Un mois après la disparition du journaliste et chroniqueur brestois Rémy Talec, ses proches lui rendent hommage en annonçant la production d’un double album vinyle. Plus qu’un témoignage, un passage de témoin, une bouchée dérobée à l’univers de ce personnage emblématique du paysage culturel de Brest… Collègues et surtout amis de longue date, Cédric Fautrel et Yann Belin nous en disent plus sur le projet INTERZONE, mais aussi surtout sur Rémy.
2020, année décidément mortifère. Le 11 novembre dernier c’est un pilier de la scène culturel brestoise qui s’est effondré, une voix bien connue des auditeurs du coin qui s’est éteinte, et une silhouette qui pendant trois décennies a arpenté les concerts du Grand Ouest qui s’est évaporée. Le lendemain les médias déplorent la disparition d’une personnalité importante pour le monde de la Culture. Et pour cause, 25 ans en tant que correspondant culturel pour un journal régional, et autant d’années au service de la scène musicale underground et alternative à l’antenne de Fréquence Mutine, sans parler des innombrables engagements pour promouvoir les artistes émergents d’ici et d’ailleurs. Mais pour Yann Bélin et Cédric Fautrel, Rémy Talec n’était pas seulement un confrère, c’était aussi un ami. Comme beaucoup ils pleurent une perte incommensurable pour la Culture, mais aussi la disparition d’un homme à la personnalité enivrante dont l’érudition et la curiosité étaient sans limites.
Avant de devenir disquaire indépendant et d’ouvrir ce petit temple de la musique qu’est l’Oreille Kc, Yann Bélin était lui aussi animateur radio chez Fréquence Mutine. Il était là lorsque Rémy Talec fit ses débuts, même s’il avoue avoir du mal à se souvenir précisément d’une date tant cela remonte à loin (1995, 1996 peut être ?). Déjà fort d’une culture musicale hors normes, Rémy Talec intervenait alors régulièrement en tant qu’auditeur sur les ondes de la radio brestoise. Il finit naturellement par prendre poste derrière le micro en tant que membre de l’équipe, sous le nom de « Monsieur Flash Info », pour former avec Cédric Fautrel, alias « Gomina », un binôme qui pendant 20 ans resta à la pointe de l’actualité culturelle et musicale bretonne. C’est aussi à cette époque que Rémy Talec devient correspondant culturel pour un journal régional pour lequel il rédige toute les semaines des articles sur les nombreux évènements qui font battre la vie culturelle locale.
C’est bien simple, des incontournables festivals qui font rayonner la Bretagne au plus petit concert de rock dans les soubassements d’un immeuble de Recouvrance, « Rémy était partout ». Pendant plus de 20 ans ce passionné a vagabondé entre les scènes du Grand Ouest armé de son appareil photo. Avec facilement plus de mille concerts à son actif, il n’y avait pas meilleure voix que la sienne pour parler de musique à Brest, de même qu’il n’y avait pas meilleur nez que le sien pour dénicher des petits artistes embryonnaires venus de partout en Europe. Alors certes, Cédric et Yann sont les premiers à l’avouer, tous ne partageaient pas ses goûts musicaux. Le post-punk, la new-wave, la dark-wave et autres cold-wave demeurent des style particuliers, réservés à un public averti. Il n’empêche que tout le monde tombait sous le charme de sa personnalité. Sa musique, il la défendait avec autant de fierté que de recul, sans jamais se scléroser.
Sa soif insatiable de connaissance dépassait de loin le monde de la musique. C’était un féru de théâtre et de danse contemporaine, un fan de bande dessinée, un grand amateur d’Histoire…Il avait beau être érudit, Rémy Talec ne faisait pas partie des ermites, de ceux qui restent recroquevillés sur eux-mêmes et refusent de voir plus loin que leur savoir, aussi étendu soit-il. Il ne faisait pas partie non plus des puristes, de ceux qui flattent leur égo en étalant leurs connaissances, et qui se complaisent dans une aveugle et arrogante nostalgie à répéter sans cesse que “c’était mieux avant”… Non, Rémy Talec faisait partie des irréductibles enthousiastes, de ceux qui accueillent et vont chercher la nouveauté, ce qui est rafraichissant ou qui dénote.
Pour Rémy Talec, la création se devait être comme le son rauque sorti d’un ampli de mauvaise qualité au fond d’une cave de punk : brute, organique, et surtout réelle. La musique ne devait pas selon lui avoir pour seule vocation d’enivrer, mais aussi et de déranger. Un artiste ne méritait pas que l’on s’intéresse à lui seulement en vertu de sa capacité à séduire et à remplir une salle, mais en vertu de son audace et de sa capacité à interpeller. La culture ne se devait pas seulement d’être infiniment riche dans sa diversité, mais aussi éminemment populaire et subversive. En bref, Rémy Talec faisait partie de ceux qui n’hésitaient pas à balayer l’orgueilleux “C” majuscule du mot “Culture” et lui préféraient le fier “c” minuscule du mot “contre“, de la contestation.
Telle une suite logique au deuil, une irrésistible envie de lui rendre hommage a fini par émergé quelques jours après son décès. Alors évidemment, une soirée concert aurait été pertinente pour dire adieu cet homme qui a consacré sa vie entière à la musique. Ce sera pour plus tard certainement. Mais il a surtout semblé nécessaire de faire quelque chose de plus concret et pérenne, comme un cadeau fait à Rémy Talec que chacun pourrait emporter chez soi, et qui permettrait de replonger dans l’univers singulier de ce passionné de musique. L’idée de sortir un double album vinyle hommage sonna comme une évidence.
Baptisé INTERZONE et organisé bien sûr par l’Oreille Kc et Fréquence Mutine en partenariat avec French Wine Records et Steelwork Maschine, le projet consiste en une compilation d’une vingtaine de morceaux coup de cœur de Rémy Talec. Le contenu de la tracklist reste secret jusqu’à la sorti de l’album prévue pour mi-mars, mais on peut d’ores et déjà s’attendre à y découvrir quelques pépites dont Rémy Talec ne cessait de rabattre les oreilles des auditeurs et de Cédric sur Fréquence Mutine, mais aussi surtout des groupes qui entretenaient un lien particulier avec le chroniqueur, ainsi que des morceaux issus des derniers albums que l’érudit aurait acheté et tenu entre ses mains…Un passage de témoin plus qu’un adieu donc, une belle façon de montrer que l’engagement de Rémy continue et continuera à vibrer.
Le nombre de tirage de l’album sera établi définitivement lorsque la période de financement participatif sera achevée, soit le 15 janvier prochain ! Un surplus d’exemplaires est aussi prévu et sera disponible en vente chez les disquaires du coin. Si vous souhaitez souscrire au projet INTERZONE, rendez-vous sur la page Facebook de l’évènement !
INTERZONE – une compilation double vinyle en hommage à Rémy Talec
Fréquence Mutine
SteelWork Maschine
L’Oreille Kc (10 Rue Bugeaud, 29200 Brest)
FrenchWine Records