Sous les paillettes et les costumes extravagants de cette star de la chanson et de la danse, se cache une femme de coeur et de courage à la destinée hors du commun. Résistante pendant la Seconde Guerre mondiale, engagée dans la lutte contre le racisme, Joséphine Baker est de tous les combats en faveur de l’égalité et de la justice entre les hommes. Au faîte de sa carrière, elle décide avec son mari Jo Bouillon d’adopter des enfants de nationalité et de religion différentes pour prouver au monde que la fraternité entre les peuples n’est pas une utopie. Et c’est au coeur du Périgord, au château des Milandes, qu’elle installe sa « tribu arc-en-ciel ». Jusqu’au jour où ses dettes la rattrapent… Son fils adoptif, Jean-Claude Bouillon-Baker, avec une sensibilité à fleur de peau, nous livre un témoignage bouleversant et inédit sur sa mère en faisant le récit de son enfance. Il rend ainsi l’hommage le plus poignant qui soit à l’une des plus grandes figures du XXe siècle.
Un rêve brisé
Celle qui chanta le célèbre « J’ai deux amours » et qui se produisit dans les plus grands cabarets, celle qui livra un combat contre la ségrégation et qui ne cessera de prouver que toutes les cultures et religions peuvent s’entendre ; cette femme s’appelle Joséphine Baker. Artiste reconnue de son temps, cette petite Américaine fit de la France sa patrie d’adoption.
Le fait que cette présentation de Joséphine Baker soit écrite par un proche, puisqu’il s’agit d’un de ses 12 enfants adoptés, constitue déjà un atout. De fait, le récit est nourri d’une profonde tendresse et une admiration qui donnent un charme que les biographies didactiques n’ont pas.
Le lecteur découvre l’artiste par son « rêve brisé », à savoir la cession de son château des Milandes, dans le Périgord, pour couvrir les dettes accumulées tout au long de sa vie. Un domaine devenu le symbole de sa « tribu arc-en-ciel » : une ribambelle d’enfants – douze au total – adoptés dans des pays différents, élevés ensemble dans le respect de leur religion d’origine, afin de montrer que l’amour va au-delà de tous ces principes de culture et de couleur de peau.
Ensuite, l’auteur s’engage dans le récit de la vie de sa mère par le début : son enfance dans les quartiers pauvres de Saint Louis, sa condition de Noire dans un pays gangréné par la ségrégation, puis le début de sa carrière de danseuse dans une troupe itinérante et dans une comédie musicale, pour finir par être repérée par une Américaine résidant à Paris, qu’elle va suivre. Dès lors, sa carrière va prendre un tournant : vedette de La Revue Nègre, sa carrière de star est lancée.
Mais Joséphine Baker n’est pas qu’une danseuse et une chanteuse. Fière de son adoption par la France, elle luttera pour elle lors de la Seconde Guerre mondiale, comme agent du contre-espionnage. De plus, elle est porteuse d’un idéal d’entente entre cultures et religions. Blessée par les souvenirs racistes de son enfance, elle va notamment soutenir Martin Luther King dans son combat et soutiendra les pauvres lors de nombreuses soupes populaires.
Cette approche est convaincante même si, en même temps, Jean-Claude Bouillon-Baker n’est pas dupe de sa réalité. Aussi aimée qu’elle pensât être, sa mère attirait aussi pour son argent. Beaucoup se moquaient d’elles par-derrière. Sa condition de Noire dans la France profonde ne cessera de faire jaser.
Par ses souvenirs d’enfants, l’auteur évoque Joséphine-maman, une femme dévouée corps et âme à des bambins qu’elle chérit plus que tout. Une « tribu arc-en-ciel » où les allusions péjoratives à la couleur de peau ou l’origine culturelle sont très sévèrement punies ; Jean-Claude s’en souvient encore ! Quoi qu’il en soit, on devine l’amour au sein de cette fratrie, un rêve abouti : aujourd’hui, presque quarante ans après la mort de leur mère, les onze frères et sœurs encore en vie se côtoient tous toujours.
Le style de Jean-Claude Bouillon-Baker est très agréable. Fluide, sentimental, avec une pointe de nostalgie. Cet ouvrage biographique sur une fillette de Saint-Louis devenue une star mondiale est à conseiller à tous les amoureux de ses figures féminines qui s’illustrèrent dans la première partie du XXe siècle par leur beauté et leur engagement.
Marylin Millon
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Un château sur la lune – Le rêve brisé de Joséphine Baker, Jean-Claude Bouillon Baker, février 2012, 271p., 20€
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