Les insectes et autres petites bestioles du sculpteur français Marc Georgeault ont envahi la chapelle du centre d’art Les 3CHA ! L’exposition INsect’ INside est à découvrir jusqu’au 16 juin 2018. Rencontre avec l’artiste.
Unidivers : Pouvez-vous nous parler de votre formation ? Qu’est-ce qui vous a amené à travailler le bois dans une démarche artistique ?
Marc Georgeault : Je viens de la technique. Après le collège, j’ai étudié la menuiserie, l’ébénisterie et la charpente navale. Ce qui m’intéressait était d’aller dans la finesse, le détail. En menuiserie, on travaillait le bois sans pouvoir aller trop loin donc je me suis tourné vers l’ébénisterie. Ça a toujours été une recherche autour de la qualité et de la finesse du travail.
J’avais des bribes d’idées au sujet de la sculpture, mais c’était encore assez éloigné. Je la regardais d’un point de vue technique. Au cours des voyages que j’ai pu faire, notamment en Thaïlande, des travaux énormes sont faits en termes de sculptures. De fil en aiguille, au fil des rencontres, des personnes m’ont parlé de formations sur la sculpture : tout ce qui était ornement, rond de bosse… Encore de la technique, mais qui touche à l’artisanat d’art cette fois-ci.
J’ai commencé à produire des créations. Je me suis ouvert, même si c’était sous-jacent, au domaine de l’art. J’ai découvert d’autres sculpteurs, d’autres moyens de créer le volume sur d’autres matières. Petit à petit, à force de matière et avec un regard différent, je me suis vraiment mis à la sculpture. Aujourd’hui encore, la technique me sert énormément. Je ne veux pas qu’elle me limite, donc je cherche toujours à aller plus loin. Cette connaissance me permet de réaliser des choses qui vont tenir dans le temps.
Unidivers : Comment choisissez-vous le bois justement ? Utilisez-vous toujours le même ?
Marc Georgeault : Je change régulièrement de bois. Il a son importance, mais ça dépend aussi des projets. Il est choisi en fonction de la collection. Par exemple, avec Attrait dévoilé, la matière est très importante et j’utilise ses « imperfections » afin d’en faire ressortir sa beauté originelle.
Selon moi, les œuvres monumentales doivent vivre à l’extérieur, que ce soit sur la collection Entrecoupé – collection sur le bestiaire commun – ou INsect’Inside. C’est donc fait dans un bois à la fois léger et résistant.
Unidivers : Justement, comment avez-vous appréhendé les 3CHA ? C’est une exposition en intérieur et aussi un monument historique ce qui peut être difficile à approcher, notamment avec les hauts plafonds…
Marc Georgeault : Techniquement, on ne peut rien attacher aux murs, mais seulement sur les poutres. C’était une contrainte de plus. Avec Petites fourmis, la fourmilière m’est apparue comme une évidence. J’en avais déjà réalisé quelques-unes et la question de la multitude trottait dans un coin de ma tête. L’idée de créer une dimension mouvante par le son aussi. C’est une projection qui était un peu « en option » donc elle est volontairement discrète. L’importance du travail se fait autour des sculptures, c’est ce que je cherche à mettre en avant. C’est subtil, mais présent. L’installation prend vie et utilise la totalité de l’espace du chœur.
Pour l’installation Toile d’araignée, mon idée consistait à utiliser la hauteur. Ce n’est pas un insecte, mais dans ce petit monde du microcosme, l’idée des araignées était une évidence et la toile me permettait d’utiliser la hauteur. En outre, le public lève la tête pour voir les araignées et le bâtiment. C’est aussi l’intérêt des 3CHA et ce que ses organisateurs souhaitent mettre en avant. Valoriser autant l’art que le patrimoine. Ça fonctionne bien avec les deux installations ; et c’est la même chose pour les fourmis monumentales sur le donjon, à l’extérieur. Ce qui est génial reste que le donjon a une structure ronde, la fourmi se détache petit à petit. Contrairement à une surface plane où il faudrait être sur le côté, le monument permet au relief de se détacher.
U. : Votre travail fonctionne par collections et vous expliquez que chaque sculpture correspond à une démarche artistique commune. Quelle est celle de la collection INsect’ Inside ?
M. G. : Le monde de l’insecte constituait une thématique que je souhaitais élargir pour l’exposition. La collection part d’une création de fourmis que j’avais déjà réalisée. J’aime beaucoup l’association de la matière et, techniquement parlant, je trouvais ça intéressant de travailler l’inox et jouer avec le côté légèreté. Le bois n’est plus à même le sol ce qui crée l’effet de légèreté et, en plus, techniquement c’est plus durable. On peut aussi l’installer sur les bâtiments. En réfléchissant à cette collection par rapport au lieu, j’ai élargi ma conception des insectes et la manière de les travailler. Autrement dit, comment les mettre en scène ?
L’idée générale était que les animaux prennent place sur le lieu et l’investissent. Ils se réapproprient cet espace. Le fait de changer de dimensions questionne aussi notre rapport à l’insecte : contrairement à d’habitude, nous sommes plus petits. Il y avait aussi l’envie de créer l’émotion à l’égard des volumes. Quelque chose susceptible de nous prendre aux tripes : être confronté à autant de bestioles…
U. : Vous dites laisser une grande place à l’esthétique de l’œuvre, quelle est votre vision de cette esthétique justement ?
C’est pour ça que je parle de ma vision. Même si je m’en détache quelque peu avec les araignées. Quelque chose d’épuré. Utiliser des tubes me rend dépendant d’un diamètre et de la matière. Je ne suis pas dans l’hyperréalisme, loin de là, plutôt l’idée de donner vie. Je ne vais pas aller chercher des détails, ce sera plus quelque chose que je vais rajouter pour faire ressortir des lignes. C’est ma vision de l’insecte même si je m’inspire de photographies. L’important est que dans l’imaginaire chacun voit se dessiner la libellule. La forme donne l’idée, autant à un gamin de 5 ans ou un grand-père de 100 ans, pour qu’il puisse reconnaître et apprécier.
Quand je dis que l’esthétique est importante, c’est parce que je trouve ça intéressant de faire du Beau. C’est peut-être un peu à contre-courant de l’art contemporain d’aujourd’hui où il faut choquer. C’est important pour moi qu’on apprécie la pièce en elle-même, son esthétique et qu’on se dise « je la vois bien chez moi ». C’était aussi un peu une contrainte quelque part, car je ne fais pas que des installations et expositions, je vends aussi mes pièces. Parfois, je voudrais faire quelque chose d’une façon militante ou autre, faire des choses qui pourraient marquer, un peu moins esthétique, mais ça m’intéresse moins. Je préfère que ma pièce soit jolie. Après, on peut quand même leur faire dire des choses et chacun a sa propre vision.
Cette esthétique crée aussi le fait que c’est accessible à tout le monde et qu’il n’y a pas besoin d’avoir fait des hautes études ou d’avoir le dictionnaire sur soi. C’est une volonté aussi de la part du centre d’art ce qui me va très bien. Ils se démarquent sur ce point-là et ça se retrouve d’ailleurs avec les inscriptions des écoles du coin et des centres de loisirs. Tout le monde joue le jeu parce qu’ils savent qu’ils trouvent un intérêt, les enfants viennent avec plaisir.
Et ça n’empêche pas d’avoir des idées, une démarche qui peut être stipulée aux enfants. On n’est pas obligé de faire des choses incompréhensibles. Pour moi, c’est un plaisir de voir un enfant qui s’extasie devant mes créations.
LES ATELIERS
Ouverture nocturne de l’exposition (tout public) – samedi 19 mai de 18h à 23h / Entrée libre
Le centre d’art ouvre ses portes en soirée pour la 14ème édition de la Nuit Européenne des musées.
Atelier manuel avec le sculpteur Marc Georgeault (atelier enfant 7-12 ans) – samedi 26 mai de 10h à 12h / 5 euros par personne. Après la visite de l’exposition avec la médiatrice, Marc Georgeault propose à vos enfants de pratiquer la sculpture sur bois !
Visite-atelier des tout-petits (atelier parents/enfants 3-6 ans) – mercredi 06 juin de 15h30 à 17h / 5 euros par personne.
Visite-rencontre avec le sculpteur Marc Georgeault et un entomologiste (tout public) – samedi 09 juin de 10h30 à 12h / 3 euros par personne – VISITE À CONFIRMER
Venez participer à une visite d’exposition-rencontre entre l’artiste et un entomologiste. Ils vous emmèneront à la découverte du monde des insectes.
Réservation souhaitée pour les ateliers payants
INFOS PRATIQUES
Le centre d’art est ouvert lors des expositions :
– le mercredi et le vendredi de 14h à 17h,
– le samedi de 10h à 12h et de 14h à 18h,
– le 1er dimanche du mois de 10h à 13h)
Le mardi et le jeudi sont réservés aux visites de groupes et scolaires.
Entrée libre et gratuite.
Accès aux personnes à mobilité réduite