L’Homme qui marche de Jirō Taniguchi, Vagabondage contemplatif

La bande dessinée japonaise ne se résume pas au manga et à sa manière de feuilletonner le récit. D’autres auteurs majeurs ont su émerger au fil des années et acquérir une aura en dehors de leur pays. Jirō Taniguchi est de ceux-là, preuve en est l’adaptation au cinéma de Quartier Lointain au cinéma par Sam Gabarski en 2010, Prix du scénario au festival d’Angoulême 2003. Coup de projecteur sur la réédition de l’une de ses premières œuvres…

Taniguchi est un adepte de la ligne claire européenne. Après avoir fait ses armes comme assistant de mangaka (dessinateur de manga), L’Homme qui marche marque un tournant dans sa carrière de dessinateur. En effet, il se détache alors du rythme frénétique du manga pour s’orienter vers des ouvrages plus profonds et surtout des thèmes inusités : la vie quotidienne, les relations humaines, la nature et sa contemplation.

L’Homme Qui Marche ou Aruku Hito est paru en 1992. Puis il arrive en France et a droit à une seconde édition en 2003 (l’ordre des vignettes dans les pages peut malheureusement dérouter l’habitué des mangas). Le style est effectivement un mélange entre la ligne claire européenne et les visages des mangas avec un décor très fouillé et précis. Mais l’histoire nous emmène au-delà de ces univers puisque nous suivons un père de famille qui se promène seul dans les rues de sa ville et s’émerveille de scènes d’apparence anodines. Les dialogues sont peu nombreux sinon avec sa fille et quelques enfants croisés ici et là. La nature et la relation avec les animaux sont des thèmes récurrents dans les courtes histoires qui ponctuent ce livre. On y ressent évidemment l’influence du shintoïsme sans que cela se cantonne à la visite d’un temple. Le héros s’efforce par ses actions de remettre les choses en bon ordre de marche, que cela soit un nichoir pour oiseau, un avion pour enfant ou un chien abandonné qui l’accompagnera ensuite. L’âge et le temps qui passe sont aussi des thèmes récurrents. Les longues promenades sur les digues et le long des canaux font immanquablement penser aux films d’Ozu, auquel le dessinateur a été souvent comparé. Ainsi peut-on se surprendre à penser aux enfants de Bonjour quand le héros en croise sans dire un mot.homme1

La sérénité qui se dégage du dessin et du héros nous plongent dans un moment de calme et de bonheur simple qui nous amène à regarder la vie autrement. L’Homme qui marche est aussi une sorte de prémices de  Gourmet Solitaire où l’on suivra un homme seul dans le Japon moderne et qui recherche de nouvelles expériences culinaires.

Le thème du vagabondage d’un héros dans le Japon est très présent dans l’œuvre de Taniguchi qui se passionnera ensuite pour la montagne et tentera une incursion atypique dans le western. L’homme qui marche est un délice touchant à partager et à faire partager. Une invitation à la promenade sans but sinon de regarder notre environnement quotidien d’un autre

L’Homme qui marche de Jirō Taniguchi, 2e édition, Casterman, septembre 2003, 160 p., 17 €

 

En quelques années, Jirô Taniguchi est devenu l’ambassadeur de la bande dessinée japonaise en France, séduisant un large public jusqu’alors rétif à ses codes graphiques et narratifs. Le livre qui a tout changé ? Quartier lointain, auréolé du Prix du scénario au festival d’Angoulême 2003 et publié dans la collection Ecritures de Casterman, qui défend l’auteur depuis 1995, date de sa première publication française avec l’Homme qui marche, promenade élégiaque dans le Japon contemporain, portée par une description incroyablement minutieuse des petits riens du quotidien. Depuis, on a découvert une autre facette du talent de Taniguchi avec le Sommet des Dieux – Prix du dessin à Angoulême en 2005 – tandis que Le Journal de mon Père, L’Orme du Caucase et Terre de rêves ont confirmé son statut de géant de la bande dessinée mondiale.

 

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Didier Acker
didier.ackermann {@] unidivers .fr

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