Adrien-Morandeau

Qui dit septembre dit, bien évidemment, I’m From Rennes ! La nouvelle édition du festival se déroule du 5 au 15 septembre 2024. Cédric Bouchu, alias Cèd, en est l’un des piliers depuis plus de 10 ans. Rencontre avec un passeur passionné, figure des musiques actuelles à Rennes.

« Oui, le téléphone sonne beaucoup en ce moment » glisse Cédric Bouchu en souriant derrière sa barbe. Si à Rennes, depuis 2012, la fine fleur des musiciens rennais fait aussi sa rentrée des classes pendant I’m From Rennes, c’est un peu grâce à lui. L’homme est pressé et fort sollicité à quelques jours de l’ouverture du festival, mais on le sent capable de parler pendant des heures. Alors, I’m From Rennes, c’est quoi ? « C’est un festival qui fait une photographie à un instant ” T ” de la scène musicale rennaise dans toute sa diversité », explique Ced. Comme beaucoup de belles histoires rennaises, celle-ci commence derrière un comptoir : « à la base, c’est une histoire de potes qui se retrouvent dans un bistrot et qui se disent : vas-y on fait un festival ! ».

cedric bouchu

« Ce qui me branche, c’est toujours de partager. »

Petit retour en 2012 : 5 groupes rennais prometteurs se retrouvent sous les feux de la rampe (les Wankin noodles, Manceau, Popopops, Juveniles et Succes). Portés par cette euphorie, l’idée germe parmi ces groupes de monter une grande soirée pour fêter la sortie de leurs albums respectifs. Très vite, ils souhaitent pourtant proposer quelque chose de plus large, pour célébrer la scène rennaise et montrer toutes ses différentes sensibilités. C’est là que Ced intervient. « Depuis plusieurs années j’avais l’image du gars qui s’intéressait vachement à la scène locale », confie-t-il. « Une image qui me convenait très bien, car j’adore effectivement la scène locale, j’adore sortir, j’adore les bars ! ». Plus qu’une image, car cette scène locale, Ced la connait intimement. « Je suis né à l’Hôtel-Dieu, à Rennes. Et j’y suis resté ! Pourtant, j’avais envie de voyager… mais j’ai toujours trouvé des opportunités qui m’ont fait rester ici. »

 I’m from Rennes 2024
I’m from Rennes 2024 / visuel © Julie Wojtczak

Ses études auraient dû le conduire à exercer la profession d’animateur socio-culturel… mais c’est son goût pour la musique qui l’emporte : féru de rock, le jeune Cédric pousse les portes, s’implique, rencontre du monde, donne des coups de main, etc. Bénévole, co-organisateur de concerts, on le retrouve aussi parmi celles et ceux qui font de l’Antipode une SMAC à part entière à partir de 1998. Céd rejoint ensuite la radio Canal B, où il officie de 2000 à 2005 en tant qu’animateur : « Canal B était connu pour ses émissions en public. Au départ, il y avait une émission qui s’appelait l’écho de de l’Ubu. C’était des interviews et des live, en public. Je traînais déjà beaucoup dans les bars… et l’idée c’était de de donner aux auditeurs beaucoup d’informations sur la scène locale ». Viendra ensuite l’époque du rdv culte « l’écho du Oan’s » où Ced défend un concept similaire. Surtout, il y affine des valeurs et des principes qui le guident toujours : dénicher des groupes locaux, les faire connaitre à un public plus large et le tout gratuitement, pour toutes et tous.

C’est à la même époque qu’il se lance en tant que DJ : « Canal B m’a permis de me lancer. J’ai énormément tourné, plutôt comme DJ « selector » : l’idée c’était… c’est toujours, corrige Ced, de faire faire des découvertes au public. Même si j’ai plutôt une approche pop rock, je peux aussi jouer plein d’autres styles de musique électronique musique du monde. Ce qui me branche, c’est toujours de partager ».

Fort de ce parcours, Ced est au bon endroit au bon moment pour prendre part à l’aventure de ce qui deviendra I’m From Rennes : « Pour cette première édition, on a organisé une soirée à la Salle de la cité, des concerts dans les bars, une émission radio et puis déjà les concerts en appartement. Tout ça sur cinq jours… Et ça a super bien fonctionné ! Le public a adoré, les artistes aussi… » Ced pressent que quelque chose se passe et souhaite poursuivre l’aventure. Si les groupes initiaux se désengagent, c’est pour mieux laisser la place à une équipe très investie : « Un noyau dur se forme alors pour l’édition 2013 autour d’une asso dédiée ». Le festival trouve rapidement sa place. « Le vrai tournant, c’est en 2016 avec le concert de Her au Thabor. Le concert a ramené beaucoup de public et nous a apporté une grosse reconnaissance ».

Im from Rennes
I’m from Rennes, archive de l’édition 2013

« À Rennes, on a un vivier musical complètement ouf en terme de groupes. »

Aujourd’hui, I’m From Rennes s’est imposé comme un rendez-vous incontournable. « On est jalousé de nombreuses autres villes ! », confie Céd. « Plusieurs programmateurs du festival me disent : c’est quand même incroyable de réussir à faire un festival de 10 jours dédié à la scène rennaise qui peut accueillir 20 000 personnes sur chaque édition ! »

La proximité entre le public et les artistes n’y est pas pour rien. Le côté volontiers déjanté non plus : entre l’incontournable championnat du monde de lancer de charentaise ou Le Tour de Reine sous la houlette du Père Michel, le festival assume aussi les franches rigolades. Enfin, et peut être surtout, I’m From Rennes est presque entièrement gratuit (à l’exception de rares rdv comme les concerts en appartement) : « La gratuité, c’est compliqué, car on a un modèle fragile, mais c’est hyper important pour nous. On veut toucher tous les publics. On peut aussi mettre en avant toute la diversité de la scène rennaise et mettre en avant des artistes qui ne sont pas connus : on peut faire jouer des groupes qui n’ont que trois ou quatre dates au compteur devant 2000 personnes au Thabor ».

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La Boom de l’Enfer / Championnat du monde de lancer de Charentaises, édition 2023 © Jean-Adrien Morandeau

Le cocktail est gagnant et le public est fidèle au rendez-vous, avide de découvertes : « Le meilleur compliment qu’on puisse nous faire c’est : “je ne sais pas ce que je vais voir, mais je vais quand même à I’m from Rennes, car je sais que je vais passer un bon moment”. Cédric se souvient de la soirée organisée au Thabor l’an dernier : « on a eu énormément de monde qui venait pour le phénomène Lorenzo et Rico. Quand des gars me disent qu’ils sont venus pour eux mais qu’ils ont kiffé Bouh ou Clavicule… c’est ma récompense !”.

« On a un vivier musical qui est complètement ouf en terme de groupes », s’enflamme Céd. « Ca me saoule toujours un peu d’entendre “Rennes ville rock”… ça renvoie trop souvent une image figée dans les années 1980 avec Marquis de Sade. Ce sont des groupes que j’adore, mais la scène ne s’arrête pas là. Elle était là avant et elle a continué ! Aujourd’hui Rennes, d’un point de vue musical, c’est très varié : c’est électro, rap, musique du monde… » Le point commun dans tout ça ? « Pour moi, c’est Rennes, ville avec une scène indépendante, avec des gens qui ont envie de faire quelque chose ! Les gars et les filles derrière les open air d’électro, c’est les rocker d’hier. Pareil pour le rap. La scène elle est toujours aussi vive ! »

Pour pouvoir brasser large et présenter un maximum d’esthétiques musicales différentes, Ced s’est entouré pour cette nouvelle édition de quatre nouveaux programmateurs : Marius, William, Marie et Evelyne. « j’y tenais après avoir programmé tout seul ces dernières années ». Le ton se fait plus grave : « À la base, on était plusieurs à la prog….Il y avait Ludo (Ludovic Le Prévost) et Simon Carpentier (membre des Popopops et chanteur du duo Her). Ludo est parti bosser à Paris… Et malheureusement Simon est décédé (en 2017, à l’âge de 27 ans). Je me suis retrouvé tout seul ». On sent Cédric plus hésitant, marqué par cette perte. « C’est un vrai traumatisme », confirme-t-il. « On a accompagné Simon jusqu’à son décès… cela a été super dur notamment les derniers mois. On voyait bien que cela n’allait pas, mais il nous a montré la force qu’il avait : un mois et demi avant qu’il ne décède, il était encore avec nous en train de travailler sur la programmation… Avec Youl, qui est avec moi depuis le début dans l’aventure, on s’est dit : attention ! ce projet on l’a monté pour le territoire rennais, il faut qu’il perdure ; Même si les gens qui sont actuellement dans l’association partent, il faut que le projet existe toujours. Le festival I’m from Rennes, on aimerait qu’il existe toujours dans 40 ans ! Il aura évolué en fonction des générations, mais il faut qu’il reste ! ».

I’m From Rennes, du 5 au 15 septembre 2024. Gratuit.
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