Les correspondances et le journal intime retrouvent ces derniers temps une vigueur inaccoutumée. Début de siècle apocalyptique et effondrement de l’occident expliquent peut-être cet engouement qui, il est vrai, ne tarit pas depuis des lustres. À la croisée entre descriptions du quotidien, confession, exhortation et chronique historique et politique, le Journal d’Alexandre Schmemann fournit au lecteur, féru ou non de vie spirituelle, une plongée extraordinaire dans la vie d’un grand sage profondément humain et profondément chrétien.
Russe-estonien réfugié en France puis enseignant aux États-Unis, le père Alexandre est l’auteur d’un grand nombre d’articles et de livres. Pour la Vie du Monde, un livre sur la foi chrétienne reflétée dans la Liturgie, a été traduit en onze langues.

D’un point de vue spirituel, philosophique et phénoménologique, ce grand théologien orthodoxe qu’est Alexandre Schmemann met en exergue notamment un processus lourd pour l’humanité : comment la direction logique et l’enchaînement de nos pensées est court-circuitée par certains contenus psychiques qui l’entraîne sur de fausses routes. « Dans les profondeurs, il y a beaucoup plus d’obscurité que de clarté ».
Mais, avant tout, rarement le déroulé de la vie d’un ecclésiastique avait atteint, à ma connaissance, une telle puissance d’évocation littéraire. Comment cet ouvrage conjugue ce déroulé et cette direction logique dans une mise à jour éclatante ? D’une manière simple, Alexandre Schmemann décrit ses activités usuelles pendant les dix dernières années de sa vie en les (ré-)incluant sans cesse dans la globalité de son existence. Bien plus qu’une analyse, Alexandre Schmemann s’observe lui-même au milieu de la création. Une manière extraordinaire de se voir autrement comme de se réjouir simplement des choses de la vie. Remarquable.
Journal (1973-1983), Alexandre Schmemann, sous la direction de Nikita Struve et traduit par Anne Davidenkoff, Éditions des Syrtes, octobre 2009, 923 p. 40€
